Chavagné, Pierre « La femme paradis » (RLH2023) 160 pages

Chavagné, Pierre « La femme paradis » (RLH2023) 160 pages

Auteur: Pierre Chavagné, né en 1975 en banlieue parisienne, vit et travaille dans le Sud de la France. Il est dirigeant d’une entreprise de biotechnologie.
Romans : Auteur Academy (2010) – Les duellistes (2017) – La femme paradis (2023) 

Le mot et le reste – 06.01.2023 – 160 pages

Résumé:
Coupée de la civilisation depuis plusieurs années, une femme sans passé survit au coeur de la forêt. Elle a apprivoisé les règles du monde sauvage pour mener une vie faite de pêche, de maraîchage et de méditation, où le sang n’est jamais versé en vain. Son existence spartiate et harmonieuse est bouleversée lorsqu’un coup dé feu claque sur le causse. Cette détonation précipitera une série d’événements implacables questionnant les forces qui l’ont amenée à choisir l’exil, la place qu’elle occupe dans le monde des hommes, et la trace qu’elle souhaite y laisser. 

Se jouant habilement de la mince frontière qui sépare le désir de la raison, ce texte vif et cinglant ébranle nos certitudes. Que sauver quand tout s’effondre ?

L’éditeur en parle :  » Mes souvenirs sont des crépuscules ; aucune de mes histoires n’a de commencement.? » Une femme sans passé se cache dans la forêt depuis des années. Elle y vit en ermite, cueille, pêche, piège et admire la beauté du monde sauvage. Son existence dans des gorges difficiles d’accès est spartiate mais heureuse, jusqu’au jour où une détonation claque sur le causse. Ce coup de fusil sonne le départ d’une course contre la montre pour préserver ce coin de paradis et précipitera une suite d’événements implacables qui révélera cette femme à elle-même.
Offrant la vision d’une vie autre, à l’instar du roman « Dans la forêt » de Jean Hegland, La Femme paradis pousse le lecteur à interroger ses certitudes, ses limites et ses désirs.

Mon avis:

Une femme vit seule au coeur de la forêt. Une femme « sauvage », une femme mystérieuse . Une femme qui se parle à elle-même mais fuit les autres; pourquoi est-elle là? Qui est-elle? Quel est son passé? On finit par se questionner et cela crée une forme de tension.  Un livre de nature-writing, extrêmement poétique, très sensible, mais aussi un roman noir. Par moment, il m’a fait penser aux évocations de Ron Rash. C’est un livre très descriptif sur le plan de la nature et de sa vie quotidienne, mais la femme – elle – est secrète, sans nom. Pourquoi protège-t-elle à ce point son territoire? Est-elle recherchée? A-t-elle peur? Pourquoi recherche-t-elle cette solitude, alors que parfois on sent qu’elle voudrait avoir un peu de contact… Qui fuit-elle ? Les gens ou elle-même? Il y a la valeur des choses, la valeur des objets, de la nature. Une femme se raconte : pour qui, pourquoi ?
Il y aussi des conseils de survie, des explications sur certains anciens savoirs de guérisseuses. C’est de fait une femme sage, on la découvre en commençant par la fin de son parcours, dans une situation exceptionnelle, qui va se fondre avec la nature en quelque sorte.

Un coup de feu ! Tout bascule… Est-elle folle? Traumatisée? Souffre-t-elle d’amnésie rétrograde?
Quand on décide de changer de vie, de s’enfuir, faut-il tout rejeter, quitte à se priver de choses qui sont pour nous essentielles? Dans ce livre une place importante va petit-à-petit être donnée à la lecture, aux mots alors qu’au début seule comptait la solitude et la nature… La femme va se dévoiler, par la force des choses… Peut-on faire abstraction de tout ? Peut-on vivre uniquement dans le présent? Sans personne? Sans souvenirs? Sans avenir? Juste avec la nature et quelques objets du quotidien…

Un livre puissant que j’ai beaucoup aimé. J’ai eu du mal à choisir des extraits car j’ai eu envie de retranscrire tout le roman ! Enormément de sujets abordés.

Extraits: 

La nature est harmonie, elle quête la dissonance : la présence humaine.

Dans les premiers temps, elle parlait à voix haute mais la conversation des arbres et des rochers est limitée. Alors elle s’est tue pour mieux entendre. Le silence a tant de choses à dire.

L’intuition n’est pas un sixième sens, c’est la synthèse de tous les sens, l’évidence du corps qui se connecte au monde.
L’intuition est une deuxième naissance. Celui qui n’a pas éprouvé ce sentiment de plénitude n’a pas vécu. La clef est l’empathie ; sans elle, nulle possibilité d’appartenir au monde. Après des années dans la forêt, une fourmi qui se noie, un pin arraché par la tempête ou un oisillon tombé du nid m’attristent avec la même intensité. Je ne hiérarchise pas le vivant. Je le considère comme un tout. Un ensemble irréductible dont il faut prendre soin et qui me constitue. Quand je parviens à éliminer les bruits parasites, tout parle. Tout vibre et m’informe.

Les souvenirs s’entremêlent et se figent sans qu’aucun ne parvienne à la consistance suffisante pour devenir une anecdote. L’émotion vécue sature le cerveau et empêche d’accéder à la mémoire.

Elle promet des paroles plus coupantes que les éclats de roche et plus froides que les eaux tumultueuses de la rivière.

Il y a des silences infranchissables, celui-ci est particulièrement escarpé.

Le Monde est un monumental rideau, le mensonge s’étale sur des surfaces infinies, la vérité ne loge que dans les replis. Il faut avoir éprouvé de grandes joies et de grandes souffrances pour y accéder, pour s’avaler soi-même dans l’ombre et se dissoudre dans la lumière.

Le passé vous constitue et détermine tous vos présents possibles. J’ai cru pouvoir échapper à la règle. On peut changer de vie mais pas de souvenirs.

 

 

 

One Reply to “Chavagné, Pierre « La femme paradis » (RLH2023) 160 pages”

  1. C’est étrange, ce livre me rappelle un autre livre que j’ai lu sur le même sujet mais je n’arrive pas à retrouver lequel. Peut-être ça te parle toi ?

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