Aubert, Charles « Danser encore »( RLE2023) 172 pages
Auteur : Charles Aubert est diplômé de la Faculté de droit et de science politique d’Aix-Marseille (1985-1991). Responsable des assurances professionnelles à Generali France (1993-2006), il était directeur commercial d’une société d’assurances, de 2006 à 2012.À la faveur d’un plan social, il décide de quitter la ville et s’installe au sud de Montpellier, avec femme et enfants. Il choisit une cabane au bord de l’étang des Moures. En 2012, il crée le Canotage, atelier de fabrication de bracelets pour montres. Comme ses personnages, Charles Aubert s’est retiré dans une partie secrète de l’étang des Moures où ne vont jamais les touristes, entre sel et mer, pas très loin de Sète, un peu en-dessous de Montpellier. Après « Bleu Calypso« , « Rouge Tango« , « Vert Samba » (2021). Après la série des couleurs, «Tala Yuna» parait en (2022), suivi de « Danser encore » en 2023
Istya & Cie ( anciennement Slatkine & Cie) – 07.09.2023 – 172 pages
Résumé:
L’histoire du boxeur tsigane qui osa défier Hitler.
Ce roman en dix rounds s’inspire de la vie de Johann Trollmann, dit » Rukeli « , boxeur tsigane qui vécut en Allemagne sous les nazis et fut assassiné le 9 février 1943 dans le camp de concentration de Neuengamme.
Sacré champion d’Allemagne, Rukeli est déchu de son titre en 1933. Son jeu de jambes n’est pas conforme « caractéristique de l’imprévisibilité tsigane » écrit la presse nazie: « Ses coups de poing ne sont pas allemands. ». Rukeli décide de défier le Reich.
Mon avis:
Rukeli est un Sinti, un allemand, un tzigane originaire des Indes et c’est un boxeur, qui deviendra Champion d’Allemagne.
Mais c’est avant tout « un arbre » si l’on se réfère à la signification de son prénom en langue tzigane. Et un arbre c’est puissant, c’est grand, c’est droit, c’est fier et dressé vers la lumière et le ciel et cela défie les éléments; et sous l’écorce il y a la sève. Certes un arbre majestueux a des branches qui peuvent céder, mais l’arbre ne s’incline pas de lui-même. Il casse ou se fait abattre. Il faut une intervention extérieure, une hache, des coups violents. Et une fois abattu, il reste encore les racines, ancrées dans le sol. Ce n’est pas un roseau, un arbre ne plie pas. Il affronte, même si son écorce est lardée de coups et il se redresse après l’orage.
Un arbre, c’est aussi le mouvement du vent dans les feuilles, des feuilles qui se meuvent avec grâce , légèreté, souplesse, élégance, finesse.
Le roman est un match en 10 rounds de l’homme-arbre contre la société nazie, divisé en tranches de vie : de la naissance à la mort. C’est le récit de la vie d’un homme qui va être poursuivi par le racisme, qui va payer pour sa couleur de peau, pour le fait de ne pas entrer dans le moule aryen, pour sa différence. Contrairement aux allemands qui se comparent à des chars d’assaut, il est aérien et élancé. Il boxe en danseur et non en rouleau compresseur. Et il va le payer de sa vie, tomber d’un bloc au milieu d’un camp de concentration, comme le chêne qui s’abat d’un seul tenant.
Et ces dix rounds non seulement racontent la vie d’un homme mais illustrent la politique d’eugénisme, d’éradication des hommes différents , que ce soit pour leur couleur de peau, leur religion, leur sexualité, leurs comportements. Au final Rukeli sera K.O, mais K.O. debout car jamais il ne se sera couché.
Un livre magnifique, glaçant, émouvant, indispensable qui met en lumière un être exceptionnel. Je vous laisse vous imprégner des ténèbres et du solaire… et ne jamais oublier.
Après trois polars doux et son magnifique « Tala Yuna », l’auteur frappe fort avec ce livre coup de poing/coup de coeur à nouveau. Et Rukeli va continuer longtemps à danser avec élégance au son de la musique tzigane et du violon de sa femme, survolant de sa classe et sa légèreté la lourdeur et la bestialité de l’époque hitlérienne.
Un très grand merci à l’auteur – et à son éditeur – pour l’envoi de son livre.
Extraits:
Il faut élaguer l’humain, déposséder l’homme de ses rêves pour bâtir les fondations d’un Reich millénaire.
La poésie est sans doute la seule chose qui reste quand tout vous a été enlevé.