Atwood, Margaret « L’Odyssée de Pénélope » (2022) 191 pages
Autrice : Margaret Eleanor « Peggy » Atwood, née le 18 novembre 1939 à Ottawa (Ontario, Canada) est une romancière, poétesse et critique littéraire canadienne. Elle est l’une des écrivaines canadiennes les plus connues, en particulier pour son roman La Servante écarlate (The Handmaid’s Tale), publié en français en 1985, qui est adapté au cinéma sous le même titre par Volker Schlöndorff en 1990 et en série télévisée sous le titre The Handmaid’s Tale : La Servante écarlate en 2017.
Romans :
– Diptyque La Servante écarlate : La Servante écarlate (1985) –Les testaments (2019)
– Trilogie Le Dernier Homme : Le Dernier Homme (2005) – Le Temps du déluge (2012) – MaddAddam (2014)
– Autres romans : La Femme comestible – Faire surface – Lady Oracle – La Vie avant l’homme – Marquée au corps, – Œil-de-chat – La Voleuse d’hommes – Captive – Le Tueur aveugle – L’Odyssée de Pénélope – C’est le cœur qui lâche en dernier – Graine de sorcière –
– Nouvelle numérique: « J’ai faim de toi » (2018)
Flammarion, 2005, Éditions du Boréal pour le Canada, / Robert Laffont – Pavillons poche – 05.05.2022 – 191 pages – The Penelopiad ( traduit par Lori Saint-Martin et Paul Gagné) – Préface de Christophe Ono-dit-Biot
Résumé:
Dans cette relecture originale du mythe grec, à la fois subtile, féministe et impertinente, Pénélope, hantée par la mort de ses servantes, raconte depuis les Enfers sa propre version de l’histoire : celle d’une femme, d’une épouse, d’une mère et d’une reine bien plus forte que ce que les hommes ont toujours voulu croire. » Grâce soit rendue à Margaret Atwood de nous projeter, grâce à ce texte rageur, tragique et parfois burlesque, dans la tête de Pénélope.
Et ainsi de nous offrir avec cette autre version de l’Odyssée un contrechamp au récit d’Ulysse, dont elle éclaire de surcroît les zones d’ombre, Atwood ne perdant jamais de vue le texte d’Homère. Un point de vue féminin qu’on attendait avec impatience ! » Christophe Ono-dit-Biot Dans cette relecture originale du mythe grec, à la fois subtile, féministe et impertinente, Pénélope, hantée par la mort de ses servantes, raconte depuis les Enfers sa propre version de l’histoire : celle d’une femme, d’une épouse, d’une mère et d’une reine bien plus forte que ce que les hommes ont toujours voulu croire.
» Grâce soit rendue à Margaret Atwood de nous projeter, grâce à ce texte rageur, tragique et parfois burlesque, dans la tête de Pénélope. Et ainsi de nous offrir avec cette autre version de l’Odyssée un contrechamp au récit d’Ulysse, dont elle éclaire de surcroît les zones d’ombre, Atwood ne perdant jamais de vue le texte d’Homère. Un point de vue féminin qu’on attendait avec impatience ! » Christophe Ono-dit-Biot
Mon avis :
Impératif : Conseil à celles et ceux qui sautent la Préface, cette fois il faut la lire ! C’est une pure merveille !
Toutes celles et ceux qui ont l’image d’une Pénélope, épouse fidèle et soumise en train de tisser le jour et défaire la nuit son ouvrage de la veille vont être surpris par sa vie plutôt mouvementée. Avec la Pénélope revisitée par Margaret Atwood, la légende d’Ulysse en prend pour son grade. Les autres divinités ne sont pas en reste (Hermès…)
Nous avons droit ici à un mélange savoureux de mythologie, de théâtre, de poésie et de féminisme.
Pénélope en ressort grandie, moins victime et moins niaise. Elle aussi a ses secrets, ses ruses, ses plans d’action. Pour une fois on parle de Pénélope et non pas d’Ulysse ( ou si peu) … Une Pénélope qui a appris depuis toute jeune à survivre – son père, Icare, Roi de Sparte a voulu la noyer alors qu’elle était toute jeune) et qui met en pratique le conseil de sa mère, une naïade , car elle a vite compris qu’elle ne pourra compter que sur elle-même pour se défendre. Le conseil : « Souviens-toi que tu es à moitié eau. Si tu n’arrives pas à traverser un obstacle, contourne-le. C’est ainsi que fait l’eau. »
Penelope nous parle depuis le royaume d’Hadès. Elle se raconte et se fait accompagner par ses douze servantes, qui ont été pendues à la fin du mythe. Ces douze servantes qui ont, au final, intenter un procès…
Et comme j’aime ce qui se rapporte aux nombres et à l’origine des mots , j’ai bien aimé la petite partie qui traite du chiffre 12 , le mot mois et son rapport avec la lune.
La condition féminine de l’époque, les mariages arrangés, le viol… La manière de se comporter des hommes… Antiquité ou époque actuelle ?
J’ai beaucoup aime ce court roman qui allie mythologie grecque et vision du XXIème siècle.
