Salem, Carlos « Attends-moi au ciel » (04.2017)

Salem, Carlos « Attends-moi au ciel » (04.2017)

Titre original : « Muerto el perro »

Auteur : Carlos Salem, né en 1959 à Buenos Aires, a multiplié les petits boulots après ses études de journalisme. Installé en Espagne depuis 1988, il vit aujourd’hui à Madrid. Son œuvre est disponible en France chez Actes Sud.
Ses romans : Aller simple – Nager sans se mouiller – Je reste roi d’Espagne – Un jambon calibre 45 – Japonais grillés (Recueil de cinq nouvelles ) Le Plus Jeune Fils de Dieu – Attends-moi au ciel – La Dernière Affaire de Johnny Bourbon

Résumé : Quand Piedad de la Viuda, une femme séduisante et dévote au seuil de la cinquantaine, s’éveille ce lundi-là, elle ignore que sa vie va basculer à jamais. Un mois plus tôt, Benito, son époux, dont le succès dans les affaires doit tout à la fortune de sa belle-famille, est décédé dans un accident de voiture. Fille de paysans enrichis, Piedad a vécu une existence oisive, marquée par la piété héritée de sa mère, les aphorismes de son père et les boléros qui ont bercé son enfance. Brusquement, elle s’aperçoit que son mari n’était pas celui qu’elle croyait : des années durant il a détourné de grosses sommes, et s’apprêtait à s’enfuir avec sa jeune maîtresse. Et sa mort ne serait pas accidentelle. Ébranlée par ces révélations, Piedad se donne pour mission de sauver l’entreprise familiale, lourdement endettée, et de récupérer la centaine de millions d’euros cachée par Benito, aidée en cela par les messages – truffés d’allusions bibliques – que lui a laissés ce dernier avant sa mort.
Encore faut-il pouvoir les déchiffrer… et échapper à ceux qui entendent eux aussi mettre la main sur cet argent.
Pour découvrir la vérité, sauver son patrimoine – et sa peau ! –, Piedad la bigote va devoir s’aventurer dans les bas-fonds madrilènes.
Et devenir, en l’espace d’une folle semaine, une femme fatale et une meurtrière.
Avec Attends-moi au ciel, Carlos Salem signe un nouveau polar déjanté, sensuel et burlesque. Pas très catholique.

 

Mon avis : Jubilatoire, comme toujours ! Explosif, tonique, déjanté… Idéal pour débrancher du quotidien… Un chouette pétage de plombs dans la joie et la bonne humeur. Je pense que ce livre va aussi beaucoup plaire au lectorat féminin, peut-être plus que les précédents livres de cet auteur.

Quand tu as pour nom « Piété de la Veuve… » ce n’est pas le pied. Quand tu te réveilles un lundi matin, à l’aube de tes cinquante ans, veuve, et que tu te rends compte que ton mari allait te planter là pour une jeunette, que tu es sur le point d’être ruinée, que ta meilleure amie se tapait ton mec… Deux solutions : soit tu te laisses couler, soit tu te secoues… Et bien Piedad, elle va se secouer, se réveiller… Et pas qu’un peu… Elle va exploser, et se libérer à tous les niveaux… Violence, sexe, sensualité…

Elle qui avait une vie rythmée par les boléros (air de musique) et les proverbes/citations va se rebeller, chercher à comprendre, utiliser ses compétences et son intelligence pour retrouver sa fortune, sauver son entreprise, s’envoyer en l’air, tomber amoureuse , VIVRE et JOUIR DE LA VIE. Elle et sa petite voix intérieure vont avancer main dans la main ; la Piedad de toujours, qui ne mouftait pas et qui était bien comme il faut et l’autre, le volcan qui se réveille, qui se dévergonde et qui s’éclate, explose les conventions et vit dans l’excès. Les deux faces de la même femme, qui luttent, se parlent, se complètent, se substituent… Et à elles deux , les 2 Piedad, elles vont remettre de l’ordre dans cette vie qui part en lambeaux…Et tous les autres personnages qui gravitent autour de Piedad sont savoureux, jouissifs…

Quand à l’écriture.. que dire .. Le Salem est un cru qui se reconnaît, à la saveur inimitable…

C’est parti pour le jeu de piste, l’enquête..  J’ai adoré!!!

Extraits :

“L’argent est fait pour être dépensé, et la femme pour être touchée.”

“Le travail acharné n’est que le refuge des gens qui n’ont rien d’autre à faire.” Oscar Wilde, je crois.

“Une vie oisive est une mort anticipée”, aurait dit papa en citant Goethe

“Une veuve ruinée ne baise même pas avec le jardinier.”

un pendule qui oscille entre celle de Toujours et celle de Jamais

Les centaines de livres demeurent aussi fermés que des lèvres de pierre, pourtant je jurerais entendre les voix des sages de toutes les époques murmurer leurs aphorismes à mon oreille.

Et il voulut être poète, lui bâtir un palais de mots, lui expliquer en quelques phrases ce que Descartes, Shakespeare et Lope de Vega pensaient de l’amour, fonder un empire infini afin que personne ne posât le pied où elle posait le sien.

C’est la sonnette de l’entrée, insistante, comme pressée de m’apporter d’autres mauvaises nouvelles.

