Quiriny, Bernard «L’affaire Mayerling» (2018)

Quiriny, Bernard «L’affaire Mayerling» (2018)

Auteur :  né le 27 juin 1978 à Bastogne, est un écrivain belge, docteur en droit, critique et professeur universitaire de droit à l’université de Bourgogne. Critique littéraire, Il écrit pour la publication Chronic’art, dont il est le responsable des pages livres.
En 2005, il publie L’Angoisse de la première phrase. En 2008, il remporte le prix Marcel Thiry, le prix Rossel et le Prix du Style  pour Contes carnivores. En 2010 il publie Les Assoiffées, Il remporte le grand prix de l’Imaginaire de la meilleure nouvelle francophone pour son recueil Une collection très particulière  (2012) (prix Premio Salerno Libro d’Europa). Suivent : Monsieur Spleen, notes sur Henri de Régnier suivi d’un Dictionnaire des maniaques en 2013, Le Village évanoui en 2014, Histoires assassines en 2015 et L’affaire Mayerling en 2018 .

Son œuvre, en particulier ses nouvelles, est souvent comparée aux nouvelles fantastiques de Jorge Luis Borges, d’Edgar Allan Poe et de Marcel Aymé.

Rivages – 03.01.2018 – 270 pages

Résumé : Qu’arrive-t-il aux habitants du Mayerling ? Cette résidence neuve de haut standing, aux occupants triés sur le volet, est une promesse de sérénité à laquelle succombent de nombreux acheteurs dans la ville de Rouvières. Mais derrière ses portes protégées par les digicodes, la vie se dérègle peu à peu. Les conflits et les accidents se succèdent. Les Lemoine, jeune couple dynamique, s’entre-déchirent.
La très pieuse Mme Camy se retrouve nymphomane. M. Paul rêve d’assassiner les bruyants locataires de l’étage supérieur. Une odeur pestilentielle s’échappe du logement de Mine Meunier. Et Mme Chopard voit le fantôme de sa mère… Hanté par je ne sais quel démon, le Mayerling aurait-il décidé d’en finir avec ses habitants ? De situations cocasses en dérapages absurdes, le narrateur retrace le naufrage d’une communauté aux tensions exacerbées.
Ce roman drôle et glaçant nous livre avec brio une satire de l’urbanisme contemporain. Héritier survolté de La Vie mode d’emploi de Perec et de La Trilogie de béton de J. G. Ballard dresse le portrait d’une société prisonnière de ses rêves de béton.

Bernard Quiriny peint dans un savoureux roman la vie mouvementée des habitants d’un immeuble.  Quand un mystérieux groupe immobilier parvient à racheter « le petit manoir » de la rue Mayerling dans le centre-ville, c’est la surprise générale dans la petite ville de Rouvières. Le chantier démarre : la vieille maison est démolie et « le Mayerling », résidence de standing, ne tarde pas à sortir de terre. L’ennui, c’est que, sous ses apparences cossues, le Mayerling est un immeuble de piètre qualité : un assemblage de clapiers en béton mal insonorisés, mal finis, où les voisins sont autant d’ennemis. Surtout, ces habitants ne tardent pas à découvrir que le Mayerling n’est pas du tout un immeuble ordinaire… Ce roman, aussi drôle que grinçant, offre une satire de l’urbanisme qui saccage l’environnement, de la promotion immobilière et du bétonnage à tout crin.
De situations cocasses en dérapages incontrôlables, le narrateur retrace avec beaucoup d’humour le naufrage d’une communauté de voisins aux tensions exacerbées.

Mon avis : Bien vu le nom de « Mayerling ». Pavillon de chasse de la famille impériale mais c’est un lieu de drame ! Un nom qui sonne bien, pour une résidence de prestige : juste ce qu’il faut pour appâter le gentil petit couple qui cherche à devenir propriétaire. Ahhh! devenir propriétaire… quelle aventure!