Extraits:
Que peut une femme quand des commérages auréolés de scandale traversent les continents ? En se défendant, elle se donnerait des allures de coupable. J’ai donc continué d’attendre.
On n’initie plus les petites filles à l’artisanat, à ce que je crois comprendre ; à mon époque, fort heureusement, cette pratique avait toujours cours. Il est avantageux de s’occuper les mains. Face à une remarque déplacée, on peut faire la sourde oreille. Pas besoin, donc, de relever.
Les pleurs excessifs, autant vous le dire tout de suite, sont un attribut de la progéniture des Naïades. J’ai passé au moins le quart de mon existence à pleurer comme une Madeleine. À mon époque, heureusement, on portait des voiles. Rien de tel pour cacher des yeux rougis, bouffis.
L’eau n’offre pas de résistance. Elle coule. En y plongeant la main, on ne sent qu’une caresse. L’eau ne forme pas un mur ; elle ne t’arrêtera pas. Mais l’eau va là où elle veut ; en fin de compte, rien ne peut ’opposer à sa volonté. L’eau est patiente. L’eau qui coule use la pierre. Souviens-t’en, mon enfant. Souviens-toi que tu es à moitié eau. Si tu n’arrives pas à traverser un obstacle, contourne-le. C’est ainsi que fait l’eau.
En vertu des anciennes règles, seuls les notables se mariaient car eux seuls faisaient des héritages. Le reste n’était que copulations de toutes sortes – viols ou séductions, histoires d’amour ou aventures sans lendemain, dieux se faisant passer pour des bergers ou bergers se faisant passer pour des dieux.
C’était l’un des grands secrets de sa force de persuasion – faire croire à l’autre que, confrontés à un obstacle commun, ils devaient s’unir pour le surmonter.
Ulysse, qui aimait parler, était un excellent conteur, que je prenais plaisir à écouter. Je crois que c’est ce qui lui plaisait le plus chez moi : ma capacité à apprécier ses récits. Chez les femmes, il s’agit d’un talent sous-estimé.
Il m’a un jour dit que chacun a une porte secrète, celle qui s’ouvre sur le cœur, et qu’il se faisait un point d’honneur d’en trouver la poignée. Car le cœur était à la fois la clé et le verrou. Quiconque domptait le cœur des hommes et découvrait leurs secrets progressait d’autant sur la voie de la conquête des Parques, ainsi que sur celle de la maîtrise de l’écheveau de sa propre destinée. Non pas, s’est-il empressé d’ajouter, qu’aucun homme puisse rêver d’y parvenir. Même les dieux, a-t-il ajouté, ne surpassaient pas en puissance les trois sœurs fatales. Bien qu’il eût évité de mentionner leurs noms, il a eu la précaution de cracher pour se préserver du mauvais œil ; pour ma part, j’ai frissonné à la pensée de ces femmes qui, dans leur caverne lugubre, filaient les vies, les mesuraient, les coupaient.
Même une flatterie de toute évidence mensongère est un réconfort, quand on n’en reçoit guère d’autres.
Le tissage et le filage ne lui disaient rien qui vaille.
— Trop de nœuds, disait-elle. Un travail d’araignée. Laissons Arachné s’en charger.
Malgré la connaissance limitée que j’en ai, je me rends compte que le monde d’aujourd’hui est aussi dangereux que celui que j’ai connu, sauf que la misère et la souffrance sont beaucoup plus répandues. Quant à la nature humaine, elle est plus vulgaire que jamais.
Image: Cette statue en marbre du XIXème siècle, oeuvre de Pierre-Jules Cavelier, est exposée au musée d’Orsay à Paris.
3 Replies to “Atwood, Margaret « L’Odyssée de Pénélope » (2022) 191 pages”
J’attendais trop de cette lecture je crois, en tout cas elle m’a ennuyée…
Alors je dois dire que je n’attendais rien… Je n’avais lu qu’une petite nouvelle écrite par cette autrice ( j’ai vu la série de la Servante écarlate et pas lu le livre) et j’ai trouvé ce premier contact original.
J’ai toujours eu un petit faible pour la mythologie grecque. Petite fille, j’ai découvert « L’Iliade et l’Odyssée », dans une adaptation pour la jeunesse publiée aux Éditions des Deux Coqs d’Or. À la même époque était diffusée à la télévision la série « L’Odyssée » qui m’avait captivée. Je me souviens aussi d’un roman édité chez Marabout junior, « Pénélope, la reine solitaire ». Je n’ai jamais lu Homère ni dans le texte ni même en traduction mais quand j’ai appris que Margaret Atwood revisitait le récit, j’ai évidemment été intriguée.
Du fin fond des enfers, Pénélope raconte sa vie dans de courts chapitres qui, à la manière d’une tragédie grecque, alternent avec le chœur de ses servantes, aux chants souvent drôles, parfois burlesques. La reine démonte les mythes avec humour et lucidité en évoquant Ulysse, roublard et court sur pattes, Télémaque, son fils ingrat ou sa cousine et ennemie jurée, la capricieuse et frivole Hélène. Quant à la légendaire fidélité de Pénélope, elle pourrait peut-être bien être remise en cause.
Un récit féministe, moderne et amusant que j’aurais aimé un peu plus développé.