De Vigan, Delphine « No et moi » (2007) 248 pages

De Vigan, Delphine « No et moi » (2007) 248 pages

Autrice : Née le 1er mars 1966 à Boulogne, Delphine de Vigan est une romancière et réalisatrice française. Après avoir accumulé divers petits emplois, elle a atterri sur un poste de cadre dans un institut de sondage à Alfortville. Mère de deux enfants, l’écrivain ne vit que de sa plume depuis 2007.. 

Ses romans : 2001 : Jours sans faim (sous le pseudonyme de Lou Delvig) – 2005 : Les Jolis Garçons, – 2005 : Un soir de décembre – 2007 : No et moi (Prix des libraires 2008 – Prix du Rotary International 2009) – 2008 : Sous le manteau – 2009 : Les Heures souterraines – 2011 : Rien ne s’oppose à la nuit – 2015 : D’après une histoire vraie (prix Renaudot et le prix Goncourt des lycéens) – 2018 : Les Loyautés – 2019 : Les Gratitudes – 2021 : Les enfants sont rois

JC Lattès – 10.11.2007 – 285 pages / Le Livre de poche – 11.03.2009 – 248 pages – Prix des Libraires

Résumé :
Elle avait l’air si jeune. En même temps il m’avait semblé qu’elle connaissait vraiment la vie, ou plutôt qu’elle connaissait de la vie quelque chose qui faisait peur. D. V. Adolescente surdouée, Lou Bertignac rêve d’amour, observe les gens, collectionne les mots, multiplie les expériences domestiques et les théories fantaisistes. Jusqu’au jour où elle rencontre No, une jeune fille à peine plus âgée qu’elle. No, ses vêtements sales, son visage fatigué, No dont la solitude et l’errance questionnent le monde. Pour la sauver, Lou se lance alors dans une expérience de grande envergure menée contre le destin. Mais nul n’est à l’abri…

Mon avis:
J’ai été touchée au coeur par ce roman que je trouve incontournable… (ce roman a été adapté au cinéma par Zabou Breitman)
Pour un exposé à l’école, Lou va interviewer une jeune SDF de 18 ans. Entre elles le contact va se créer. Toutes deux souffrent d’un mal similaire : la solitude. De fait il y a une troisième solitude: un garçon de 17 ans qui est dans la classe de Lou, Lucas, qui vit également dans une situation d’abandon, même s’il est loin d’être sans ressources.
Ce livre parle d’exclusion, d’abandon, de perte de repères, de différence, de mal-être, d’adolescence . Lou est une enfant surdouée, qui a deux ans de moins que les élèves de sa classe, et elle se sent seule à la maison aussi, suite à la mort subite de sa petite soeur et à la dépression qui a frappé sa mère.
Ce livre est poignant, à la fois triste et lumineux : beaucoup d’émotion, beaucoup d’humanité, de révolte aussi. Et un vrai sujet de société : les sans-abri…

Extraits

L’absence d’un objet ou d’un sujet s’exprime mieux par la phrase « il n’y en a pas » (ou « plus »). Les nombres demeurent une abstraction et le zéro ne dit ni l’absence ni le chagrin.

Je sais reconnaître ça, entre autres choses, le son des voix quand le mensonge est à l’intérieur, et les mots qui disent le contraire des sentiments, (…)

Depuis longtemps je suis insomniaque, un mot qui finit comme maniaque, patraque, hypocondriaque, bref un mot qui dit que quelque chose se détraque (…)

je vois la fatigue sur son visage, c’est comme un voile gris qui la recouvre, l’enveloppe, et peut-être la protège.

Il y a cette ville invisible, au cœur même de la ville. c’est une fille qui vit dans un autre monde que le tien.
Moi je m’en fous pas mal qu’il y ait plusieurs mondes dans le même monde et qu’il faille rester dans le sien. 

Noël est un mensonge qui réunit les familles autour d’un arbre mort recouvert de lumières, un mensonge tissé de conversations insipides, enfoui sous des kilos de crème au beurre, un mensonge auquel personne ne croit.

On apprend à trouver des inconnues dans les équations, tracer des droites équidistantes et démontrer des théorèmes, mais dans la vraie vie, il n’y a rien à poser, à calculer, à deviner. 

Elle a erré des journées entières, dans ce monde parallèle qui est pourtant le nôtre, elle n’a cherché rien d’autre qu’un endroit dont elle ne serait pas virée, un endroit pour s’asseoir ou pour dormir.

— Je sais, mais…
— Le problème c’est les mais, justement, avec les mais on fait jamais rien.

Ceux qui croient que la grammaire n’est qu’un ensemble de règles et de contraintes se trompent. Si on s’y attache la grammaire révèle le sens caché de l’histoire, dissimule le désordre et l’abandon, relie les éléments, rapproche les contraires, la grammaire est un formidable moyen d’organiser le monde comme on voudrait qu’il soit.

L’insomnie est la face sombre de l’imagination. Je connais ces heures noires et secrètes. Au matin on se réveille engourdi, les scénarios catastrophes sont devenus extravagants, la journée effacera leur souvenir, on se lève, on se lave et on se dit qu’on va y arriver.

Maintenant je sais que la violence est aussi dans le silence, qu’elle est parfois invisible à l’œil nu. La violence est ce temps qui recouvre les blessures, l’enchaînement irréductible des jours, cet impossible retour en arrière. La violence est ce qui nous échappe, elle se tait, ne se montre pas, la violence est ce qui ne trouve pas d’explication, ce qui à jamais restera opaque.

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