Scerbanenco, Giorgio «Venus Privée» (1966 – traduction 2023) 272 pages – Série Duca Lamberti
Auteur : (Source Wikipédia) Giorgio Scerbanenco, né Volodymyr-Djordjo Chtcherbanenko (en ukrainien : Володимир-Джорджо Щербаненко) à Kiev le 27 juillet 1911 et mort à Milan le 27 octobre 1969, est un écrivain de polar italien. Il est né en Ukraine, à Kiev, de mère italienne et de père ukrainien. Il arrive en Italie, à Rome, avec sa mère à l’âge de six mois. En 1917, lors de la révolution russe, tous deux retournent en Russie pour retrouver leur mari et père, mais celui-ci a été fusillé par les bolcheviques. Il rentre donc avec sa mère en Italie, d’abord à Rome puis, à seize ans, à Milan. Il est alors orphelin. Il arrête très tôt ses études pour des raisons financières. Sans diplôme, il gagne sa vie péniblement en acceptant des emplois mal payés de manœuvre, de balayeur ou de magasinier. Les privations, la malnutrition et une santé très fragile entraînent son hospitalisation dans un sanatorium à Sandrio, près de la frontière suisse. C’est pendant ce repos forcé qu’il se met à l’écriture de plusieurs nouvelles publiées à partir de 1933. Auparavant, il commence à collaborer à des journaux féminins, d’abord comme correcteur, puis comme auteur de nouvelles et de romans à l’eau de rose, ainsi qu’au courrier du cœur. Il écrira également des westerns et de la science-fiction.
Il publie son premier roman policier Sei giorni di preavviso en 1940, c’est le premier d’une série qui sera republiée dans Cinque Casi per l’Investigatore Jelling.
En 1943, il se réfugie en Suisse où il restera jusqu’en 1945. Il passe d’abord par le camp de réfugiés de Büsserach puis est accueilli, dans le canton du Tessin, par des amies suisses de son épouse, Teresa. Pendant son exil il écrit un roman Non rimanere soli qui en transpose l’expérience bien qu’il ait dû, comme il l’écrit lui-même dans l’avis au lecteur (al lettore) qui précède le roman, obéir aux prescriptions minutieuses de la police du pays dans lequel il a passé ses années d’exil et se contraindre à une neutralité hypersensible (ipersensibile neutralità) et donc à changer les noms des personnes et des lieux. C’est également en Suisse qu’il écrira Lupa in convento, Annalisa e il passagio a livello, Tecla e Rosellina ainsi qu’un roman de science-fiction — qualifié de sombre (cupo) par sa fille Cecilia dans l’avant-propos du recueil intitulé Annalisa e il passagio a livello contenant la nouvelle de même titre et Tecla e Rosellina, publié en 2007 par Sellerio à Palerme.
La renommée internationale intervient avec la série des Duca Lamberti — quatre romans dont Vénus privée, adapté à l’écran par Yves Boisset sous le titre Cran d’arrêt en 1970. Il y dépeint une Italie des années 1960 difficile, parfois méchante, désireuse de se développer mais désenchantée, loin de l’image édulcorée et brillante de l’Italie du boom économique.
Il obtient le grand prix de littérature policière en 1968.
Il peut être considéré comme un des maîtres des écrivains italiens de romans noirs à partir des années 1970.
Depuis 1993, le prix Scerbanenco récompense le meilleur roman policier ou noir italien publié l’année précédente. Ce prix est décerné lors du Festival du film noir de Courmayeur.
Série La trilogie de la mer : Le Sable ne se souvient pas, Mort sur la lagune, Les Amants du bord de mer)
Série Duca Lamberti : Vénus privée (tome 1) – À tous les rateliers / Ils nous trahiront tous / Tous des traîtres (tome 2- Grand prix de littérature policière 1968) – Les Enfants du massacre, (tome 3) – Les Milanais tuent le samedi (tome 4)
Rivages/noir 13.10.2010 – 260 pages / Gallmeister – Totem (poche) 02.03.2023 – 272 pages – nouvelle traduction par Laura Brignon (Venere Privata)
Résumé :
À sa sortie de prison, Duca Lamberti est contraint d’accepter le premier travail qu’on lui propose. Condamné pour avoir euthanasié une femme en phase terminale, cet ancien médecin est appelé par un riche industriel pour désintoxiquer son fils alcoolique. Lamberti ne tarde pas à percer le secret qui ronge Davide. Il comprend aussi que sa guérison ne passera que par la résolution d’une étrange et sombre affaire. Mais, dans les rues interlopes du Milan des années 1960, le brouillard garde les secrets criminels, et l’on ne peut faire confiance à personne.
Les enquêtes de Duca Lamberti ont fait entrer Giorgio Scerbanenco au panthéon du roman noir.
