Treuer, David «Notre coeur bat à Wounded Knee» (RL2021)
Auteur : Né le 21 octobre 1970 à Washington DC, est un écrivain américain., né d’un père juif autrichien et d’une mère indienne, sur la réserve ojibwé de Leech Lake dans le Minnesota. l a étudié à l’université de Princeton et a obtenu son diplôme en 1992 après avoir écrit deux thèses – une au département d’anthropologie et une dans le cadre du programme Princeton pour l’écriture créative. À Princeton, il a fréquenté Joanna Scott et Paul Muldoon. Son directeur de thèse était l’écrivain Toni Morrison, lauréate du Prix Nobel de littérature en 1993.
Romans : Little (1998) , Comme un frère(2001) , Le manuscrit du Docteur Appelle (2007) , Et la vie nous emportera (2016)
Récit : Indian Roads (2014)
Non traduit : Native American Fiction: A User’s Manual, 2006
Albin Michel – 01.09.2021 – 576 pages – Traduit par Michel Lederer
Résumé :
Enterre mon cœur à Wounded Knee est un livre qui aura marqué son époque lors de sa parution en pleine guerre du Vietnam. Dee Brown y donnait le point de vue des Indiens sur cette fameuse conquête de l’Ouest, synonyme de violences et de spoliations, qui trouvé un épilogue sanglant avec le massacre de Wounded Knee en décembre 1890. Mais pour David Treuer, originaire de la réserve de Leech Lake (Minnesota), pas question de confiner les siens dans un passé tragique : il s’agit au contraire de célébrer les vies indiennes d’hier et d’aujourd’hui. Des vies marquées par une résilience et une ténacité hors norme qui ont permis à des communautés de se réinventer et de donner naissance à une identité plus unie et plus forte que jamais.
David Treuer retrace le douloureux combat qu’ont mené, de 1890 à aujourd’hui, cinq cents nations différentes pour retrouver une place à part entière dans leur propre pays, en conjuguant souveraineté et fierté nouvelles. Avec cet ouvrage, qui tient autant du livre d’histoire que du reportage, l’auteur de Little et de Comme un frère touche à l’intime et à l’universel. Oui, le cœur de l’Amérique indienne bat toujours, envers et contre tout.
« Notre cœur bat à Wounded Knee » a figuré parmi les finalistes du National Book Award et a été salué par de nombreux quotidiens et magazines comme l’un des meilleurs ouvrages de l’année 2019
«Un portrait fouillé, émouvant et kaléidoscopique de la survie, de la résilience, de l’adaptabilité, de la fierté et de la place des Indiens dans le monde contemporain.» The New York Times
Mon avis : Tout comme Louise Erdrich, David Treuer fait partie des indiens Ojibwé.
Il nous parle dans ce livre de l’histoire, de la vie des Indiens d’Amérique de 1890 à nos jours. 1890, année de « Wounded Knee », qui symbolise une fin et un commencement. J’avais lu « Bury my heart at Wounded Knee » à sa sortie, et de l’ai ressorti au moment de me plonger dans ce livre.
Et je me suis lancée dans la lecture réponse au titre précédent. Non on n’enterre pas un cœur… un cœur qui bat encore et toujours.
Ce n’est pas un roman que cela soit bien clair : C’est un livre d’Histoire. Et c’est passionnant. Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur les Américains, raconté par un Amérindien qui regarde vers l’Avenir et voit le positif de l’après Wounded Knee. Ce livre raconte la VIE des indiens et non leur mort ; leur disparition était peut-être programmée mais ce fut un échec. Ils sont toujours là et bien là.
Quand ils ont mis le pied sur le Continent américain, les Indiens étaient là depuis bien longtemps… Ce livre nous parle de ces tribus qui ont été maltraitées, colonisées, décimées par les nouveaux arrivants. Il nous fait découvrir l’Amérique d’avant les réserves et la manière dont les réserves sont nées. Il nous raconte les tribus indiennes.
Ce n’est pas un livre que j’ai pu lire d’une traite : c’est foisonnant et extrêmement documenté, c’est une encyclopédie de la nation indienne qui nous décrit la manière dont la vie des indiens a évolué au fil du temps et quelle est leur place aujourd’hui. En lisant tout d’une traite, je risquais de tout mélanger… Et c’est un livre que je qualifie d’optimiste dans la mesure où l’auteur nous explique que la nation indienne est toujours vivante, avec ses cultures, ses acquis, ses traditions. Il nous explique les tribus en fractionnant l’Amérique en régions. Un livre qui est à la fois révoltant et au final encourageant.
