Hagmajer, Matylda «Voyages de non-retour» (2022)
Autrice : Née à Varsovie, Matylda Hagmajer vit à Genève depuis 1980. Historienne de l’art de formation, elle signe avec « Voyages de non-retour » son troisième roman fondé, comme les deux premiers, sur de solides recherches historiques.
Ses romans : Comme la roche sous la pluie (2017) – Le soleil était éteint (2019 ) – Voyages de non-retour (2022) –
Editions Slatkine – 18.02.2022 – 392 pages
Résumé :
« On ne va jamais aussi loin que lorsqu’on ne sait pas où l’on va », écrivait Christophe Colomb.
Violaine fuit l’orphelinat pour échapper au destin de misère qui lui semble promis. Pleine d’aspirations, elle s’embarque pour les Indes orientales. Les jumeaux Guillaume et Henri entreprennent eux aussi ce long et périlleux voyage, afin de se former au commerce des indiennes. Leur route à travers les océans, l’Empire ottoman et la Perse, puis jusqu’à Genève, va croiser celle de la jeune femme. Une épopée dont aucun n’aurait deviné l’ampleur.
D’une plume percutante, Matylda Hagmajer nous entraîne sur les traces de ces trois jeunes gens à la découverte du monde, mais aussi de l’Autre et, par-là, des tréfonds de leur âme. Véritable immersion dans le XVIIe siècle des grands voyages et au coeur de la production des indiennes, Voyages de non-retour aborde des thématiques d’une grande modernité.
Mon avis :
Ah mais que j’ai aimé ce livre ! Gros coup de cœur !
1682 : Départ de Marseille en direction des Indes pour deux frères jumeaux, l’un var la voie terrestre et l’autre par la voie maritime. Rendez-vous à Pondichéry dans un an (si tout se passe bien). Chacun des frères est censé tenir un carnet de voyage pour le donner à son jumeau à l’arrivée. Le même jour une jeune orpheline va elle aussi fuir Marseille pour tenter de rallier les Indes, en embarquant clandestinement sur un bateau en partance.
Guillaume choisit de rallier les Indes par la voie maritime et pour ce faire, il n’aura qu’une solution : se faire engager comme marin. Point de départ : La Rochelle.
Henri rejoindra une caravane et fera route par le désert, les montagnes de Perse, via Malte, Alep, Ispahan…
Inutile de vous préciser que les voyages des deux frères et de la jeune fille sont truffés d’aventures (et de mésaventures) et de rencontres ; certains lieux sont magiques et Ispahan semble un décor des 1001 nuits (semble …).
J’ai adoré également toute la partie artistique et documentaire sur les indiennes et l’art des miniatures persanes car le roman est étayé par une belle description historique concernant le commerce des indiennes (les tissus par les femmes !!!) On pénètre dans le monde des couleurs, des teintures (la garance, l’indigo) ; on découvre le système des castes qui régit la société, les traditions, les coutumes, la mythologie.
Je ne vais pas vous divulgâcher l’essence de ce roman qui m’a passionné. Je vous laisse découvrir dans quelles conditions les protagonistes vont se croiser, se retrouver … Je vous dis juste que ce périple va durer nettement plus d’une année et que le dénouement aura pour lieu : Genève … et que vous aurez donc droit en prime à un petit bout de l’histoire de l’indiennerie à Genève…
Les personnages sont attachants formidables, il y a de l’action, du rythme… Je me suis régalée.
Un énorme merci aux Editions Slatkine de leur confiance. Ce livre est un coup de cœur, je le répète.
Extraits :
Le désert est propice à alimenter l’âme. Voyez à quel point la terre et les cieux se lient dans l’obscurité, gommant les frontières entre l’ici et l’ailleurs ! le désert est le symbole parfait du grand Tout.
En Orient, deux mondes vivaient en parallèle, le masculin et le féminin, cloisonnés l’un pour l’autre, et ils ne s’interpénétraient qu’en de rares occasions.
Vous ne comprenez donc rien à la leçon de vie que vous êtes en train de recevoir ? Les Indes vous enseignent que tout est mouvant. Les Occidentaux ont la prétention de croire que tout est figé dans le marbre, contrôlable.
Les Indes vécues étaient aux antipodes des Indes rêvées.
On ne revient jamais vraiment d’un voyage, acquiesça Henri.
– J’appelle cela des voyages de non-retour
Information :
Rue de l’Indiennerie (Quartier des Eaux-Vives à Genève)
Evoque les fabriques de toiles
L’industrie des toiles peintes ou indiennes s’établit d’une façon durable à Genève peu après la révocation de l’Edit de Nantes.
Avant 1691, Daniel Vasserot, de Queyras en Dauphiné, ouvrit une fabrique aux Eaux-Vives. Il s’associa en 1701 avec Antoine Fazy, qui avait fait un apprentissage en Hollande. Une deuxième fabrique fut créée en 1706, sous la raison sociale Antoine Fazy & Cie et transférée aux Pâquis en 1719. Un fils d’Antoine Fazy fonda la fabrique des Bergues en 1728, laquelle fut, plus tard, réunie à celle des Pâquis et subsista jusqu’en 1830.
A partir de 1815, les fabriques de Genève, qui avaient occupé, au temps de leur plus grande prospérité, 3000 ouvriers, tombèrent dans un rapide déclin.
(source : Site de la république et Canton de Genève- Noms géographiques du canton)