Gimenez-Bartlett, Alicia «Le Jour des chiens» (2002)

Gimenez-Bartlett, Alicia «Le Jour des chiens» (2002)

Autrice : née le 10 juin 1951 à Almansa, dans la province d’Albacete, est une romancière espagnole, notamment autrice de roman policier.
En 2011, Alicia Giménez Bartlett remporte le Prix Nadal pour son roman historique Donde nadie te encuentre, qui évoque la vie de Teresa Pla Meseguer, surnommée La Pastora, une hermaphrodite humiliée par un lieutenant de la Guardia Civil en 1949 qui s’engagea ensuite dans la guérilla anti-franquiste.
L’auteur, qui vit à Barcelone à partir de 1975, réside maintenant à Vinaròs, dans la province de Castellón.
En 2015, elle obtient le prix Planeta pour Hombres desnudos, un roman sur la prostitution masculine.

Série Petra Delicado : Elle crée ainsi le personnage de Petra Delicado, une femme inspecteur de police, héroïne de plusieurs romans policiers. Cette série, qui obtient un vif succès, est traduite en plusieurs langues et lui vaut plusieurs distinctions, dont le Prix Raymond Chandler en 2008. En 1999, une série télévisée adapte les enquêtes de Petra Delicado et de son inséparable compagnon, Fermín Garzón.
La série :  Rites de mort 2000 (Ritos de muerte (1996) – Le Jour des chiens 2002 (Día de perros (1997) – Les Messagers de la nuit 2003 (Mensajeros de la oscuridad (1999) –  Meurtres sur papier 2004 (Muertos de papel (2000) – Des serpents au paradis 2007 (Serpientes en el paraíso (2002) – Un bateau plein de riz 2008 (Un barco cargado de arroz (2004) – Un vide à la place du cœur 2019 Nido vacío (2007) – Le Silence des cloîtres 2012 ( El silencio de los claustros (2009) – Personne ne veut savoir 2015 (Nadie quiere saber (2013) – Crímenes que no olvidaré (2015) – Mi querido asesino en serie (2017) – Sin muertos (2020)

Rivages – Rivages Noirs – 12.02.2002 – 366 pages (traductrice : Marianne Million)

Résumé :
L’inspectrice Petra Delicado se voit confier la tâche peu valorisante d’enquêter sur le meurtre d’un inconnu roué de coups dans une ruelle sordide de Barcelone. Personne ne semblait connaître la victime, personne n’est venu identifier son corps. L’unique témoin du drame est son chien, un témoin muet que Petra va s’efforcer de faire « parler ». Avec obstination, elle poursuit une enquête dont tout le monde semble se désintéresser.
Elle croisera, outre de nombreux chiens et éleveurs de chiens, des femmes qui ne laisseront pas insensible son adjoint Garzon. Dans cette deuxième aventure du tandem barcelonais, Alicia Gimenez Bartlett explore la réalité sociale, mais aussi les relations amoureuses, sur un mode ironique et désenchanté.

Mon avis :
Et je continue avec grand plaisir à suivre les enquêtes du duo improbable Petra Delicado / Garzon. Toujours autant d’humour et d’ironie. Une enquête qui se passe en milieu canin et où nous allons croiser toutes les activités qui tournent autour des chiens : on fréquente les vétérinaires, les éleveurs, ceux qui se livrent aux expériences sur les animaux, l’industrie pharmaceutique, les dresseurs de chiens, les toiletteurs, et les autres…
Pour les besoins de l’enquête (dit-elle) Petra va adopter le chien de la victime d’un meurtre : un chien tout minable qu’elle va appeler « Espanto », ce qui signifie « Horreur ou épouvante » en espagnol…
Et en plus de l’enquête nous continuons à suivre les relations amoureuses de nos deux protagonistes… des relations pour le moins compliquées ;  les liens d’amitié se développent entre ces deux personnages.
Un bon moment passé à Barcelone et une enquête bien menée qui mêle vie privée et vie professionnelle.
Je ne vais pas tarder à enchaîner sur le troisième tome…

Extraits :

On aurait dit un cadavre, silencieux, immobile, pâle. Je ne pus commencer à observer ses traits avant d’avoir dépassé la fascination qu’exercent sur moi les gisants, surtout en sculpture. Dès que je me trouve devant l’une de ces meringues en pierre représentant Charles V, les amants de Teruel ou le duc d’Albe, une stupeur respectueuse s’abat sur mon dos et me fige sur place. Mais cet homme allongé n’évoquait ni l’arrogance ni la gloire de la patrie. Il avait plutôt l’air d’un oisillon meurtri, d’un chat écrasé sur l’autoroute.