Mon avis:
Duca Lamberti est un médecin qui a été radié de l’ordre des médecins et n’a donc plus le droit d’exercer la médecine. Pour avoir euthanasié une femme, il a pris trois ans ferme; à sa sortie de prison il est contacté par un riche entrepreneur milanais pour qu’il s’occupe de faire guérir son fils Davide qui est brutalement tombé dans l’alcoolisme. Bien qu’ayant fait de la prison pour avoir aidé à mourir une vieille dame en phase terminale il a gardé bien des amis et est même le héros de personnes qui ont vu en cet acte de l’humanité et il compte surtout un ami dans la police, celui-là même qui lui a fait trouver ce travail.
Duca Lamberti sait qu’on ne tombe pas dans l’alcool du jour au lendemain sans une bonne raison et que c’est vraisemblablement plus un problème mental que physique. Il va s’attacher à découvrir ce qui perturbe le jeune Davide à ce point, et c’est le début d’une enquête qui les mènera vers le crime, la Mafia, et la guérison du jeune homme. Davide, un jeune qui s’enfonce au lieu de réagir… mais la relation père-fils est loin d’être étrangère à cette dépression…
Les rapports entre Duca et Davide ne seront pas des relaxations médecin-patient mais le lien qui se crée est un lien de confiance qui va inciter Davide à parler, à se confier et débouchera sur une enquête menée par les deux hommes pour élucider la mort d’une jeune femme. Je vous laisse en compagnie de nos deux compères. Une enquête pleine de rebondissements, des personnages psychologiquement très interessants et à qui je me suis attachée. Sans oublier des personnages féminins, et principalement une jeune femme dont l’action sera très importante dans la poursuite de l’enquête.
La ville de Milan joue un rôle important dans l’histoire et le contexte historico-politique des années 60 est très bien rendu. On visite Milan, coté glamour et coté sombre, centre et périphérie, beaux quartiers et zones peu fréquentables. L’auteur n’hésite pas à aborder des thèmes sociaux tels l’homosexualité, l’euthanasie, le proxénétisme, le prostitution. Il ne faut pas oublier que l’Italie est un pays catholique et que l’euthanasie passe mal..
J’avais déjà lu et apprécié plusieurs livres de cet auteur et je me réjouis de continuer l’aventure en compagnie de Duca Lamberti.
Extraits:
l’avocat de la défense lui avait soufflé à l’oreille de ne pas dire un mot, pas un seul : il aurait dit la vérité, et la vérité c’est la mort, tout plutôt que la vérité dans un tribunal, dans un procès. Et dans la vie aussi.
Mais un jeune homme normal ne se met pas à boire comme ça sans raison. Il lui est peut-être arrivé quelque chose qui l’a poussé à boire plus, toujours plus.
Et, seulement avant de disparaître dans le parc, il regarda un moment ce géant juvénile qu’était son fils, et il y avait de tout, dans ce regard plus fourni qu’un supermarché : compassion, haine, affection farouche, ironie, mépris, amour paternel affligé.
La sévérité permet de masquer l’émotion, la faiblesse. Même un médecin peut être troublé par les maladies morales, et ce garçon était un malade moral.
Il continua à travailler de la sorte son difficile patient, c’était comme vouloir se lier d’amitié avec le néant, parler au vide et faire des manières dans un désert.
— Eh bien ils referont l’autopsie, ce n’est pas moi l’ouvre-morts.
l’espoir aussi était une sorte de dépendance secrète dont personne n’arrivait jamais à se débarrasser complètement.
les instincts montés de ses tréfonds s’étirèrent en lui comme des chats libérés après avoir passé des heures enfermés dans le panier de tantine : chauds, agressifs, précis.
Discrétion : c’est le mot d’ordre.
Discrétion, autrement dit chercher quelque chose dans le noir.
La vie est un puits des merveilles, dedans il y a de tout, des haillons, des diamants, des coups de couteau à la gorge
— La société est un jeu, n’est-ce pas ? Les règles du jeu sont écrites dans le code pénal, dans le code civil et dans un autre code, plutôt vague et pas écrit celui-là, appelé code moral. Ce sont des codes très discutables, qui doivent être constamment améliorés, mais soit on joue le jeu, soit on ne le joue pas.
Image : Merci à David pour la photo
One Reply to “Scerbanenco, Giorgio «Venus Privée» (1966 – traduction 2023) 272 pages – Série Duca Lamberti”
Une Italie de 1966. Avec la Démocratie Chrétienne d’une part, et les Communistes d’autre part. Une Italie qui traîne un glorieux passé artistique du Rinascimento, la splendeur de Florence et des cités-états, Dante, les airs des opéras de Verdi, mais aussi l’ombre noire des fascistes.
Une Italie dont le cinéma est à son apogée.
Mais une société qui garde les pieds englués dans ses contradictions, entre la nostalgie d’un passé édulcoré de ses défauts, dont on ne retient que la splendeur, en omettant la crasse, la misère et les crimes des pouvoirs, et qui ne veut pas voir son déclin irréversible.
Une trame idéale pour un écrivain. Très tentant, d’autant que je suis rarement déçu par les auteurs italiens qui résistent aux assauts du temps.