Herrlemann, Florence «L’appartement du dessous» (2019)
Autrice : Née à Marseille, Florence navigue entre Lyon ou elle vit et Paris ou elle travaille.
Premier bain artistique à 15 ans avec trois ans de cours de théâtre. Plus tard, à
Paris, ses rencontres avec de nombreux artistes lui permettent de « toucher » à la
musique et à la sculpture avant de décider, en 2003, de passer derrière la caméra.
Elle réalisera, entre autres, un film pour l’enfance maltraitée, diffusé par le ministère
de la Famille. Le Festin du Lézard est son premier roman.
Romans : Le Festin du Lézard (2016) – L’appartement du dessous (/2019) – Léa (2020)
Albin-Michel – 27.02.2019 – 251 pages
Résumé :
Dans le petit immeuble parisien du Marais où elle vit depuis des lustres, Hectorine voit d’un jour à l’autre l’appartement du dessous investi par une nouvelle voisine, Sarah. Pour lui souhaiter la bienvenue, la vieille dame dépose une lettre sur le pas de sa porte. Cette missive sera suivie de beaucoup d’autres, retraçant une traversée du XXe siècle incroyable, entre le Cabourg de La Recherche, le Berlin du IIIe Reich et le Paris d’après-guerre.
Mais pourquoi toutes ces lettres ? « Un jour, vous saurez » , promet la centenaire à Sarah qui se prend au jeu, intriguée par cette voisine invisible dont les confidences laissent percer l’aiguillon d’un douloureux secret… Dans ce roman totalement insolite qui redonne vie et fraîcheur au genre épistolaire, Florence Herrlemann insuffle un véritable hymne à la vie, à la parole qui délivre et à la transmission entre générations.
Ce voyage fascinant au coeur de l’Histoire nous rappelle aussi que l’amitié est le plus tendre des pactes.
Mon avis :
Un bijou ! Coup de cœur.
Lorsqu’une jeune fille, Sarah, emménage dans son nouvel appartement, sa voisine du dessus, Hectorine, agée de 103 ans, entre en contact avec elle en entamant un échange de lettres. Bien qu’agacée par ces missives, Sarah ne se sens pas le courage d’envoyer promener la vielle dame qui ne veut pas lâcher prise. Elle refuse de la rencontrer mais à force de courriers déposés devant la porte, une relation s’installe, sans que jamais les deux femmes ne se rencontrent. La vieille dame commence à se raconter, à établir le contact, et la jeune se prend au jeu et finit par se confier à son tour. Une amitié épistolaire s’installe, toute en sensibilité, confiance, tendresse, gentillesse. On sent bien que la vieille dame cache un secret, mais lequel ?
Un très beau moment de lecture et d’humanité, un pont entre les générations…
J’ai été charmée, bouleversée, émue… Par certains moments il m’y fait penser au joli roman de Jeanne Benameur « Profanes » (01.2013) . Une lecture que je conseille vivement.
Extraits :
Quel étrange constat, les chats aiment les livres. Je ne sais combien de fois j’ai surpris Suzanne couchée sur le livre que j’étais en train de lire.
Littérature, musique, chat. Voilà un triptyque essentiel au bon entretien de nos neurones.
elle était déjà âgée lorsqu’elle est arrivée, alors forcément, avec le temps cela ne s’est pas amélioré.
J’étais dans un entre-deux, projetée au cœur de songes plutôt curieux
Alors nous disparaîtrons, car tout doit disparaître. Même les souvenirs s’éteignent, comme les étoiles. C’est le noir absolu qui nous attend.
J’aime ses vieux immeubles, l’architecture est riche d’histoire, les façades chantent aux caresses du soleil, la pierre s’illumine et resplendit.
Je me laisse emporter par cette marée humaine dont les remous nerveux manquent parfois me faire chavirer. Jamais je ne chavire, j’ai le pied marin. Je me perds, m’oublie, je me désapprends et deviens autre au milieu de tous ces voyageurs. Je me soustrais à ma vie et me dissous dans celle des autres en quelques secondes. C’est le phénomène qui veut ça, là, au beau milieu de la foule dense et pressée.
La littérature a toujours fait partie de ma vie. Elle m’a permis de croire encore en l’humanité, lorsque ce mot n’était devenu pour moi qu’une idée dénuée de sens, une coque vide. Elle m’a indiqué le chemin, m’a aidée à distinguer ce qui a du prix de ce qui n’en a pas. Elle m’a donné la force de continuer à garder la tête haute, à sourire, à ressentir, à rêver.
Toutes les familles connaissent plus ou moins ça, les non-dits, les mensonges, les faux-semblants et les rancœurs. Certaines portent des secrets honteux et inavouables.
Le passé a pris la place du présent. Je vis une éclipse intérieure.
Nous portons en nous la mort autant que la vie, et ce, avec plus ou moins de talent, de courage, et d’inconscience aussi.
Aux yeux des nazis, vous devez le savoir, les femmes homosexuelles étaient vouées aux gémonies ou à la rééducation.
le mal devenait banal, comme l’explique très bien Hannah Arendt.
En enfer les nuits sont courtes, froides, pénibles, peuplées de cauchemars, de pleurs et de cris. Les matins, en enfer, sont identiques. On ne sort pas du cauchemar, il ne s’arrête jamais.
J’appris l’amour avec un grand A, je vous parle de l’amour universel, inconditionnel. L’amour, on y pense vraiment quand il est absent. Quand il manque. C’est comme l’air qu’on respire. Il suffit que nous soyons à bout de souffle, haletants, pour le chercher à tout prix, pour désirer remplir nos poumons d’une longue goulée d’air. De même pour l’amour, c’est quand il manque qu’on se met à le chercher partout.
Je vous remercie une nouvelle fois pour votre prévenance. C’est une bien jolie qualité.
J’ai dans la poitrine comme un lâcher de chevaux au galop qui auraient pris mon cœur pour les steppes de Mongolie. Ma cage thoracique est sur le point de céder, d’exploser. J’ai comme un phare planté dans le plexus qui irradie sa lumière au-delà des océans. Je suis ivre… Je suis amoureuse, ivre et amoureuse…
Le hasard n’existe pas, ce mot vague est juste une façon de renvoyer ses interrogations dans l’indéterminé.
Nous étions comme immobilisés dans cet espace-temps. Les semaines s’écoulaient, toutes identiques. À croire que toujours le même jour se répétait sans fin. Nous étions hors du monde. Ces instants étaient pareils à un trait d’union, séparant et rassemblant ce qui fut et ce qui sera, sans que nous puissions rien y faire, sans même éprouver le désir qu’il en soit autrement.
Vous n’allez pas faire comme ces sottes qui passent leur temps à se déprécier en s’apitoyant sur leur sort plutôt que d’essayer de se donner une chance.
Mais pas facile de ne plus avoir peur. C’est la peur, le problème. J’ai encore beaucoup de mal à la dompter. Mais je ne renonce pas.
Certaines luttes ne servent à rien, sinon à nous épuiser. Il est des combats déjà vains. Quand tout devient sombre, quand on ne saisit plus réellement le sens de l’existence, il est bon de savoir s’arrêter. Ne plus penser à rien d’autre qu’à l’instant présent
One Reply to “Herrlemann, Florence «L’appartement du dessous» (2019)”
Très envie de faire connaissance…