Powers, Richard « Sidérations » (RL2021) 402 pages
Auteur: Né à Evanston, dans l’Illinois, en 1957, Richard Powers est l’auteur de treize romans, dont Trois fermiers s’en vont au bal, Le temps où nous chantions, Chambre aux échos (National Book Award 2006 et finaliste du Prix Pulitzer), L’Arbre-Monde (lauréat du Prix Pulitzer 2019 et finaliste du Man Booker Prize). Considéré comme l’un des plus grands écrivains contemporains, il vit aujourd’hui en bordure du parc national des Great Smoky Mountains, dans le Tennessee.
Richard Powers devient un auteur reconnu et à succès aux États-Unis au début des années 1990, avec des romans explorant les relations entre sciences (physique, génétique, technologie) et art (musique). Il obtient plusieurs récompenses et distinctions dont une bourse MacArthur en 1989, ainsi que le Lannan Litterary Award en 1999. Il est titulaire en 2010 et 2013 de la chaire d’écriture Stein à l’université Stanford, avant d’être nommé professeur titulaire d’écriture créative dans cette même université Stanford (à la chaire Phil and Penny Knight Professor of Creative Writing).
Actes Sud – 22.09.2021 – 397 pages / 10/18 – 02.03. 2023 – 402 pages Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Jean-Yves Pellegrin
Résumé:
Depuis la mort de sa femme, Theo Byrne, un astrobiologiste, élève seul Robin, leur enfant de neuf ans. Attachant et sensible, le jeune garçon se passionne pour les animaux qu’il peut dessiner des heures durant. Mais il est aussi sujet à des crises de rage qui laissent son père démuni.
Pour l’apaiser, ce dernier l’emmène camper dans la nature ou visiter le cosmos. Chaque soir, père et fils explorent ensemble une exoplanète et tentent de percer le mystère de l’origine de la vie.
Le retour à la “réalité” est souvent brutal. Quand Robin est exclu de l’école à la suite d’une nouvelle crise, son père est mis en demeure de le faire soigner.
Au mal-être et à la singularité de l’enfant, les médecins ne répondent que par la médication. Refusant cette option, Theo se tourne vers un neurologue conduisant une thérapie expérimentale digne d’un roman de science-fiction. Par le biais de l’intelligence artificielle, Robin va s’entraîner à développer son empathie et à contrôler ses émotions.
Après quelques séances, les résultats sont stupéfiants. Mettant en scène un père et son fils dans une Amérique au bord du chaos politique et climatique, Richard Powers signe un roman magistral, brillant d’intelligence et d’une rare force émotionnelle, questionnant notre place dans l’univers et nous amenant à reconsidérer nos liens avec le vivant.
Avis Presse:
» On y entre curieux, on en ressort bouleversé. » Le Figaro »
Immensément romanesque, radicalement original. » Les Inrocks »
Un grand roman signé par l’un des écrivains que j’admire le plus aujourd’hui. » François Busnel, La Grande Librairie »
Un émouvant roman écologiste et humaniste. Une fiction où l’intelligence et l’émotion s’unissent. » Télérama »
Virtuose. Le lecteur retrouvera dans Sidérations la puissance visionnaire et l’imagination » sidérante » de l’auteur de l’Arbre-Monde. » L’Humanité »
Magnifique et, bien sûr, sidérant. » Marie-Claire »
Un poignant roman sur la fragilité de notre rapport au monde et l’amour paternel. Aussi brillant que touchant. » Ouest France »
Un Petit prince du réchauffement climatique. » Philosophie Magazine
» La gradation de l’intrigue est plus que bouleversante, et bien téméraire qui jurerait ne pas avoir versé quelques larmes. » Sud-Ouest
Mon avis:
Merci aux deux personnes qui m’ont vivement recommandé ce livre car le coté scientifique m’avait fait redouter la lecture du roman.
Un livre qui touche la corde sensible sans jamais verser dans la sensiblerie. Bien sûr il y a l’aspect scientifique – de fait on baigne dedans – mais j’en ai surtout ressenti l’aspect humain et l’aspect climatique et écologique. Un livre qui m’a bouleversée et m’a nourrie si je peux m’exprimer ainsi. J’ignorais tout de la neurofeedback (voir note en bas de chronique) et je trouve cette approche médicale fascinante.
Suite à un accident de voiture – la Maman a perdu la vie en évitant un opossum – un père se retrouve seul avec son fils de neuf ans, Robin, autiste asperger. L’enfant est mal adapté à la société qui l’entoure, a des problèmes relationnels à l’école et le père refuse de l’assumer de cachets pour le contenir lors de ses crises. Etant scientifique – astrobiologie – va se tourner vers une thérapie non encore homologuée , le « neurofeedback ».
Tout le livre tourne autour de la relation privilégiée entre le père et le fils, leur relation privilégiée avec la nature et l’espace, les liens entre les vivants, les disparus, le cosmos, la nature au sens large.
C’est une réflexion profonde, intelligente, imaginative , propice à la rêverie mais c’est aussi un énorme signal d’alarme qui aborde les sujets tels que la disparition des espèces, la modification de la terre, le changement climatique, l’évolution de la science, l’intrusion du politique et de l’économie dans le monde de la recherche. Le tout porté par des personnages extrêmement attachants.
Plus qu’à me plonger dans « l’arbre-monde » et relire le classique de la S.F. « Des fleurs pour Algernon » de Daniel Keyes.
Extraits:
Devant nous, le vestige d’une chaîne de montagnes jadis bien plus haute que l’Himalaya survivait sous forme de collines ondulées. Citron, ambre et cannelle – toute la gamme des couleurs caduques – coulaient le long des torrents. Oxydendrons et gommiers doux empourpraient la crête.
L’œil mental connaît deux sidérations : l’arrachement à la lumière, l’entrée dans la lumière.
Pas de télescopes, papa. Pas de fusées. Pas d’ordinateurs. Pas de radios.
“Rien que de l’émerveillement.” On ne perdait pas scandaleusement au change.
ELLES ONT BEAUCOUP EN COMMUN, L’ASTRONOMIE ET L’ENFANCE. Toutes deux sont des odyssées à travers des immensités. Toutes deux en quête de faits hors de portée. Toutes deux théorisent sauvagement et laissent les possibles se multiplier sans limites. Toutes deux sont rappelées à la modestie d’un mois à l’autre. Toutes deux fonctionnent sur l’ignorance. Toutes deux butent sur l’énigme du temps. Toutes deux repartent sans cesse de zéro.
Une bonne part de l’existence se présente en trois parfums possibles : néant, unique ou infini. Les exemplaires uniques se trouvaient partout, à chaque étape de l’histoire. Nous ne connaissions qu’un seul type de vie, apparu une seule fois en un seul monde, dans un seul milieu liquide, en employant une seule forme de stockage d’énergie et un seul code génétique. Mais mes mondes n’avaient pas à être comme la Terre. Leurs versions de la vie ne réclamaient pas d’eaux de surface, de zones habitables, ni même de carbone comme élément central. Je m’efforçais de me libérer des préjugés, de ne rien présupposer, à la manière d’un enfant, comme si notre exemple unique prouvait que les possibilités étaient infinies.
L’enseignement, c’est comme la photosynthèse : on produit de la nourriture à partir d’air et de lumière. Ça infléchit un peu les perspectives de vie.
Le département de la Faune sauvage des États-Unis recense plus de deux mille espèces nord-américaines menacées ou en voie d’extinction.
“On a des preuves de malléabilité à tous les âges de la vie. En vieillissant, c’est l’habitude qui nous bloque, bien plus qu’une altération des capacités innées. Nous autres, on dit souvent que « maturité », c’est juste un synonyme de « paresse ».
le monde est une expérience de validation, avec pour seule preuve la conviction.
La Terre abritait deux sortes de gens : ceux qui étaient capables de faire les calculs et de croire la science, et ceux qui préféraient leurs propres vérités. Mais dans le quotidien de nos cœurs, quelle que soit notre éducation, nous vivions tous comme si demain devait être le clone d’aujourd’hui.
Le monde était devenu une chose qu’aucun écolier ne devrait être autorisé à découvrir.
Est-ce que les gens sont au courant ?
“Je crois. Plus ou moins.”
Et ils laissent faire parce que… ?
La réponse standard – l’économie – était insensée.
Découvrir d’autres Terres, c’était un complot mondialiste qui méritait le même traitement que la tour de Babel. Si nous, les élites scientifiques, découvrions que la vie fleurissait partout, ça relativiserait l’humanité et sa Relation privilégiée avec Dieu.
Tout le monde est en chacun de nous
Des étoiles partout. Plus qu’on ne peut en compter ? Alors pourquoi, la nuit, le ciel n’est pas rempli de lumière ?
Qu’est-ce qui est plus grand, l’espace du dehors ou celui du dedans ?
Information (source FRC : Fédération pour la Recherche sur le Cerveau)
Une approche alternative en plein essor est celle de l’entraînement cérébral par Neurofeedback. Le but de cette technique est de permettre au patient d’apprendre à auto-réguler son activité cérébrale, ce qui, avec une pratique répétée, pourrait le soulager des principaux symptômes. Le TDA/H est le trouble le plus ciblé par les traitements de Neurofeedback aujourd’hui, mais cette approche s’applique également à une variété d’autres troubles tels que l’épilepsie, la dépression, l’autisme.