Alsterdal, Tove «Femmes sur la plage» (2012)

Alsterdal, Tove «Femmes sur la plage» (2012)

Auteur : Tove Kerstin Alsterdal est née à Malmö d’une famille originaire du nord de le Suède, dans une région frontalière avec la Finlande. Elle est journaliste. Elle écrit des pièces pour une troupe de théâtre, des livres pour la jeunesse, des pièces radiophoniques et des livrets d’opéra. Elle écrit des romans noirs. Femmes sur la plage (Actes Sud, 2012) est son premier roman. Elle publie ensuite « Dans le silence enterré » (Editions du Rouergue en 2015 /Babel 2018) En 2017 sort Tango fantôme, qui a reçu le prix du meilleur roman policier suédois en 2014.

Actes Sud – 05/2012 – 336 pages / Babel noir – 06.2014 – 448 pages

Résumé : A l’aube, Terese, une jeune Suédoise, se réveille sur une plage du Sud de l’Espagne. Elle descend vers la mer en chancelant et trébuche sur le cadavre échoué d’un Africain. A la faveur de la nuit, une femme débarque en cachette dans le port voisin. Elle est arrivée en bateau clandestinement et a été sauvée des vagues. Elle s’appelle Mary, mais plus pour très longtemps. A New York, Ally tente désespérément de joindre son mari, un journaliste célèbre qui travaille en free-lance. Il s’est rendu à Paris pour écrire un article sur l’esclavage moderne et le commerce d’êtres humains. Bravant sa claustrophobie, Ally s’envole pour l’Europe afin de retrouver le père de l’enfant qu’elle porte.

A travers le douloureux destin de trois femmes, Tove Alsterdal interroge nos préjugés les plus ancrés et fouille les zones d’ombre d’une Europe prête à tous les marchandages. De Stockholm à Tarifa en passant par Paris, Prague et Lisbonne, elle signe un thriller troublant qui conjugue les verbes “acheter”, “vendre” et “tuer” à tous les modes.

Mon avis : Une fois de plus je lis un livre qui traite des migrants, de la manière dont on traite les personnes qui s’échouent sur les cotes européennes… une fois encore je suis révoltée et ne peux faire autrement que de pousser un cri d’alarme et de colère…

Trois femmes sont les personnages emblématiques du roman ; Terese, une jeune suédoise de 20 ans en vacances en Espagne, Ally, jeune femme américaine d’origine tchèque, mariée à un reporter américain qui enquête en free-lance sur le trafic d’êtres humains et Mary, jeune africaine rejetée sur une plage du Sud de l’Europe.

De fait c’est principalement une enquête menée par Ally qui part à la recherche de son mari qu’elle considère comme disparu. Il est journaliste d’investigation, à la poursuite du « graal », l’article qui lui permettra d’obtenir le prestigieux prix Pulitzer… Ally va se lancer sur les traces de son mari, affronter tous les dangers, en essayant de rassembler tous les indices laissés par son mari et mener l’enquête qu’il avait lui-même entreprise. Une description du mode d’investigation sur le terrain, des rencontres dangereuses… Elle va avancer en terrain miné, au risque de sa vie (et de celle des autres) et se voir confrontée au monde opaque du pouvoir et de l’argent… Qui triomphera de la vérité ou de la corruption ?

Ce livre ne me laissera pas un souvenir impérissable mais je l’ai trouvé intéressant, plaisant à lire et il a le mérite de traiter de sujets d’actualité. J’ai passé un bon moment. Cela ferait un excellent film d’action.

Extraits :

les journalistes qui savent exactement ce qu’ils cherchent sont dangereux. Ils confirment nos préjugés. Ils ne voient pas la réalité, parce qu’ils ont déjà une idée de ce qu’elle doit être.

Un masque de désespoir, ai-je pensé. Je m’en servirai un jour. Du maquillage qui coule, c’est un être humain en train de s’effondrer. D’abord, le maquillage qui tombe et puis tout le visage et, derrière, un autre visage. Personne n’est ce qu’il semble être. Derrière, il y a encore et toujours un masque, aussi vrai, aussi faux que le premier.

