Didierlaurent, Jean-Paul – «Le reste de leur vie» (2016)

Didierlaurent, Jean-Paul – «Le reste de leur vie» (2016)

Auteur : Jean-Paul Didierlaurent habite dans les Vosges. Nouvelliste exceptionnel lauréat de nombreux concours, trois fois finaliste et deux fois lauréat du Prix Hemingway, Son premier roman « Le Liseur du 6h27 » m’avait beaucoup plu. Il publie ensuite « Le Reste de leur vie » (2016), puis « La Fissure »  (2018)

Résumé : Comment, au fil de hasards qui n’en sont pas, Ambroise, le thanatopracteur amoureux des vivants et sa grand-mère Beth vont rencontrer la jolie Manelle et le vieux Samuel, et s’embarquer pour un joyeux road trip en corbillard, à la recherche d’un improbable dénouement…
Un conte moderne régénérant, ode à la vie et à l’amour des autres. Tout lecteur fermera heureux, ému et réparé, ce deuxième roman qui confirme le talent de Jean-Paul Didierlaurent.

288 pages. Editions Au Diable Vauvert – mai 2016

Mon avis : un joli roman qui se lire facilement et donne le sourire… Qui me fait un peu penser aux livres « Et puis Paulette.. »  de Barbara Constantine et « Profanes » de Jeanne Benameur.  Un livre baume au cœur… et qui donne de l’espoir…  Très humain et plein de spontanéité, qui met de bonne humeur. Et pourtant le contexte n’est pas gai gai la vieillesse et la fin de vie de personnes qui souffrent de leur solitude… Mais les deux jeunes débordent de tendresse et de gentillesse envers « leurs » petits vieux et cela rend le livre lumineux. Il faut croire en la chance, en l’avenir, même quand tout semble perdu.. Et toujours se méfier des apparences. Ce livre met aussi l’accent sur l’importance des aides à domicile qui sont l’évènement de la journée des personnes âgées et à quel point leur vie se focalise sur le moment où elles vont être là (en bien ou en mal …)

Extraits:

Manelle se demandait toujours pourquoi le mot «larbin» n’était pas du genre féminin.

ce «Va» qui sonnait à chaque fois comme une bénédiction. Plus n’aurait servi à rien. L’unique syllabe abritait toute la tendresse du monde.

Une fois encore, le miracle se produisit, beau comme un lever de soleil qui vient repousser la nuit.

Pour la vieille femme, le genre humain était composé de deux groupes bien distincts: les gens qui aimaient le kouign- amann et les autres

Du charnel, rien d’autre, et puis partir, avant que le mot ne vienne une fois de plus tout casser. Du sexe sans amour, comme un plat sans sel.

Avant, j’allais à l’église pour assister aux petites messes du matin mais il n’y a plus ni messes ni curé dans le quartier. Alors je me suis rabattue sur Maxini. C’était sur le chemin de l’église et c’est toujours ouvert.

Une bibliothèque sans livres, c’est moche comme une bouche sans dents

Une piscine sans baigneurs, c’est comme un parking sans voitures, c’est triste et ça sert à rien!

La maison semblait sortir d’un grand nettoyage. Propre et froide

Faire oublier le mouroir derrière l’élégance et les dorures d’une résidence de luxe

Malgré l’épaisseur des portefeuilles, malgré les efforts fournis et les moyens engagés pour faire reculer l’échéance, nul doute que la décrépitude finissait par survenir ici comme ailleurs.

La vieille femme prenait rendez- vous avec son thanatologue comme elle le faisait avec son cardiologue, son ophtalmologue, son pédicure ou son dentiste. «Pour la visite de contrôle», avait-elle ajouté, espiègle.

Cette femme était comme ces très vieux mirabelliers qui, malgré un tronc fendillé de toute part et une écorce cassante et desséchée, continuent de renaître tous les printemps pour donner les meilleurs fruits l’été venu.

L’ennui peut être une souffrance, vous savez. Ça s’installe sournoisement avant de venir hanter vos jours et vos nuits comme une douleur sourde qui ne vous quitte plus.

Pour la première fois, il décela un changement dans la voix de la vieille femme. C’était la voix quelque peu éteinte d’un être déjà en partance

«On a signé il y a cinquante-huit ans pour le meilleur et pour le pire, et même quand on croit qu’il ne reste plus que le pire, on peut encore trouver un peu du meilleur, se plaisait-elle à répéter. Suffit juste de fouiller.»

Comme souvent, la mort du maître scellait le sort du chat. Rendez-vous avait d’ores et déjà été pris auprès du véto du coin pour le faire piquer dès le lendemain des funérailles.

Des gueules précieuses de bêtes à concours, des stars à poils bien loin du spécimen dont il venait de s’octroyer la charge. À chaque paquet son type de chat. Stérilisés, chatons, enveloppés, d’appartement. Rien sur les matous borgnes et miteux.

La question tant redoutée. Faire de la médecine, le temps d’un calcul, une science exacte. Débit, crédit, solde. Le solde d’une vie.
— Vu la taille de la tumeur et compte tenu de sa rapidité d’évolution, je dirais un an maximum.
— Pardonnez-moi d’insister mais ce sont surtout les minimums qui m’intéressent

En rouvrant la blessure, le vieil homme avait libéré les souvenirs enfouis qui s’échappaient à présent tel un sang impur.

Et puis on ne part peut-être pas faire une croisière sur le Nil mais en Suisse en cette saison, va savoir comment t’habiller? Chaud? Froid? Là-bas, tout est neutre, même le temps.

Sortir d’un repas sans avoir pris le dessert, c’est comme de revenir de la messe sans être allé communier,

Je n’ai jamais aimé mon prénom. Ça fait bonne sœur, Élisabeth, vous ne trouvez pas. C’est étrange tout de même, quand on y réfléchit: Élisa, ça sonne beau, c’est léger, aérien, mais dès qu’on y rajoute Beth, plouf, c’est comme si ça se refermait pour retomber par terre.

L’amour, c’est comme les bonbons, c’est pas en les regardant qu’on les apprécie

Photo : Jet d’eau de Genève

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