Weymouth, Adam «Les rois du Yukon – Trois mille kilomètres en canoë à travers l’Alaska» (2021)
Auteur : Sacré « Jeune Ecrivain de l’année » en Grande-Bretagne en 2018, Adam Weymouth est journaliste. Spécialiste des questions environnementales et écologiques, il collabore notamment avec The Guardian et The Atlantic.
Albin Michel – 31.03.2021 – 333 pages (traducteur : Bruno Boudard)
Résumé : Long de plus de trois mille kilomètres, le Yukon traverse le Canada et l’Alaska avant de se jeter dans la mer de Béring.
Chaque été, depuis la nuit des temps, les saumons royaux (ou chinooks) remontent ses eaux pour retourner pondre et mourir sur leur lieu de naissance. C’est l’un des derniers endroits sauvages de la planète. En entreprenant ce long et difficile voyage en canoë afin d’accompagner les saumons dans leur migration, Adam Weymouth souhaitait constater les effets du réchauffement climatique sur une nature presque vierge et coupée de tout.
A terme, c’est l’existence même du saumon royal qui est menacée, mais aussi celle des communautés autochtones qui dépendent de lui, et dont l’auteur dresse un portrait inoubliable. S’interrogeant sur notre relation de plus en plus complexe avec le monde vivant, il nous offre le récit captivant d’une aventure extraordinaire, et nous invite à une immersion élégiaque au coeur des mystères de la vie. Sacré « Jeune Ecrivain de l’année » en Grande-Bretagne en 2018, Adam Weymouth est journaliste.
Spécialiste des questions environnementales et écologiques, il collabore notamment avec The Guardian et The Atlantic.
« Chez Adam Weymouth, conscience politique et écologique se mêlent à une démarche toute personnelle. Son écriture possède une élégance rare, et c’est tout naturellement qu’il prend sa place aux côtés des plus grands écrivains voyageurs : Bruce Chatwin, Colin Thubron ou Patrick Leigh Fermor ». The Sunday Times
Mon Avis :
Merci aux Editions Albin-Michel sans qui je n’aurais jamais eu l’idée d’aller m’aventurer en canoé sur le Yukon, et pourtant j’aime ces livres qui traitent de l’écologie et la nature sauvage (romans ou documents) . Et j’aurais raté un superbe périple ! Mais attention, il s’agit plutôt d’un document, super intéressant à mes yeux et ce que j’ai apprécié c’est que sous prétexte de migration des saumons, la nature s’ouvre… mais pas qu’elle : tout ce qui vit, meurt, existe ou a existé au bord des rives du fleuve et les souvenirs et histoires qui s’y rapportent depuis la création du monde, à travers les siècles. Nous pénétrons dans un univers inconnu, sauvage, préservé jusqu’au XIXème siècle. Alors embarquons sur le canoé, au Canada et voguons jusqu’en Alaska…
En se penchant sur la problématique de la disparition – ou du moins la très forte raréfaction des saumons- nous croisons au fil de la rivière des orignals, des ours bruns, des animaux issus du croisement grizzli/ours (et oui !!) et découvrons la faune et la faune qui bordent la rivière et ne peut pas être vue ailleurs car inaccessible par la route. Nous y croisons aussi des hommes : la parole est donnée aux anciens, et on en apprend beaucoup sur la vie d’avant, les conditions de vie, les traditions, les tribus ( les Yup’ik ).
L’auteur a rencontré des peuples qui habitent les lieux ( les Athapascan , les Tlingit, les Tr’ondek Hwëch’in) et il nous raconte de quelle manière ils vivaient et comment ils vivent maintenant… édifiant…
Déforestation, surpêche, extinction des espèces, premières lois antipollution, conséquences dramatiques de la révolution industrielle, dégâts causés par les pesticides et les barrages, les dangers pour la faune et la flore, le danger apporté par les étrangers, les ravages de la colonisation (épidémies, alcool, ruée vers l’or et dans le sillage violence, violence conjugale, abus sexuels, alcoolisme, suicides, perte de leur culture ancestrale). Comme le rappelle l’auteur, Charles Dickens tirait déjà la sonnette d’alarme en 1861 en parlant du Saumon en danger en Grande Bretagne… L’auteur soulève aussi le problème du marketing qui nous enfume plus que le saumon…
Côté scientifique et environnemental, l’auteur nous explique aussi les phénomènes du « blob », du « bloom », les effets du réchauffement des océans, de la monté des températures et leur incidence sur la nature.
