Penny, Louise « La folie des foules » (2021)

Penny, Louise « La folie des foules » (2021)

Voir article global sur la Série : La série des enquêtes de l’inspecteur Armand Gamache

Tome 17 : « La folie des foules » (paru au Canada en novembre 21)

Flammarion Québec –  04.11.2022 – 520 pages – Traduit de l’anglais – The Madness of Crowds –  (Canada) par Lori Saint-Martin et Paul Gagné

Résumé :
Tandis que les villageois de Three Pines se réjouissent déjà des feux d’artifice du Nouvel An, Armand Gamache doit interrompre ses vacances en famille pour répondre à une affectation en apparence anodine : assurer la sécurité d’une professeure de statistiques lors d’une conférence prononcée à l’université voisine. Perplexe, le chef des homicides de la Sûreté se renseigne sur Abigail Robinson et découvre une femme au discours si dangereux qu’il supplie la chancelière d’annuler son allocution. Colette Roberge refuse, invoquant la liberté de l’enseignement, et l’accuse de lâcheté intellectuelle. Très vite, les idées tranchantes de la statisticienne sur les droits des plus vulnérables contaminent les conversations. Les discussions dégénèrent en débats, puis en polémiques et en affrontements. Gamache sait que les flammes de la division sont presque toujours impossibles à maîtriser. Lorsqu’un cadavre est retrouvé, c’est à son équipe qu’échoit l’enquête sur le meurtre et sur cet extraordinaire délire populaire.

Mon avis :
Tuer une personne ne tue pas les idées… Selon les avis de certains, cela peut même en faire un martyre et donner plus de force et d’exposition à ses idées… Il faut y penser avant de passer à l’acte… cela pourrait se révéler contre-productif.
Cœur et raison, faits et statistiques… On peut faire dire ce que l’on veut aux chiffres et aux statistiques, selon la manière de les interpréter …
Dans ce roman, l’autrice colle à l’actualité vu qu’elle nous parle des analyses et des statistiques économiques reliées à la pandémie de la Covid… Mais elle va loin… Elle relie cela aux expériences nauséabondes qui touchent à l’eugénisme, à l’élimination des plus faibles (malades, handicapés, vieillards…) et cela fait froid dans le dos…
L’Inspecteur Gamache est au cœur d’une affaire qui va bien au-delà du meurtre. Il va se trouver confronté au passé, à des agissements que la morale ne peut que réprouver, à des pratiques médicales et psychiatriques immondes… et à des morts anciennes et non résolues…
Et à l’hystérie des foules, à la manipulation des orateurs, à la politique de la peur…
Entre l’humanisme et les raisonnements économiques… la politique balance…
Et je vous laisse plonger dans l’enquête la plus anxiogène que l’Inspecteur Gamache est prié de mener, dans son petit paradis de Three Pines… Et aussi en apprendre davantage sur l’horrible personnage qu’était le Ewen Cameron…
Les références littéraires sont très parlantes.
Relisez La fable de la Fontaine «Les animaux malades de la peste»  c’est édifiant de voir à quel point les années passent mais les comportements ne changent pas tant que ça …
Et comme j’adore Thomas Hardy… j’ai bien aimé le clin d’œil  au quatrième roman de Thomas Hardy (Loin de la foule déchaînée (titre original : Far from the Madding Crowd))
« Ça me rend malade. Et triste. Et heureux de vivre loin de…
— La foule déchaînée? »

C’est à la fois un roman policier, une enquête, un plaidoyer pour la vie, et c’est pour moi le meilleur livre de l’autrice.

Extraits :

Il avait suffi de quelques mois pour qu’un projet d’étude se transforme en mouvement. Et une obscure universitaire en prophète.

[…] la prophète allait devenir une messie. Ou une martyre.

Si elle permettait uniquement la circulation des idées qu’elle cautionne, l’université ne vaudrait pas grand-chose comme lieu d’apprentissage, vous ne pensez pas? Nous n’explorerions jamais les idées nouvelles. Les idées radicales. Voire les idées potentiellement dangereuses. Nous nous contenterions de tourner en rond en rabâchant et en entendant toujours les mêmes rengaines. Comme dans une chambre d’écho. Non, notre université est ouverte aux idées nouvelles.

