Mey, Louise « La Deuxième femme » (2020)
Autrice : Louise Mey, née en 1982, est une écrivaine féministe française, autrice de romans policiers. Louise Mey met en scène dans ses romans policiers les violences faites aux femmes, viol, harcèlement sexuel, agression sexuelle.
En 2020, Louise Mey publie aux éditions du Masque La Deuxième Femme, un roman noir qui parle d’emprise et évoque les cas de féminicides. Le livre est sélectionné pour le Prix Landerneau. (Source Wikipédia)
Romans :
Après Les Ravagé(e)s (2016), elle publie son deuxième roman Embruns (2017) , puis Les Hordes invisibles (2018). La Deuxième femme sort en 2020.
Editions du Masque – 15.01.2020 – 332 pages / Pocket 28.01.2021 – 348 pages
Résumé :
Sandrine ne s’aime pas. Elle trouve son corps trop gros, son visage trop fade. Timide, mal à l’aise, elle bafouille quand on hausse la voix, reste muette durant les déjeuners entre collègues. Mais plus rien de cela ne compte le jour où elle rencontre son homme, et qu’il lui fait une place. Une place dans sa maison, auprès de son fils, sa maison où il manque une femme. La première. Elle a disparu, elle est présumée morte, et Sandrine, discrète, aimante, reconnaissante, se glisse dans cette absence, fait de son mieux pour redonner le sourire au mari endeuillé et au petit Mathias.
Mais ce n’est pas son fils, ce n’est pas son homme, la première femme était là avant, la première femme était là d’abord. Et le jour où elle réapparaît, vivante, le monde de Sandrine s’écroule.
La deuxième femme est dans la sélection du Prix Landerneau 2020 Et dans la dernière sélection du Prix Maison de la Presse 2020 « Figurant parmi les sept finalistes du Prix Maison de la Presse 2020, La Deuxième Femme est le quatrième roman de Louise Mey.
Ce polar psychologique traite avec talent du sujet de l’emprise et de la violence conjugale ». France Dimanche » C’est un coup de génie que réalise Louise Mey avec La Deuxième Femme, l’un de ses romans les plus puissants de cette rentrée de janvier. » Causette » Une jeune auteure à suivre » ELLE « Féministe, écrivaine, et auteure attachée aux rapports que les femmes entretiennent avec leur corps, elle décortique dans ses romans, avec une terrible acuité, les mécanismes psychologiques de la violence.
» Marie Claire » Manipulations, angoisses et violences conjugales se mêlent avec réussite dans ce thriller psychologique aussi formidable qu’étonnant. » Femme Actuelle » Avec un style incisif, cette jeune auteure de romans noirs aborde la violence conjugale à travers une plongée dans le mécanisme de l’emprise. Vertigineux ! » Version Femina » Bouleversant. (…) Un roman engagé sur l’emprise et la violence conjugales.
» Ici Paris » Un roman sombre et douloureux qui aborde avec force des thèmes aussi noirs que la violence, l’emprise et la manipulation ». Vaucluse Matin « Au-delà du simple thriller, un roman qui parle du corps des femmes et des violences conjugales ». Femmes d’aujourd’hui
Mon avis :
Troisième livre que je lis de cette autrice et troisième choc. Angoissant, puissant, suspense… et toujours aussi machiavélique… Comme dans les précédents, le sordide, le machisme, la violence, la face cachée de l’être humain…
En lui il y a deux hommes : M. Langlois et l’homme qui pleure. Celui qu’elle craint et celui qui la rassure.
En elle il y a deux voix : la sienne et sa voix intérieure : celle qui s’aplatit et celle qui est en colère… Et en elle il y a deux personnes : celle qui s’occupe des autres et celle qui ne sait pas s’occuper d’elle…
Il y a d’abord la violence psychologique, puis la violence physique… Il y a les phases « taper, reprocher » et les phases « cajoler, féliciter »
Ce livre est juste glaçant. Il explique comment l’homme s’approche de sa proie, l’encercle, la coupe du monde et petit à petit la transforme, la démolit psychiquement et en fait sa chose – petite et apeurée et en même temps reconnaissante. C’est effrayant de se rendre compte à quel point la peur qu’il instille en elle la rend docile.
Et si personne ne s’en rend compte, ne s’interpose, comment cela risque fort de virer au cauchemar. Heureusement pour Sandrine quelqu’un se rend compte de quelque chose ; et même deux personnes, deux professionnelles, une policière et une gynécologue. La gynécologue lui remet une brochure avec la liste des indices de maltraitance : je recommande vivement d’y jeter un coup d’œil car rien de tel que la prévention dans un cas de maltraitance).
Je ne vais pas vous divulgâcher le roman mais je conseille à toutes les femmes de le lire. Ce n’est pas parce qu’on n’est pas concernée personnellement qu’il ne faut pas avoir les armes pour alerter… On comprend vite que le premier pas vers le bout du tunnel est la socialisation et que les personnes qui ont eu une enfance difficile sont les plus vulnérables .
Extraits :
Les vêtements sont des ennemis qu’il faut tenir à distance, avec précaution.
Elle avait éloigné le souvenir, comme on fourre un vieux vêtement qu’on ne veut plus voir dans un tiroir. Cadenassé.
Ça n’avait jamais été aussi dur et elle avait refusé, elle avait refusé de sentir cette odeur de printemps quand son cœur à elle s’engageait vers un hiver qui ne prendrait sans doute jamais fin. Une fois chez elle, elle avait tiré les rideaux, et elle avait enfermé le monde dehors. Dans l’appartement, il faisait plus froid qu’à l’extérieur et cela lui allait très bien, elle voulait rester seule dans sa saison morte ; elle avait tout calfeutré et allumé les lumières, pendant que dans la rue on entendait les bruits du bain des enfants et des mélodies familiales, que tout le monde avait ouvert ses fenêtres en grand.
Elle sent qu’il ne faut pas parler, il y a des moments comme ça où il va répondre comme on mord
elle est désolée, désolée comme une plage en hiver, désolée comme une terre brûlée, désolée comme une tombe au marbre luisant de pluie
Elle se réveille à l’aube, le ciel est toujours noir et le jardin assoiffé. Il n’a pas plu cette nuit ; elle a perçu dans un demi-sommeil des éclairs timides et des tonnerres secs, et elle a pensé au ciel comme à un immense ventre stérile et muet qui n’accoucherait que de hurlements silencieux.
Il n’y avait personne quand elle est entrée, et elle n’a pas entendu de bruits de pas. Bon, tu restes là sans rien faire ? dit encore la voix, c’est la même, et Sandrine la reconnaît : c’est sa voix intérieure, la sienne. Elle est claire cette fois, nette. Forte. C’est la voix qui sait être en colère.
Sandrine a appris à chercher la sécurité dans l’immobilité et le silence, le renoncement. Un monde blanc et vide où aucune voix en elle ne retentit, car si la voix parlait, si Sandrine se laissait aller à l’écouter, la voix demanderait sans doute des comptes, exigerait sûrement qu’elle se meuve, qu’elle agisse, et dirait probablement : Eh bah qu’est-ce qu’elle fait là, elle ?