Rosenfeldt, Hans «L’été des loups» (2022)
Auteur : Hans Rosenfeldt est né en 1964 en Suède. Depuis 2011, il étend ses talents de scénariste à la littérature et commence à publier des romans coécrits avec Michael Hjorth, l’un des plus célèbres producteurs de cinéma en Suède. On doit à Hans Rosenfeldt la fameuse série Bron (The Bridge), récompensée par de nombreux prix prestigieux et diffusée dans plus de cent soixante-dix pays.
Actes Sud- Actes noirs – 11.05.2022 – 400 pages (traduit par Rémi Cassaigne)
Résumé :
Le corps d’un loup est retrouvé dans la petite ville d’Haparanda, à la frontière de la Finlande. Si la mort semble naturelle, une découverte sordide attend pourtant la police : comme dernier festin, l’animal a ingéré des restes humains. Un fait divers hors du commun qui va bousculer la vie paisible des habitants, mais surtout celle de l’enquêtrice Hannah Wester, qui va devoir se mêler aux pires malfrats de la ville pour élucider l’affaire…
Mon avis :
Je découvre cet auteur avec son premier roman individuel alors qu’il a déjà une certaine renommée dans l’écriture à quatre mains.
Je me suis un peu perdue dans les personnages au début mais mis à part ça, j’ai passé un bon moment, même si le rythme de l’écriture semble parfois un peu lent. Et pourtant il s’en passe des choses dans cette petite ville frontière où il ne se passe jamais rien… Une ville qui nous parle, qui est un personnage à part entière.
Des corps : 2 loups, 3 russes, 4 Finlandais … puis d’autres… Quel est le lien entre ces cadavres ? et même y -en a-t-il un ? Les russes à portée de territoire, un gang de motards, du trafic de drogue, des anciens tôlards, des problèmes personnels, des drames du passé et du présent… Et des personnages qui ont un corps, une âme, une identité, qui ne sont pas que de simples enquêteurs, et ça j’aime bien… Et l’histoire de l’inspectrice est l’étude de son caractère est intéressante. Ce n’est pas un coup de cœur mais un bon moment de lecture ; une suite est prévue et je me réjouis car un premier opus est souvent la mise en place des personnages. A suivre donc.
Mais si vous espérez une rencontre avec des loups, alors là, passez votre chemin …
Extraits :
Elle connaît ses habitants. Elle partage leurs vies, voit et sait. Se souvient et espère. Elle a besoin d’eux tous. Elle est une ville, n’existe que tant que des gens choisissent de vivre en elle. Comme un dieu qui cesse d’exister dès lors que plus personne ne croit en lui.
un homme était mort et qu’un ou plusieurs autres avaient fait ce qu’ils avaient pu pour que personne ne retrouve le corps. Ce qui aurait peut-être été le cas si une autre personne n’avait eu l’idée d’empoisonner deux loups à quelques dizaines de kilomètres de là.
Elle était douée pour attendre.
Elle avait consacré une grande partie de son enfance à cela, justement. On lui avait inculqué que la patience était la clé du succès. Pour faire passer le temps plus vite, elle savait que d’autres s’efforçaient à ne penser à rien. Se vider complètement la tête, rentrer en eux-mêmes.
Pas elle. Elle s’ennuyait trop vite.
l’expérience lui avait appris que tout le monde, quel que soit le sexe, était plus ouvert et accueillant vis-à-vis de quelqu’un de beau
Regrette-t-elle sa grandeur passée ? Bien évidemment.
Il y eut des époques où non seulement elle se sentait le centre du monde, mais où elle l’était. Une vraie métropole loin au nord. Espions, contrebandiers, révolutionnaires, prostituées, aventuriers et artistes venaient de près et de loin. Grande politique, affaires, destin des hommes : tout cela se discutait, se négociait et s’influençait dans les salons du Stadshotellet.
Une petite, très petite part d’elle-même qui semblait encore fonctionner normalement tentait de lui expliquer qu’elle était en état de choc, mais elle n’arrivait à rien faire de cette information. Il n’y avait absolument rien à quoi se raccrocher pour savoir comment réagir, comment faire face.
Elle avait besoin de continuer à garder une distance. Comme elle l’avait toujours fait avec tout ce qui était difficile. Tous les grands sentiments.
Où aller, quand on ne veut aller nulle part ?
Elle se sentait coupée en deux. C’était un cliché, mais elle ne trouvait pas mieux pour le décrire. Leurs vies étaient depuis si longtemps tressées ensemble. Maintenant il avait disparu et il lui revenait à elle de tout porter, tous les souvenirs. À elle seule.
C’était ça, le deuil.
Le poids incommensurable et la responsabilité de devoir maintenir en vie leur histoire commune. Si elle ne le faisait pas, elle avait peur que tous ces souvenirs pâlissent jusqu’à ce qu’un jour elle se demande s’ils avaient seulement été réels.
C’était ça, être laissée.
Elle était laissée. Elle était seule.