Ils avaient peur, non d’une chose tangible et concrète, externe et réelle, mais d’un tout fluctuant et éthéré, de la vie en soi. Ils ressentaient la peur comme une substance enveloppante et absolue, totale. C’était peut-être la seule chose certaine qu’ils aient jamais possédée : la peur.

à ce stade de ma vie, j’aurais déjà dû comprendre que la biographie de tout Espagnol inclut un bar, de même que celle des Suédois comporte une maison avec un parquet. Peu importe la classe sociale ou les croyances, en fin de compte, au plus profond, s’étend ce terrain neutre et communautaire, sans culpabilité, où chacun donne libre cours aux facettes les plus authentiques de son ego.

Que pendant quatre ans il a touché ou versé cinq mille pesetas et comment, tous les jours, ou une seule fois, ou cinq mille par an ?

À y bien réfléchir, c’était terrible, car le seul élément dont nous étions partis pour parvenir à cette conclusion était en réalité son aspect, c’est-à-dire, les indices sociaux qu’il révélait. L’aurions-nous estimé coupable s’il avait eu l’allure d’un cadre propre sur lui ?

– Tu as peur de souffrir ?
– Je suis fatigué de souffrir.
– Oui, je vois ce que tu veux dire. Je suppose que ce qui te fatigue, c’est de placer des espoirs dans quelque chose qui disparaît ensuite.
– Tu parles de chiens ?
Il attendait une réponse, ses grands yeux verts pleins d’ironie.
– De chiens et d’amours.

Ma défunte épouse me déprimait comme une procession de la semaine sainte,

Un grand supermarché présente tout de même un aspect légèrement redoutable. Je ne l’avais jamais vu sous ce jour auparavant, mais sous l’influence de Garzón je devais admettre qu’il y avait de ça. Ces rangées de conserves et de boîtes brillantes, sans souillure, inertes, entre lesquelles on se déplaçait en poussant un chariot, généraient une certaine angoisse existentielle. Quelque chose comme une vision symbolique de la vie : on avance entravé dès le début par un poids mort, on choisit les choses que l’on estime bonnes pour soi, en écartant d’autres qui auraient peut-être été meilleures, on est de plus en plus alourdi par ses choix, et finalement, tout se paie.

Aujourd’hui, j’ai appris quelque chose de très important : le coup à boire du cuisinier. Vous croyez que vous êtes suffisamment inspirée ? Nous allons nous en envoyer un autre au cas où la muse nous abandonnerait.

– Je suis frais comme une rose, dit-il, et je le regardai en pensant à ces roses qui languissent pendant des lustres, pressées entre les pages d’un livre.

Son visage devint sérieux et ses sourcils qui étaient quelques instants auparavant deux parenthèses rêveuses se transformèrent en accents circonflexes menaçants.

Juan Monturiol avait décidé de commettre l’erreur irréparable de se laisser aller sur la pente glissante des confidences. Un tel faux pas ne peut se comparer, dans le domaine féminin, qu’à une femme qui déciderait de se présenter devant son amant en costume de première communiante. Il n’y a rien qui tue plus rapidement le désir que le récit d’échecs conjugaux fait par un amant qui vous prend à témoin.

C’est un mauvais rêve, vous n’avez jamais fait ce genre de cauchemar où un taureau vous poursuit et où vous avez beau courir, vos pieds restent rivés au sol ?

Les chiens meurtriers n’existent pas, ce sont les hommes qui les créent en les dressant.

J’admirai l’habileté masculine à passer du statut de bourreau à celui de victime en se contentant de s’auto-administrer un peu de compassion.

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