J’ai adoré les légendes qui nous sont transmises (la légende du Garçon-Saumon), les traditions (jeu de ficelle) , les récits des anciens, les rapports humains ..
En conclusion, une incursion dans le monde dit « sauvage » confirme une fois encore que les sauvages ne sont pas ceux que l’on croit… Bien sûr qu’il y a toujours eu des rivalités entre les tribus, des guerres de territoires, mais elles n’impactaient pas la survie de la région, car le respect était toujours présent.
Je termine ma chronique sur une citation « Dans la croyance religieuse des Yupiks, c’est ce cycle d’interaction entre homme et animal qui permet de perpétuer les saisons et, si cet équilibre n’est pas conservé, la nouvelle année ne suivra pas l’ancienne »
En complément, je vous signale un article dans le « National Geographic Geo 508 – juin 2021 » sur le périple de 4 mois de ce journaliste britannique avec de superbes photos à l’appui.
Comme je suis intéressée par l’écologie j’avais lu le livre de Patrik Svensson «L’évangile des anguilles » qui abordait le sujet de la migration des animaux marins . Je vous signale également La Collection « Mondes Sauvages » d’Actes-Sud (divers titres). J’en profite pour repointer du doigt mon coup de cœur pour le livre de Taylor Brown « Le fleuve des rois » (2021) qui parle aussi de la disparition des espèces.
Extraits :
Mais ici, au bout du monde, une information n’existe pas tant qu’elle n’a pas été constatée de visu.
En Amérique du Nord, il existe cinq espèces de saumon du Pacifique : le chum, le coho, le sockeye, le rose et le chinook. Chacune a son petit nom : le chum est le chien ou le keta ; le coho, l’argenté ; le sockeye, le rouge ; le rose, le bossu et le chinook, le royal.
En Alaska, on a découvert à l’embouchure de certaines rivières des pétroglyphes vieux de dix mille ans. De gros saumons gravés dans le grès. De petits saumons qui remontent le courant. Un saumon bicéphale, ce qui indique une connaissance de leur cycle de vie, de leur départ et de leur retour. Des dessins sculptés par des chamans, peut-être, pour invoquer leur migration annuelle ; ou des emblèmes pour signaler des droits de pêche sur les différents cours d’eau ; ou encore des griffonnages tracés dans l’ennui des jours de crue ou lors de ceux où la montaison se faisait attendre.
Il y a un siècle, Fort Yukon était un incontournable des circuits touristiques. C’est là que Jack London avait situé l’action de Croc-Blanc.
Le royal est le poisson-emblème de l’État de l’Alaska et, de l’autre côté d’une frontière que les animaux ne reconnaissent pas, au Canada oriental, le lien avec le chinook est du même ordre.
Le sable a conservé les histoires de la nuit. Les empreintes de sabots d’un orignal et de son petit, semblables à deux séries de points d’interrogation sorties de l’eau pour se diriger vers les saules. Sur toute la longueur du rivage les flèches délicates et nerveuses des bécasseaux, pointées dans toutes les directions.
Trois jours après le lac, la McNeil River se jette dans la Nisutlin River par un canyon aux parois rocheuses marquées par les motifs des plis anticlinaux. Bien que la McNeil soit plus importante, la rivière prend maintenant le nom de Nisutlin par déférence pour le peuple tlingit dont elle traverse les terres ancestrales.
il y a, dans l’aptitude de ce poisson à survivre aussi bien dans l’eau fraîche que salée, quelque chose de bien plus remarquable. Seul 0,5 % des 30 000 espèces de poissons a la faculté de s’adapter à ces deux environnements différents.
Il est ahurissant de songer qu’autrefois l’eau de toutes les rivières était potable, qu’autrefois j’aurais pu plonger mon gobelet dans la Tamise.
Les noms des ramifications du tronc principal constituent un véritable manuel d’introduction au Grand Nord : Log Cabin Slough (le Marécage de la cabane en rondins), Muskrat Creek (le Ruisseau du rat musqué), Little Salmon River (la Rivière du petit saumon), Fish Hook Bend (le Coude de l’hameçon), Mosquito Gulch (le Ravin des moustiques).