Ce roman va vous faire sourire, sourire jaune aussi. On savait décoder les petites annonces pour location des appartements, place à la promotion immobilière et aux joies de la vie en communauté… Beaucoup d’humour mais une réalité pas si rigolote que cela évoquée par l’auteur : les méfaits de l’urbanisme)

Un immeuble va voir le jour après le « meurtre » d’un joli petit cottage… Pour le plus grand bonheur de 5 étages de co-propriétaires. Avec les vices de construction de toutes sortes, les querelles de voisinage, les responsables qui mettent la clé sous la porte et les propriétaires qui ne peuvent plus se supporter. Le livre va commencer par dépeindre la réalité, puis l’histoire va virer au cauchemar, à l’horreur, au fantastique et au surréalisme ! L’auteur va d’ailleurs faire référence à plusieurs romans/films avec les immeubles comme personnages principaux (I.G.H., roman de James Ballard – Le Locataire chimérique. Célèbre roman de Roland Topor (1964) adapté par Roman Polanski (1976) et moi j’y rajoute l’Immeuble Yacoubian de Alaa al-Aswany (2002) .

La difficulté du vivre ensemble dasn toute sa splendeur ; une micro-société qui s’épie et se déteste. Les plus riches dans les étages supérieurs…

Au fil des pages, la lutte va s’organiser : habitants contre immeuble. Joli cas d’anthropomorphisme : le complexe immobilier qui devient l’ennemi qu’il faut abattre, l’entité qui respire, vibre et détruit le microcosme social qui l’a envahi. Qui aura le dernier mot ? Que va-t-il se passer ? je vous laisse le découvrir. La folie va-t-elle gagner ?

Ah le joli rêve de devenir propriétaire… Certes mais attention, derrière de jolies images et promesses publicitaires, le cauchemar peut se profiler… Vous vous souvenez du sketch de Muriel Rubin « La Réunion de chantier » ? je n’ai pas pu résister à l’envie de le revoir…

C’est le deuxième livre de cet auteur que je lis et j’aime beaucoup. Très original. ( voir article sur Le Village évanoui )

Extraits :

Les annonces pour les programmes immobiliers sont un genre en soi, codifié subtilement.

les noms des immeubles en projet, toujours chic et ronflants. Jardins de ceci. Terrasses de cela. Cour, clos, villa. Souvent, on dirait des noms de voiture : Anthinéa, Exclusive, Sérénissime.

De même que tout est aujourd’hui de standing, tout sera demain d’exception. Il faudra inventer autre chose.

Architecte, conducteur de chantier, juristes, secrétaires, commerciaux, tout le monde est sur le pont. Je compare cette phase du projet à un sommeil léger. Le terrain paraît ensommeillé, mais en fait il rêve. Il rêve du bâtiment qui va surgir là, des beaux contrats de vente que signera bientôt le promoteur, des bénéfices que tout cela va occasionner.

un client, comme une pomme, finit toujours par tomber ; il suffit d’attendre qu’il soit mûr.

« du grand standing au standing tout court » ; Daninos ajoute : « On ne dit pas petit. »

Certains spectateurs, le soir, repenseraient devant leur dîner à cette démolition, avec l’impression bizarre d’avoir assisté à un meurtre.

On peine à le croire, mais c’est vrai : il existe un trafic de sable, au même titre que le trafic d’armes ou de drogue.

Des fenêtres horizontales, symboles d’une civilisation d’hommes couchés.

L’avantage des cloisons très fines dans les immeubles modernes, c’est qu’on a deux discothèques pour le prix d’une : la sienne et celle du voisin. Hélas, jamais deux voisins n’ont les mêmes goûts, ni l’envie d’écouter leur musique au même moment.

« Un mot me vient quand je regarde une ville, c’est “empilement”. (“Entassement” conviendrait aussi.) Empilement d’humains dans des boîtes, comme on empile les objets dans des containers pour qu’ils traversent la mer.

Les villes sont le gouffre de l’espèce humaine. »
– De qui est-ce ?
– Rousseau.

Les urbanistes ne valent pas mieux. D’ailleurs, ce sont souvent les mêmes. Ils s’en vantent, et se proclament “architecte-urbaniste”, comme on dirait violeur-assassin. On les pendra deux fois. »

« Le voisin dans un immeuble équivaut à l’acouphène. Impossible de s’en débarrasser, il est à l’intérieur.
Comme l’acouphène, le voisin rend fou. »

 

Autres romans du style cités :

  • G.H., roman de James Ballard, classique des classiques – l’un des rares romans dont on puisse dire, en fait, qu’un immeuble est son personnage central.
  • Le Locataire chimérique. Célèbre roman de Roland Topor (1964) adapté par Roman Polanski (1976), […] Oppressant, paranoïaque, ce roman mélange un argument fantastique avec une satire de l’habitat-prison, où chacun surveille les autres et récrimine.

 

 

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