Quand vous avez un mari qui voyage beaucoup et que votre éducation vous interdit de sortir seule, la lecture est une occupation acceptable

Il m’y dépose aussi délicatement que si j’étais faite de givre.

Je ressens un curieux soulagement à remplir les blancs de leur histoire et j’aimerais continuer à évoquer les épisodes que je connais et à exhumer ceux qui sont restés trop longtemps enfouis, mais comme toujours, le film s’accélère, saute des scènes et des décennies […]

“S’il y a de la misère, qu’elle ne se remarque pas.” C’est ce que disait toujours l’un de mes amants…
— Un vrai philosophe, ton ami.

Dans ce restaurant hors de prix, les portions des plats mystérieux dont le nom prend quatre lignes sur la carte occupent quinze pour cent à peine des énormes assiettes design.

J’ai commencé à espacer mes visites car j’avais découvert que j’étais diabétique, et toute cette douceur sucrée que dégageaient ces deux-là me rendait malade.

Comme disait Graham Greene, “le danger est le grand remède contre l’ennui”.

si un jour tu décides de vendre ton cerveau, tu te feras un paquet de fric parce qu’il n’a jamais servi.

Comme dit le sage proverbe arabe : “On ne se repent guère du silence, et l’on se repent maintes fois d’avoir parlé”…

Celui-là est un petit Moleskine à couverture noire et feuilles blanches. Sans lignes. Encore mieux. J’ai toujours suivi des lignes sans jamais pouvoir en écrire une seule de ma propre vie.

Je m’éveille à l’aube en songeant que j’ai enfin compris ce que Dante voulait dire par septième ciel, même si je dois avouer qu’après le quatrième j’ai cessé de compter

Et le seul luxe que je ne peux pas me permettre, c’est le ridicule.

j’ai besoin de vider seule la petite bouteille de ma vie, pour m’expliquer pourquoi elle s’est déroulée comme ça. Ou pourquoi elle ne s’est pas déroulée.

Mais j’ai fini par apprendre que la satiété est une sensation éphémère et que la mémoire de la faim, dès lors que l’on a conscience d’en avoir souffert, est infinie.

La lumière de l’aube s’insinue par la fenêtre de la chambre comme une invitée qui sait qu’elle n’est pas la bienvenue. C’est une lumière timide, vacillante et lente.

Des journées comme celles-là, ça existe dans les livres, mais je n’en avais jamais vécu. Des journées où l’on sait que tout va nous réussir, parce qu’on a décidé qu’il en serait ainsi.

des filles et des garçons qui marchent la tête baissée, comme des pénitents, alors qu’en réalité ils rendent un culte à la communication instantanée sur leur portable

beaucoup de jeunes femmes fragiles qui voyagent seules, comme si elles savaient déjà qu’une femme voyage toujours seule dans la vie même lorsqu’elle a, à ses côtés, un homme qui prétend la protéger.

Drôle d’expression, non ? On nous apprend que réussir sa vie vaut “la peine”, plutôt que la joie…

 

Info : Pour en savoir plus sur les « Cronopes » : Cronope est une notion créée par l’écrivain argentin Julio Cortázar (1914-1984). Les cronopes sont des êtres verts et humides, selon ce qui est imaginé par l’auteur du roman « Marelle », qui n’a jamais donné trop de détails sur l’apparence physique de ces personnages.
La première fois que Cortázar a utilisé le terme, ce fut dans un article publié en 1952, lorsqu’il a passé en revue un concert que Louis Armstrong a donné à Paris. L’auteur a eu l’idée quand, au Théâtre des Champs-Élysées, il a eu une vision de globes verts flottants autour de la salle.
Le concept des cronopes est resté dans l’esprit de Cortázar, qui a écrit une série d’histoires et de poèmes avec ces personnages en tant que protagonistes apparus dans le livre « Cronopes et Fameux », publié en 1962.
Selon ce qui ressort des textes, les cronopes sont des créatures idéalistes, sensibles et naïves. De cette façon, ils se distinguent des autres êtres imaginés par l’écrivain, comme les Fameux (prétentieux et formels) et les Espoirs (ennuyeux et ignorants).
Cortázar a tenu à préciser que le terme cronope n’a rien à voir avec le temps, ce qui pourrait être déduit du préfix crono (« chrono »). En fait, l’argentin a dit que c’était un mot qui lui était venu en tête et qui lui avait semblé opportun pour nommer ces êtres ainsi.
Au fil des ans, aussi bien Cortázar que ses amis et disciples ont commencé à utiliser la notion de cronope en tant qu’adjectif ou titre honorifique appliqué aux personnes qu’ils admiraient. Hors, Cortázar est souvent appelé comme Le Cronope Majeur.

Lire: Définition de cronope – Concept et Sens http://lesdefinitions.fr/cronope#ixzz4gJiFECjD

 

6 Replies to “Salem, Carlos « Attends-moi au ciel » (04.2017)”

  1. Bien sûr que j’ai envie de le lire .J’ai lu :Japonais grillés ,j’ai bien aimé la douce folie de ce livre . Beau commentaire comme toujours Catherine .

  2. On n’est jamais déçu avec Salem quand on aime le style. C’est réjouissant et irrévérencieux, ça fait donc du bien. Et il y a dans ce roman-ci un personnage qui revient de « Aller simple », en dehors de Carlos Gardel qui semble beaucoup plaire à l’auteur…

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