Jadis, le site avait également abrité une taverne et une écurie, ainsi qu’un comptoir commercial et un poste télégraphique. La police apportait deux fois par semaine le courrier de Whitehorse. Ce qui revient à dire qu’il était nettement plus facile en 1902 d’être en contact avec le monde extérieur que ce ne l’est aujourd’hui pour moi.
Le Yukon est jalonné sur toute sa longueur de souvenirs du temps où le fleuve grouillait de vie : attirails de chercheurs d’or ; vestiges d’auberges tous les trente à quarante kilomètres, indispensables étapes sur la route des voyageurs, avec leurs jardins dans lesquels poussent encore rhubarbe et framboises ; anneaux d’amarrage toujours fixés dans les rochers.
Sculptés par le vent et les éléments, les hoodoos, ces cheminées de fée gaudiesques, se dressent haut par-dessus les flots, menaçants avec l’auréole de corbeaux qui hantent leurs cimes en s’interpellant de leurs cris furieux.
Klondike, un mot onomatopéique, le son de la pierre sur le bois et de la course de l’eau sur la roche, un mot comme un cri en manchette des journaux, un mot qui a répandu des rumeurs dans tous les bistrots, qui a séduit un monde plongé dans les abîmes de la Dépression.
Avant 1897, le mode de vie des Tr’ondëk Hwëch’ins était resté plus ou moins immuable pendant plusieurs millénaires. Chaque année s’organisait selon un cycle qui amenait les familles à se transporter de camp en camp afin de suivre la ressource dont elles dépendaient. Quand le dernier des chums d’automne était séché, l’été touchait à sa fin.
Mais maintenant, poursuit-il, les jeunes loups ne savent plus ce qu’il faut faire. Ça a commencé quand l’État a décidé de procéder à des abattages afin de protéger les caribous. Ils ont éliminé les animaux plus âgés, ceux qui éduquaient les jeunes. Désormais, Percy voit des loups entrer dans les jardins pour attaquer les chiens ou encore courir après les motoneiges. On ne leur a pas enseigné la peur ; ils n’ont bénéficié d’aucune éducation de la part de leurs aînés.
Je constate que je parviens à déterminer l’espèce d’un arbre par sa façon de s’agiter dans le vent : les feuilles du tremble paraissent scintiller, alors que celles du bouleau frémissent.
Et puis je tombe amoureux du canoë. Avec son élégante simplicité, il représente l’essence même de ce qu’est un bateau : symétrique sur les deux plans, seule la position des bancs de nage permettant de distinguer l’avant de l’arrière. À mesure que je passe du temps à son bord, je me rends compte que je peux sentir le fleuve à travers lui, qu’il est davantage un intermédiaire entre l’eau et moi qu’un véhicule qui nous sépare l’un de l’autre. Chaque soubresaut du courant, chaque frémissement du vent se propage par la coque ou par la pagaie en bois, et plus j’y prête attention, plus je perçois ces variations.
La glace défilait comme une coulée de magma, le fleuve se gonflait et s’abaissait, semblable à une créature qui respirait, et ils constatèrent qu’il débordait déjà sur ses berges lorsque son débit se faisait plus impétueux.
Les épicéas sont sculptés par les éléments, décharnés tels des goupillons, taillés par les conditions météorologiques comme par la main d’un jardinier d’agrément.
En 2006, un chasseur a abattu dans le nord du Canada une bête dont l’autopsie a confirmé qu’il s’agissait du premier croisement sauvage entre un grizzly et un ours polaire. On appelle cela un « grolar » ou un « pizzly », selon le degré d’inquiétude qu’inspire cette perspective. Deux autres cas ont été attestés depuis. Contrairement à la plupart des hybrides, celui-ci est capable de se reproduire car les deux plantigrades ont un ancêtre commun assez proche.