Jamais auparavant, je n’avais partagé de compte bancaire avec un homme. C’était presque plus intime que de partager un lit.

Dans les années 1880, pendant la traite négrière transatlantique, le prix d’un esclave s’élevait à mille dollars, ce qui équivalait à trente-huit mille dollars aujourd’hui. Cela voulait également dire que, de nos jours, on pouvait acheter quatre mille esclaves pour le prix d’un à cette époque-là. Une époque qui était tout de même considérée comme l’une des plus sombres de l’humanité.

Lugus était le nom du dieu gaulois du commerce et des affaires. Il était également le dieu des voyageurs et avait inventé les beaux-arts. C’était tout à fait dans le style des consultants : ils choisissent systématiquement des noms au sens profond mais qui ne veulent absolument rien dire.

il s’agissait d’esclavage, ce qui en termes juridiques n’est pas un crime. C’est plutôt considéré comme un délit, une violation de la loi qui est condamnable mais à un moindre degré. On peut le comparer à offense dans votre système judiciaire. Mais si son histoire est vraie, il peut y avoir des raisons de porter plainte pour violence, privation de liberté et peut-être pour meurtre.

Le mariage, par exemple, est avant tout un concept juridique.
— Certains pensent qu’il s’agit d’amour, ai-je répliqué.

Elle fourrait son front entre ses genoux et priait la déesse Owu, même si elle ne croyait plus aux dieux anciens : c’étaient les esprits des villages et des vieillards, la superstition aussi et la magie qui maintenaient l’Afrique, impuissante, dans le passé.

Je connais beaucoup plus de choses sur la vie amoureuse des stars. Les ragots paient beaucoup plus que la politique, mais la combinaison des deux est imbattable.

C’est comme dans un palais des glaces, ai-je pensé, quelqu’un se cache toujours derrière quelqu’un d’autre et on ne trouve jamais la sortie. Lorsque j’étais petite, je détestais cette attraction dans les fêtes foraines. Ne jamais savoir où se trouvent vraiment les gens ou quelle vision est la bonne. Des visages déformés.

— Une femme aimée par beaucoup d’hommes, mais que personne ne peut avoir, a-t-il dit lentement. Elle vient et repart, comme les saisons.
— Epargnez-moi la poésie, ai-je répondu.
— C’est tiré de Nedjma, un grand roman algérien. Nedjma en est l’héroïne, mais ce nom est aussi symbolique, il veut dire étoile.

Ecoutez, a-t-elle dit, c’est la musique de la nuit. C’est le fado. Ils chantent tout ce qu’ils ont perdu. Elle a laissé sa main voleter en rythme avec la mélodie, des notes mineures se succédant les unes après les autres. C’est la musique des esclaves libérés, des escrocs, des putes et des ruelles. Ça parle tellement à mon âme russe.

A l’époque, l’esclave était un investissement, un bien que l’on gardait pendant des générations. Aujourd’hui, c’est une marchandise éphémère parmi d’autres. Difficile de dire ce qui est le pire. Essayons plutôt d’achever ce que les abolitionnistes ont commencé il y a bientôt deux cents ans : éradiquer l’esclavage de la surface de la terre une fois pour toutes.

 

Infos : Owu : déesse de la mer – « Sirène blanche des étoiles » (aussi appelé Owu Mmiri), groupe qui vénère un esprit des eaux qui [traduction] « apparaît sous forme d’une sirène blanche sortant de l’eau ».  ( voir : http://www.refworld.org/docid/4a717777c.html )

 

One Reply to “Alsterdal, Tove «Femmes sur la plage» (2012)”

  1. Comment cela peut-il encore exister ? Il paraît impensable que de nos jours l’on puisse encore traiter l’humain comme une marchandise et pourtant ce roman est malheureusement toujours tellement d’actualité. J’en ai froid dans le dos.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *