Pastoureau, Michel « L’étoffe du diable – Une histoire des rayures et des tissus rayés » ( 1991)

Pastoureau, Michel « L’étoffe du diable – Une histoire des rayures et des tissus rayés » ( 1991)

Auteur : Historien, spécialiste des couleurs, des images, des emblèmes et du bestiaire, Michel Pastoureau est directeur d’études émérite à l’Ecole pratique des hautes études, où il a occupé pendant trente-cinq ans la chaire d’histoire de la symbolique occidentale. Il a publié de nombreux ouvrages, dont plusieurs ont été traduits dans une trentaine de langues.

Histoire d’une couleur Bleu (2000), Noir (2008), Vert (2013), Rouge (2016). Jaune (2019) , Blanc (2022) –   ( en italique lus avant la parution du blog ou non commentés sur le blog)
Parmi ses autres publications au Seuil, on citera : L’Etoffe du Diable. Une histoire des rayures et des tissus rayés (1991) ; Une histoire symbolique du Moyen Age occidental (2004) ; L’Ours. Histoire d’un roi déchu (2007) ; L’Art héraldique au Moyen Age (2009) ; Les Couleurs de nos souvenirs (prix Médicis essai 2010) ; Bestiaires du Moyen Age (2011) ; Le Roi tué par un cochon (2015) ; Les Couleurs expliquées en images (avec D.Simonnet, 2015) ; Le Grand Armorial équestre de la Toison d’or (avec J.-C. de Castelbajac, coéd. Seuil/BnF, 2017) ; Le Loup. Une histoire culturelle (2018); Le Taureau. Une histoire culturelle (2020); Rayures. Une histoire culturelle (Seuil) , dans une version augmentée et mise à jour de L’Étoffe du diable (2021); Le Corbeau. Une histoire culturelle (2021) ; Chevaliers de la table ronde , Romans arturiens (avec Martin Aurell )(2022)

 

Seuil – 01.04.1991- 183 pages / Point poche : 12.06.2014 – 185 pages –
(Rayures. Une histoire culturelle (Seuil 2021) , version augmentée et mise à jour
Résumé :
La rayure et les étoffes rayées sont longtemps restées en Occident des marques d’exclusion ou d’infamie. En furent notamment vêtus tous ceux qui se situaient aux marges de la société chrétienne ou bien en dehors : jongleurs, musiciens, bouffons, bourreaux, prostituées, condamnés, hérétiques, juifs, musulmans ainsi que, dans les images, le Diable et toutes ses créatures. Sans faire disparaître ces rayures très négatives, l’époque romantique voit apparaître une nouvelle forme de rayures, positives et liées aux idées nouvelles de liberté, de jeunesse et de progrès.
Dans les sociétés contemporaines, ces deux types de rayures cohabitent : celles des vêtements de prisonniers, de la pègre, des lieux dangereux et celles du jeu, du sport, de l’hygiène et de la plage.

Sommaire : Ordre et désordre de la rayure
Le Diable en ses habits rayés (XIIIe-XVIe siècles) – Le scandale du Carmel – Tissus rayés, tissus mauvais – Les chausses de saint Joseph – Uni, rayé, semé, tacheté – La figure et le fond : héraldique de la rayure – De l’horizontal au vertical et retour (XVIe-XIXe siècles) – Du diabolique au domestique – Du domestique au romantique – La rayure révolutionnaire- Rayer et punir – Rayures pour le temps présent (XIXe-XXe siècles) – Hygiène de la rayure – Un monde en bleu marine et blanc – De drôles de zèbres – Surface rayée, surface dangereuse – De la trace à la marque.

Mon avis : Ceux qui me connaissent savent que ‘aime ce qui a trait aux couleurs (et à la décoration) . J’ai dejà lu Bleu (2000), Noir (2008), Vert (2013), Rouge (2016), et j’ai trouvé le thèmes rayures passionnant une fois de plus.
Ce petit livre commence par un slogan publicitaire « Cet été, osez le chic des rayures. »
Après avoir lu ce livre, on se demandera si la symbolique et les connotations attachées aux rayures donne envie de s’y conformer…
Si on part depuis les temps anciens, on apprendra que les rayures ont eu par le passé et jusqu’à pas longtemps une signification négative, dévalorisante, voire diabolisante. Les rayures, cela fait penser aux exclus, aux réprouvés, aux prisonniers, aux bagnards, aux bourreaux, aux bouffons, aux prostituées, aux bâtards, les lépreux, les infirmes, les fous, les bohémiens, aux félons de toutes sortes, à ceux qui exercent des métiers infâmants et vils… Au Moyen-Age, cela représentait la transgression. Il faudra attendre la renaissance pour que les rayures commencent à ne pas être synonyme du mauvais.

Il y a trois structures : L’uni, le tacheté et le rayé. Le rayé est le moins bien considéré. Le tacheté représente la déchéance, la mise au ban de l’ordre social, l’antichambre de la mort et de l’enfer. De fait, dans les images, les démons et les créatures sataniques sont souvent tachetés.
La croyance vaut aussi pour les animaux : tigres, hyènes, et même zèbres sont considérés comme mauvais et redoutables. Dans le roman de Renart les animaux maléfiques ont soit le pelage rayé ou tacheté soit le pelage roux.

Les vêtements rayés vont aussi signaler une condition inférieure : les domestiques des seigneurs… des domestiques africains (Venise dans les années 1500) aux robes rayées des femmes de chambre jusqu’au gilet rayé des valets et maitres d’hôtel de nos jours…

Le rayé attire l’œil et c’est ce qui se voit en premier. Les peintres en ont usé dans leurs tableaux pour faire ressortir des personnages.

Il convient aussi de tenir compte de la disposition et de la taille des rayures : les rayures horizontales sont signe de déchéance… Les rayures larges font malfrats et les fines font banquiers. Rien que dans les BD .. les rayures représentent les malfaiteurs…

C’est également la Révolution française, des drapeaux, de l’histoire des techniques, puis la mode des tissus d’intérieur, de la décoration ( agrandissent ou rétrécissent l’espace) . C’est aussi le monde de la marine, des loisirs, du sport, des vacances à la plage, de l’enfance, du cirque…  Les rayures c’est aussi le mouvement …et du danger, de l’interdiction, de ce qui est interdit ( panneaux et indications de la circulation routière)

Il y a aussi le vocabulaire : rayer, barrer… c’est exclure…

Le livre est fascinant… je vous en ai donné un aperçu mais pour en savoir plus, je vous conseille de le lire ( la nouvelle édition est illustrée pour ceux que cela intéresse)

Extraits :

Dès leur arrivée à Paris, les carmes sont victimes des moqueries et des injures de la population. On les montre du doigt, on les invective, on les tourne en dérision en les surnommant « les frères barrés », expression particulièrement péjorative, les barres désignant en ancien français non seulement les rayures mais aussi les différentes marques de bâtardise.

Comme la chevelure rousse, l’habit rayé constitue l’attribut ordinaire du traître des Ecritures.

Pour la société animale comme pour celle des hommes, être roux, rayé ou tacheté est à peu près équivalent.

Ce qui est rayé n’est pas seulement quelque chose de marqué et de classé. C’est aussi quelque chose de créé, de construit, comme le tissu et toutes les structures imitées du textile, comme la planche, la palissade, l’échelle ou l’étagère ; comme l’écriture aussi : mise en ordre des connaissances et sillon fertile de la pensée, l’écriture n’est souvent sur son support qu’une longue suite de rayures.

Extrêmement raffiné, le blason possède en outre un lexique précis et nombreux pour qualifier et différencier les armoiries formées de rayures horizontales (fascé), verticales (palé), obliques de gauche à droite (bandé) et obliques de droite à gauche (barré)

Dans les pays andins, par exemple, des tissus aux raies ou aux trames finement différenciées permettent de distinguer les ethnies, les clans ou les groupes familiaux. Un système semblable se retrouve en Ecosse par le biais des tartans (dont l’histoire ne remonte guère au-delà du XVIIIe siècle), bien que les structures sociales sur lesquelles ils s’appuient soient différentes

En français moderne, le verbe rayer a le double sens de faire des raies et de retrancher, supprimer, éliminer. Rayer un nom dans une liste, c’est faire un trait sur ce nom et exclure la personne qui le porte de ce à quoi donne droit la liste. Le plus souvent, il s’agit d’une punition. La même idée se retrouve dans le verbe corriger, qui signifie à la fois rayer et punir et qui, dans cette seconde acception, a donné naissance à l’expression maison de correction, lieu d’enfermement où les fenêtres ont des barreaux et les détenus – parfois – des vêtements rayés. Le verbe barrer, qui est souvent synonyme de rayer, souligne très justement comment les barreaux sont des rayures et les rayures, des barrières.

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