Mais il faut dire que c’était toujours avec un certain étonnement que les premiers visiteurs occidentaux découvraient les notions de partage et de coopération des indigènes, si contraires à l’instinct de possession constitutif des diverses cultures dont étaient issus ces mêmes explorateurs. « Les Indiens sont si naïfs et si peu attachés à leurs biens que quiconque ne l’a pas vu de ses yeux ne peut le croire. Lorsque vous leur demandez quelque chose qu’ils possèdent, ils ne disent jamais non. Bien au contraire, ils proposent de le partager avec tout le monde », rapporta Christophe Colomb à la cour de Madrid pour décrire son arrivée aux Bahamas.
Il n’y a plus guère de grandes migrations. Les colons européens ont décimé soixante millions de bisons au fil de leur progression à travers les Grandes Plaines ; il n’en reste plus que cinq mille aujourd’hui. Des nuées de tourtes voyageuses obscurcissaient autrefois le ciel des jours durant ; la dernière est morte en 1900, l’espèce ayant été chassée jusqu’à son extinction.
En 1466, une amende infligée aux tanneurs irlandais qui lavaient le cuir à proximité des frayères est peut-être le premier exemple au monde d’application d’une loi antipollution
Les routes se déforment, les fondations s’affaissent. Les arbres qui ont basculé sont tellement inclinés qu’on parle de « forêts ivres ».
En Grande-Bretagne, le saumon commercialisé par Marks & Spencer provient de Lochmuir, un loch qui n’existe nulle part. Ce nom a été choisi par un panel de consommateurs comme étant celui qui « sonnait le plus écossais », et le saumon vendu sous cette marque est issu de cinq fermes différentes du pays.
En 1900, une épidémie de grippe – dont le virus avait été apporté par les missionnaires et les mineurs – se propagea à Nome avant de gagner tout l’Alaska. 60 % des Esquimaux et des Athabascans finirent par y succomber. Puis en 1918, la pandémie de grippe espagnole décima la moitié de la population de Nome. Les angalkuqs – chamans, sorciers, détenteurs de la culture et de l’esprit – se trouvèrent démunis face à sa propagation. Tout ce qui avait permis aux tribus de survivre pendant des millénaires dans l’un des environnements les plus hostiles de la planète – leur médecine traditionnelle, leurs guérisseurs, leur spiritualité et leurs histoires – se désagrégeait devant cette nouvelle force.
Le traumatisme des écoles fut encore exacerbé par une culture qui veut traditionnellement que l’on évite les conflits et dans laquelle l’expression de la colère est considérée comme un signe de faiblesse. En yupik, on appelle cela nallunguarluku – « faire comme si de rien n’était ».
Ils doivent se purger de la doctrine occidentale du “moi d’abord”, de ce point de vue individualiste. Ils commencent à prendre conscience qu’il existe une communauté plus large, qui dépasse les limites de la génération actuelle.
Les expériences auxquelles il se livra ultérieurement confirmèrent cette intuition : les saumons dont les organes olfactifs étaient abîmés étaient incapables de retrouver leur rivière natale, alors que ceux qu’il avait aveuglés n’avaient aucun problème à effectuer le trajet de retour. Comme la plupart des autres poissons, les saumons sentent en stéréo et ont la faculté de s’orienter en suivant le mélange particulier d’acides aminés et d’autres composés chimiques de l’embouchure du fleuve à leur lieu de naissance.
Vocabulaire :
Le Miocène est la première époque du Néogène et la quatrième de l’ère Cénozoïque. Il s’étend de 23,03 ± 0,05 à 5,332 ± 0,005 millions d’années1. Il est précédé par l’Oligocène et suivi par le Pliocène. Le nom « Miocène » a été créé par Charles Lyell à partir du grec μείων (meioon, moins) et καινός (kainos, nouveau), moins récent, car cette période comporte moins d’invertébrés marins modernes que le Pliocène.
Durant sa première moitié, le Miocène connait une période de réchauffement puis d’optimum climatique. La végétation tropicale remonte vers le nord, favorisant l’expansion des faunes africaines, et notamment des Hominoidea en Europe et en Asie. À partir de 14,5 millions d’années (Ma), le climat connait une tendance au refroidissement et à l’assèchement, qui se poursuivra avec des fluctuations pendant le Pliocène, jusqu’à parvenir aux cycles glaciaires du Pléistocène. À la fin du Miocène, la température baisse et le climat devient plus sec. l’Australie devient semi-aride. (wikipedia)