Mankell, Henning «Les bottes suédoises» (2016)

Mankell, Henning «Les bottes suédoises» (2016)

Auteur :  Henning Mankell, écrivain engagé, mobilisé par les enjeux de solidarité et de justice, a partagé sa vie entre la Suède et le Mozambique, où il dirigeait à Maputo la troupe du théâtre Avenida, « la passion de sa vie ». Outre la célèbre série policière « Wallander », il est l’auteur de romans sur l’Afrique et sur des questions de société récompensés par de nombreux prix littéraires, de pièces de théâtre et d’ouvrages pour la jeunesse : L’Œil du léopard, Seuil, 2012 ((sv) Leopardens öga, 1990), trad. Agneta Ségol et Marianne Ségol-Samoy.

Voici ses romans adulte autres que la série Wallander :  Comédia infantil, 2003 – Le Fils du vent, 2004 – Le Retour du professeur de danse (polar/2006)-  Tea-Bag, 2007 – Profondeurs, 2008 – Le Cerveau de Kennedy, 2009- Les Chaussures italiennes, 2009 – L’Œil du léopard (2012) –  le Chinois (polar/2012) Un paradis trompeur, 2013 – Daisy Sisters, 2015 – Sable mouvant : Fragments de ma vie, (2015) – Les Bottes suédoises, (2016 )

Henning Mankell est mort à Göteborg le 5 octobre 2015 à l’âge de 67 ans.

Seuil – 18.08. 2016 – 356 pages /Point poche 1.6.2017 – 384 pages

Résumé : Fedrik Welin, médecin à la retraite, vit reclus sur son île de la Baltique. Une nuit, une lumière aveuglante le tire du sommeil. Au matin, la maison héritée de ses grands-parents n’est plus qu’une ruine fumante. Réfugié dans la vieille caravane de son jardin, il s’interroge : à soixante-dix ans, seul, dépossédé de tout, a-t-il encore une raison de vivre ? Mais c’est compter sans les révélations de sa fille Louise et, surtout, sans l’apparition d’une femme, Lisa Modin, journaliste de la presse locale.

Tandis que l’hiver prend possession de l’archipel, tout va basculer de façon insensible jusqu’à l’inimaginable dénouement. Après l’immense succès des Chaussures italiennes, auquel il fait suite, Les Bottes suédoises brosse le portrait en clair-obscur d’un homme tenaillé par le doute, le regret, la peur face à l’ombre grandissante de la mort – mais aussi la soif d’amour et le désir -, d’un être amené par les circonstances à revisiter son destin et à reprendre goût à la vie.

Par une nuit d’automne, sa maison a brûlé. Il a soixante-dix ans et plus grand-chose à quoi se raccrocher : une vieille caravane, un petit bateau et une seule botte suédoise en caoutchouc. Reclus sur son île, a-t-il encore une raison de vivre ? L’hiver de la Baltique lui en offrira deux : sa fille, porteuse d’un secret, et une belle et énigmatique journaliste qui ranime sa soif d’amour…

Tel est l’ultime roman de Henning Mankell : une œuvre d’une sobriété élégiaque et poignante, traversée et portée par la beauté crépusculaire des paysages.

Le présent récit est la suite indépendante du roman Les Chaussures italiennes.

Mon avis : J’avais eu un gros coup de cœur pour « les chaussures italiennes ». C’est avec un pincement au cœur que je viens de refermer « Les bottes suédoises » une suite qui met un point final à l’œuvre romanesque de cet auteur, décédé quelques mois après avoir mis le point final au roman. Un livre sur le temps qui passe, sur la vieillesse qui se fait plus présente. J’ai retrouvé avec émotion Fedrik Welin, sur son île. Cette île qui était tout pour lui, sa maison familiale dans laquelle avaient habité ses grands-parents, ses souvenirs. Dès les premières lignes, tout vole en éclats. La maison est la proie des flammes et Fedrik Welin manque être brulé vif. Il ne lui reste plus rien.  Quand il devient certain que cet incendie est criminel, le doute et l’incompréhension s’installent. Qui pourrait en vouloir à ce vieux medecin à la retraite, bien intégré bien que pas totalement local… La solidarité des habitants est totale, personne ne comprend ce qui a pu se produire. En plus des locaux, deux personnages de femme sont présents dans le livre. Deux femmes bien mystérieuses : une journaliste sur laquelle il va focaliser et dont il va rêver de faire son dernier amour et sa fille, qu’il ne connait pas beaucoup et qui va débarquer. Elle se révèlera plutôt encombrante, mais c’est la famille qui lui reste…

A 70 ans , seul et sans toit, il va lui falloir trouver des raisons de vivre et de mettre un pied devant l’autre … sinon autant se laisser couler… Quand en plus le habitants qui étaient ses repères disparaissent …

Un livre sur la disparition, la mort, l’amitié, le doute, l’amour, la fidélité, la filiation, l’espoir.. Un livre dramatique, tragique, dans un environnement de fin du monde, de fin de vie… non d’automne de la vie… alors il faut s’accrocher, vivre, aimer, et attendre des bottes pour pouvoir remettre un pied devant l’autre…  Un livre qui est aussi magnifique du point de vue descriptif : tant les personnages que les paysages sont rudes, colorés, déchainés, difficiles à apprivoiser et appréhender..

Comme il ne lui reste rien… mis à part deux bottes du même pied, on va lui prêter une botte dépareillée… et il va commander une paire de bottes symboliques pour continuer à avancer… encore faut-il que ces fiches bottes arrivent…  Pour  la symbolique de la chaussure italienne.. je vous laisse lire le livre, que je recommande à tous ceux et toutes celles qui ont aimé le précédent.

Extraits :

… un hypocondriaque professionnel. Pratiquement son deuxième métier.

Je regardais simplement ce spectacle irréel qui se déroulait sous mes yeux. Mon cœur battait à se rompre, prêt à exploser dans ma poitrine. L’incendie se déchaînait autant en moi qu’au-dehors.
Le temps lui-même avait fondu dans le brasier.

Comme si une maison pouvait se saborder elle-même à force de vieillesse, de fatigue, d’ennui.

Toute ma vie, j’ai eu des cachettes dont personne n’a jamais soupçonné l’existence ; mais aucune n’a été aussi parfaite que le sommeil.

Je contemplais ma maison disparue. En la fixant du regard suffisamment longtemps, il me semblait que je réussirais à la recréer, intacte, au-dessus des décombres.

L’incendie de ma maison avait détruit quelque chose en moi. Les êtres humains ont, eux aussi, des poutres qui les font tenir, et qui peuvent se briser.

Allongé dans le noir, j’ai senti combien j’étais épuisé. Je n’avais même pas l’énergie de m’inquiéter pour le lendemain. L’incendie avait consumé toutes mes forces.

Le vieillissement était une nappe de brume qui approchait en silence.

On a parlé de la météo de l’automne. Si on avait été au printemps, on aurait parlé de la météo du printemps. C’est incroyable le nombre d’heures que j’ai pu passer dans ma vie à parler météo avec les uns et les autres.

Un chat qui appartient, je crois, à l’épicerie se promenait sur le quai. Sa présence renforçait ma sensation d’isolement. Le port était comme un cimetière de souvenirs d’été.

Son perpétuel souci de se rendre utile et de faire plaisir aux uns et aux autres masque en réalité sa crainte d’être rejeté.

Elle est comme sa mère : quand elle se sent en tort, elle cherche à déstabiliser l’autre en prenant les devants et en déviant la conversation dans le sens qui l’arrange.

J’étais incapable de ressentir la joie sans mélange que j’aurais dû, me semblait-il, éprouver. Cela m’inquiétait. Pourquoi mes propres émotions me pesaient-elles autant ?

– En fait, on n’a pas besoin de montre. La vie ne se laisse pas mesurer, de toute façon.
– Ce n’est pas la vie qu’on mesure. C’est le temps.

Voilà à quoi ressemble le monde, ai-je pensé confusément. Partout des gens qui se détournent.

Vieillir, c’est s’aventurer sur une glace de moins en moins solide.

Je n’ai pas peur de la mort. La mort signifie qu’on est libéré de la peur. C’est la liberté même.

La proximité de la mort transforme le temps en un élastique tendu dont on craint sans cesse qu’il ne se rompe.

Un rivage est chose indéterminée, fluctuante, mobile. Il en va de même pour la fiction. Un récit entretient parfois, de loin en loin, une ressemblance avec la réalité. Cela n’annule pas la différence entre ce qui s’est produit et ce qui aurait pu se produire. (Henning Mankell – Antibes, mars 2015)

 

 

 

One Reply to “Mankell, Henning «Les bottes suédoises» (2016)”

  1. La mort est un vieux compagnon de route, dont la présence s’accroît avec les années qui coulent au sablier fatal. C’est simplement l’idée de la présence qui devient plus perceptible.
    Plus on marche vers elle, plus on se sent tel un fildefériste au-dessus d’un ravin. Surtout qu’il est toujours des enterrements d’amis d’enfance pour nous rappeler que le décompte final est enclanché, malgré de dérisoires tentatives pour nous affranchir de cette réalité physiologique.
    On dit que les enfants sont des miroirs de mort. Ce sont surtout les parents, les oncles et tantes, qui nous offrent un aperçu du futur probable. Les enfants ne font que rappeler un passé révolu.
    Je ne crois pas que je lirais ce roman : non pas que le sujet ne soit intéressant. Simplement, je n’ai pas besoin de m’ancrer plus encore dans l’esprit l’idée de la mort qui approche.

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