Salem, Carlos « Un aller simple» (2010)

Salem, Carlos « Un aller simple» (2010)

Auteur : Carlos Salem, né en 1959 à Buenos Aires, a multiplié les petits boulots après ses études de journalisme. Installé en Espagne depuis 1988, il vit aujourd’hui à Madrid. Son œuvre est disponible en France chez Actes Sud.
Ses romans : Aller simple – Nager sans se mouiller – Je reste roi d’Espagne – Un jambon calibre 45 – Japonais grillés (Recueil de cinq nouvelles ) Le Plus Jeune Fils de Dieu – Attends-moi au ciel –

Résumé  : Lorsque Dorita, la tyrannique femme d’Octavio, succombe dans un hôtel marocain où le couple passait des vacances, c’est pour lui un mélange de panique et de soulagement. Il est débarrassé de sa harpie, mais ne va-t-on pas l’accuser de meurtre ? Tandis qu’il se pose ces questions en éclusant des vodkas, Soldati, un Argentin chanteur de tango amateur, vendeur de glaces dans le désert et escroc à ses heures, déboule dans sa vie. Ensemble, ils croiseront la réincarnation de Carlos Gardel bien décidé à éliminer Julio Iglesias qui ose interpréter ses tangos, mais aussi une équipe de cinéma qui a perdu le nord, un réalisateur qui tourne un film sans pellicule, une bande de tueurs boliviens, un prix Nobel qui n’a jamais écrit un seul livre, des hippies figés dans le temps et des footballeurs planants… Octavio, brave type introverti, flanqué de ses étranges compagnons, va se révéler un autre homme… Aller simple est un roman initiatique délirant, une épopée hilarante et émouvante ponctuée de rebondissements saugrenus et de dialogues à la Monty Python. Un chef-d’oeuvre d’humour et de dérision.

Mon avis :   Sous le road movies et la dérision, une pléiade de références à l’Argentine.. A part Carlos Gardel, le livre est émaillé de clin d’œil. Evita (petit nom donné à la voiture), Borges (Jorge Luis est le nom du chat). Soldati est un businessman argentin. Bien évidemment le foot est à l’honneur car c’est une des passions argentines. Sous le rire et l’absurde, la vie.. la nostalgie de la jeunesse.. L’enfant en lui qui renait, qui voit qu’il est passé à côté de sa vie et engeule l’adulte.. Plus il s’éloigne du carcan dans lequel il a vécu (boulot, femme, enfants) et s’enfonce dans le désert, plus les vraies valeurs ressortent. Tout comme dans « je reste roi d’Espagne », le passé est toujours présent ; le concept de « Rétroviseur » est là, pas comme personnage cette fois (le devin qui lisait le passé) mais comme pièce de la voiture qu’on arrache pour pas voir ce qui est derrière. On retrouve ici le Carlos Salem poète et nostalgique, qui regrette que la noirceur du présent ait tué les rêves du passé. C’est encore et surtout une incitation à avancer, à vivre, dans ce monde ou la vie est dure …

Extraits:

« Il cherche un bouclier, quelque chose qui le délivre de sa peur, et c’est un sourire qui surgit »

« Carlitos oublie toute pudeur et laisse aller sa voix, qui est le vent, qui est la pluie »

« Une voix lointaine prononça quelque chose que je ne compris pas, dans une langue qui sonnait comme des feuilles sèches qu’on piétinerait »

« — Aucune femme ne vous a jamais laissé ? — Non, elle ne m’a jamais laissé rien faire »

« Vous ne savez toujours pas, à votre âge, que la vie est un aller simple ? »

« On ne peut pas changer l’avenir et le passé n’est pas si mal. Il est quelqu’un, et pour certains, il est tout »

« Il me demanda où j’allais et je lui dis que j’allais, c’est tout, parce que c’était la vérité »

« On ne peut pas être en fuite tout le temps, parce que si personne ne vous cherche, où est l’intérêt, le risque, vous comprenez ? Alors, on finit par se dire que tout le monde se fout de vous retrouver ou pas, et la cachette, au lieu d’être une libération, devient une prison. «

« Les rêves ne meurent jamais, Octavio, mais on les endort »

« j’avais besoin que quelqu’un décide pour moi, non pas quelle direction je devais prendre comme le faisait Dorita, mais dirige juste mes premiers pas et me donne un coup de main quand le moteur s’enrayerait sur le chemin du doute. »

« Finalement, je savais ce que c’était que perdre les matchs avant même d’avoir commencé à les jouer »

« Cette pensée ne me déprima pas, parce que je savais que tout n’était qu’un mirage circulaire : nous n’avancions pas, parce qu’il n’y avait nulle part où aller »

« J’ai cru qu’elle allait se mettre à pleurer, mais ses yeux étaient secs, toute larme les avait abandonnés depuis longtemps. Ils vous transperçaient sans chaleur, ils vous brûlaient sans feu. Ils voyaient devant et derrière en même temps »

« Nous avons besoin de mythes humains, mais nous nous plaisons à les lapider dès qu’ils sont à notre portée »

« Le chat se coucha en rond à côté de moi et m’offrit le ronronnement de son petit moteur de tendresse élémentaire. »

« Un matin, nous arrivâmes à la mer. Son parfum se fit sentir bien avant, mais notre odorat ne pouvait nous préparer à l’immensité de sa présence. Cela arriva à la sortie d’un tournant. Elle nous explosa à la figure avec son bleu éternel »

« Il n’y a pas de pire nostalgie que celle qui nomme ce qu’on ne retrouvera jamais. »

« L’important c’est d’aller, de faire, de rire, de pleurer, de vivre. Ce sont des verbes, de l’action. Si tu te trompes, tant pis. Mais si tu ne décides pas par toi-même, la chance, bonne ou mauvaise, te sera toujours étrangère. Tu comprends ? On ne peut pas vivre en accusant toujours les autres de son malheur, parce qu’être malheureux, c’est aussi un choix, mais un choix de merde. »

« Et qu’est-ce que je fais de mes peurs ? demanda-t-il. — Tu les avales, tu les digères, et un beau jour tu apprendras à chier dessus. »

« Quand est-ce que tu arrêteras de demander tout le temps pardon ? — Tu crois que j’y arriverai ? demandai-je, alors que le bateau s’éloignait »

« La mémoire est un préservatif qui nous protège du passé, mais qui finit toujours par crever »

« S’il y avait un moyen d’arrêter le temps, de l’acheter pour qu’il passe au large. La vieillesse, ce n’est pas le pire, se dit-il. Le pire, c’est le silence »

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