Assouline, Pierre « Le nageur » (2023) 251 pages

Assouline, Pierre « Le nageur » (2023) 251 pages

Auteur: Pierre Assouline est un journaliste, chroniqueur de radio et biographe français, né le 17 avril 1953 à Casablanca (alors dans le protectorat français au Maroc).
Ancien responsable du magazine Lire, membre du comité de rédaction de la revue L’Histoire et membre de l’académie Goncourt depuis 2012.
Son blog, intitulé La République des livres, est centré sur la littérature, l’actualité littéraire et la critique de livres.

Écrits  (la liste est très longue je n’en cite que quelques uns)
Histoire:
Lourdes, histoires d’eau (1980) – Lutetia (prix Maison de la presse 2005) – Le Portrait (2007) –  Sigmaringen (2014)  – Golem (2016) – Retour à Séfarad (2018) – Le paquebot (2022) – Le Nageur (2023) – L’annonce (2025)  

Gallimard – 30.03.2023 –  251 pages / Folio – 06.06.2024 – 304 pages
Prix littéraire : Grand prix Sports & Littérature (2023)

Résumé:
Jusqu’où un homme ayant affronté le mal absolu peut-il aller pour ne pas s’effondrer, surmonter sa souffrance et se projeter à nouveau vers l’avenir ? Le Nageur retrace le destin exceptionnel d’Alfred Nakache.
Né à Constantine, tôt devenu champion de France et d’Europe avant d’être sacré recordman du monde, ce sportif de haut niveau fut sélectionné pour représenter la France aux Jeux olympiques de Berlin en 1936 puis à ceux de Londres en 1948 ; mais entre les deux il connut l’épreuve suprême d’une vie.
Dénoncé par un rival comme juif et comme résistant à la Gestapo toulousaine, il fut déporté avec sa jeune femme, Paule, et leur petite Annie. D’Auschwitz à Buchenwald en passant par la marche de la mort, il survécut grâce à une volonté et une constitution athlétique hors du commun. Mais à quel prix?
Offrant une époustouflante traversée du siècle, Le Nageur est le récit d’une existence tendue vers un but : l’excellence et le dépassement de soi.
Et surtout, en toutes circonstances, tenir, se tenir, résister. Une leçon de vie.

Une phrase de l’auteur en interview : Quand on écrit un roman, pour faire bien ressortir le héros, il est conseillé d’avoir en face un anti-héros. Dans mon cas l’Histoire me donnait ce conflit, d’un côté Cartonnet, aryen, noceur, qui glisse vers le fascisme et de l’autre côté, Nakache, Juif d’Algérie humaniste et rigoureux.

Mon avis: 

J’avais déjà lu de cet auteur le roman « Sigmaringen » qui se passe sous l’Occupation ( et j’ai le roman « Lutecia » en attente) . Ce récit se déroule à la même période en bonne partie, même si Nakache est né en 1915.

Beaucoup aimé ce récit
Ce livre n’est pas un roman (même si il se lit comme un roman)  mais un récit historique  extrêmement documenté qui retrace la vie d’Alfred Nakache, athlète et grand champion français de natation surnommé «Artem» (  le poisson en hébreux) qui sera déchu de sa nationalité française et redeviendra un « indigène israélite », perdra son travail, traversera l’enfer pour renaître grâce à l’eau. 

C’est un livre témoin de l’affrontement de deux hommes, Alfred Nakache et Jacques Cartonnet, deux hommes que tout sépare et qui se détestent dès le premier abord. Ils sont totalement différents, tant physiquement que moralement, l’un étant humain et l’autre mauvais.
J’ai découvert la vie d’un homme exceptionnel, extrêmement attachant, humain que l’Histoire, les camps, et un être méprisable, un nageur du nom de Jacques Cartonnet vont détruire, en le dénonçant et en l’envoyant dans les camps de concentration (à Auschwitz puis à Buchenwald) et en y envoyant par la même occasion sa femme et sa petite fille de deux ans. La raison ? Il était champion de France et Nakache va lui prendre la place. L’autre raison, l’un est résistant et l’autre est vendu aux allemands.
Nakache survivra aux seize mois d’enfer et à la sortie de cet enfer …
Je vous laisse suivre cette vie d’un héros d’exception, trop peu connu… 

Ce roman me fait penser au livre de Charles Aubert « Danser encore » qui retrace l’histoire de Rukeli, boxer tsigane, champion d’Allemagne, déchu de son titre et qui terminera sa vie en camp de concentration.

J’ai appris que l’auteur a un grand nombre de points communs avec Alfred Nakache: même origine, juifs séfarades, lycée Janson-de-Sailly, amour du sport et de la natation en particulier)

(Avis inspiré par une interview de l’auteur par Layla Shlonsky) 

 

Extraits: 

Il y a plus de noblesse dans l’indulgence que dans la vengeance. Se venger d’une offense, c’est se mettre au niveau de son ennemi. Passer outre, c’est se placer au-dessus de lui. 

On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve : Héraclite d’Éphèse l’a écrit pour dire que tout est changement, tout se défait constamment, tout est en devenir permanent

Redoutez la violence des grands calmes. Une inquiétante vibration en émane.

Albert Camus dira de la culture pied-noire : un grand vide parfumé à l’anisette.

Chez les Nakache, on parle français à la maison et arabe lorsqu’on ne veut pas être compris non des enfants mais des petits-enfants; l’éducation est très juive à l’intérieur et très française à l’extérieur. 

Il ignore encore que dans les rêves des nageurs, l’eau devient l’héroïne de la douceur et de la pureté.

Un nageur, c’est d’abord un corps. Ce qu’on voit, ce qu’on sait, ce qu’on retient de lui avant toute chose. On en saura toujours plus sur le corps que sur l’âme. Lorsqu’un nageur apparaît dans un bassin pour une compétition, il est dans la situation d’un danseur étoile surgissant sur la scène de l’Opéra. Visage, gestuelle, palmarès, technique, style, tout le reste vient après, même si ce corps n’est rien sans le mental qui le gouverne.

Nager, danser. La natation n’est pas qu’effort mais chorégraphie.

Artem a enfin trouvé sa propre écriture, sa musique intérieure, sa couleur. Sans tout donner et sans se désunir. On le reconnaît à sa manière d’évoluer dans l’eau davantage et plus sûrement que lorsqu’il crawlait. On l’admirait alors moins pour son style que pour son courage, on louait sa volonté, on ovationnait la combativité qu’il déployait pour l’emporter à l’arraché dans les derniers mètres. Désormais, on se déplace pour voir le phénomène papillonner en alliant la grâce à la puissance. Les plus grands défis s’offrent à lui. À se tirer vers le haut et y recevoir l’enseignement d’un maître, on finit toujours par récolter un peu de sa poussière d’or.

Certaines expressions, juste quelques mots parfois, il les entend pour la première fois dans une piscine : les ondulations, la coulée, la battue, le jeté des mains au plus loin. Qui a osé dire que les nageurs n’étaient pas des danseurs et leur entraîneur, un chorégraphe ?

Une réflexion de Franz Kafka le dit bien : « Les chaînes de l’humanité torturée sont faites en papier de ministère. »

Inutile d’expliquer à ceux qui ont la vie devant soi ce que c’est d’avoir le vide devant soi, ils ne comprendraient pas.

Les eaux glacées de l’oubli suffisent à peine à éteindre une mémoire en feu.

Ce qu’on fait pour vous mais sans vous, on le fait contre vous.

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