C’était écrit sur son visage. Les marques, les rides. L’âge ne les expliquait pas toutes. Elles traçaient la carte de sa vie. De ses croyances. Des positions qu’il avait prises et des coups qu’il avait encaissés.

Il savait reconnaître le courage quand il le voyait. Dans ce cas, ce n’était pas ce qu’il aurait appelé un courage réfléchi.
C’était le courage né de la conviction, de la certitude absolue. De la totale absence de doute. Le courage du fanatisme.

La professeure Robinson ne créait pas la colère: elle la révélait. Pareil pour la peur. Et peut-être aussi pour la lâcheté cachée. Comme une mutation génétique capable de réveiller des maladies en dormance.
Elle était un catalyseur. Mais le potentiel, la maladie, était déjà présent.

Si ce qui s’était produit pendant la pandémie, c’est-à-dire la mort en masse de vieillards, devenait une politique gouvernementale, ne serait-ce pas une forme de miséricorde? De bonté? Voire une preuve d’humanité?
On achève bien les animaux qui souffrent, non? N’est-ce pas considéré comme une preuve d’amour? Où est la différence?

— On songe vraiment à lui attribuer le prix Nobel de la paix?[…]. Qui sont les autres candidats? Kim Jong-un? Poutine?

C’est quoi, une année? Pourquoi on a besoin d’une nouvelle année? La vieille est brisée?

On peut arriver à des conclusions différentes à partir des mêmes faits. Notre interprétation des faits dépend parfois de nos expériences. Et même de notre éducation. De ce que nous voulons faire dire aux faits.

Mais «exact» ne veut pas dire «juste». De la même façon que les faits ne riment pas toujours avec la vérité.

— Ce que vous faites, dit Jean-Guy, choisir les arbres qui vont bientôt mourir et les couper, c’est bon pour la santé de toute la forêt, non? Les autres arbres en profitent.
— Évidemment.
— Alors qu’est-ce qui vous choque tant dans les propos de la professeure Robinson? C’est la même chose, non? Sacrifier les malades et les mourants pour le bien de la société?
Le problème, c’est qu’il y a une différence entre un arbre et une personne.

— L’ennui, dans les enquêtes pour meurtre, c’est que souvent le crime débute longtemps avant que l’acte soit commis. Le tueur s’est engagé sur cette voie des années plus tôt. Parfois sans s’en rendre compte.
— Mais il y a un élément déclencheur?
Oui. Il y a toujours une raison, même si, souvent, la raison n’y est pour rien. Presque toujours, ça commence par une émotion. Une blessure d’amour-propre. Une offense. Une insulte, une trahison. Elle s’insinue dans la chair, suppure. Entraîne l’individu vers le précipice. Le supplice dure parfois des années. Certains s’arrêtent au bord de l’abîme, ne ressentent qu’un léger bourdonnement de colère qui ne les quitte jamais. Mais les autres…

D’après lui, elle est dotée d’un esprit qui rappelle le vif-argent.
— Astucieux, grogna Gamache.
— Ce n’est pas ce qu’il voulait dire? demanda Lacoste. Qu’elle a un esprit vif?
— «Vif-argent» désignait autrefois le mercure. Un poison.

— Dois-je en conclure que vous allez me cuisiner?
— Je risque même de vous réduire en purée.

Jusqu’au jour où Jean-Guy Beauvoir avait compris que les personnes décédées ne disparaissaient pas. Elles demeuraient terriblement vivantes dans l’esprit, le cœur et le souvenir des survivants.
Les fantômes n’étaient pas toujours faciles à vivre. Certains avaient des exigences démesurées.

Informations :
10 septembre 1939 : Le Canada déclare la guerre à l’Allemagne – c’est la seule et unique fois que le Canada a spontanément déclaré la guerre à un autre pays

3 Replies to “Penny, Louise « La folie des foules » (2021)”

  1. ouf on prend une fameuse gifle à la lecture de ce livre, bouleversant, fort, dur, qui éveille en nous tellement de questions…
    Pas grand chose à ajouter à tes commentaires C@t, très pertinents !!!
    Cette série de romans est vraiment un must pour moi, tous sans exception et on attend impatiemment le prochain

    1. Merci Marie pour tes commentaires et ta fidélité à mon blog. Oui comme toi j’aime vraiment cette série et tout le petit monde de Three Pines.

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