L’auteur nous compte la politique et les agissements scandaleux de l’Amérique contre les indiens mais il nous parle aussi de la résistance des tribus, de la manière dont ils se relèvent, de la préservation des cultures des centaines de tribus, de la résurgence des langues.
Tout commence par un tableau historique et géographique, qui traite de toutes les régions habitées par les indiens et de leurs rapports avec les hommes blancs, depuis qu’ils ont mis le pied sur les territoires et le livre nous amène jusqu’à nos jours… Il y a des descriptions, des témoignages, une partie autobiographique, la partie juridique, politique… Quelle magnifique leçon d’Histoire qui met en lumière la force des Indiens et fait tout pour effacer l’image misérabiliste qu’on a tenté de leur coller depuis des centaines d’années. Et d’espoir et de foi en l’avenir …
Jamais je n’aurais imaginé qu’il y avait autant de tribus…
Un énorme travail de documentation (merci pour l’Index de fin qui permettra de se référer à ce livre comme à un « dictionnaire de référence » pour tout ce qui a trait aux Amérindiens.
Et je remercie Albin-Michel et « Terres d’Amérique » de m’avoir permis de plonger dans la découverte de l’Histoire des Indiens D’Amérique.
Et le plus parlant, ce sont les extraits : alors en voici quelques-uns.
Extraits :
Beaucoup de tribus ont des histoires où il est question d’émerger de la terre – ce sont les tribus ascendantes. D’autres, comme la mienne, sont plutôt des tribus descendantes : nous croyons que le Créateur a fait le ciel et la terre puis qu’il a posé ou drapé dessus diverses œuvres. Nous, les humains, avons été ajoutés en dernier, après les animaux, comme l’ultime petite pièce d’un immense diorama.
La colonisation de l’Amérique du Nord est souvent considérée comme un combat binaire, une série de conflits entre Indiens et colons. Pourtant, malgré les maladies, la famine et les déplacements, le conflit se déroula sur de multiples plans. Des tribus s’allièrent contre d’autres tribus ; des puissances coloniales conclurent des alliances avec des tribus contre d’autres tribus et des puissances coloniales rivales.
Il ne faut pas oublier que quelles que soient les origines géographiques ou génétiques de ces groupes, ils étaient davantage définis par leur origine spirituelle et culturelle au sein des pays qu’ils habitaient que par leurs pérégrinations. Ce sens de l’identité se reflète, par exemple, dans la manière dont les Dinés racontent comment ils ont traversé trois mondes avant d’émerger dans celui-ci, le quatrième. Leur récit de la création, comme tous les autres récits de création indiens, est caractéristique en tant que folklore et ne s’applique pas seulement aux peuples autochtones. Ils expliquent comment les peuples et les terres indiennes ont fini par se définir les uns par rapport aux autres.
La culture des Kwakiutls, par exemple, était organisée autour de « maisons ». À leur tête se trouvaient des chefs qui affirmaient descendre de personnages mythiques. Les origines étaient contées ou chantées à la manière des sagas nordiques. Les chefs et leurs clans possédaient de vastes maisons ainsi que le droit d’utiliser certains chants et d’exhiber certains objets cérémoniels.
À la fin de l’année 1890, on pouvait donc penser que tout était terminé. En l’espace de quatre siècles, les Indiens avaient perdu le contrôle de 100 % des États-Unis et ne subsistaient plus que sous la forme de petits groupes disséminés à travers le pays comme autant de taches de rousseur.
Tuer l’Indien, ils le firent. Ou tentèrent de le faire. Les élèves avaient interdiction de parler leur langue natale, et Pratt y veillait en tolérant les châtiments corporels. À leur arrivée, les enfants étaient photographiés dans leur costume traditionnel puis déshabillés, fourrés dans des uniformes et rasés au point d’avoir le sentiment de mourir.
Ce livre est une tentative en vue d’arracher les morts à l’ennemi en regardant au-delà de Wounded Knee.
Le comment du récit façonne celui-ci. Comment nous voyons les gens, leurs vies, leurs actes et le sens de ces vies et de ces actes, voilà ce qui façonne le présent et l’avenir possible. Ce livre a pour objet de faire le récit des vies indiennes et des histoires indiennes de manière à traduire ces histoires et ces vies en quelque chose de beaucoup plus prestigieux et de beaucoup plus grandiose qu’un catalogue de souffrances. J’ai essayé de nous dépeindre non pas en train de mourir mais plutôt en train de vivre cet acte fondamental qu’est la vie.