Piñeiro, Claudia «A toi» (2015)

Piñeiro, Claudia «A toi» (2015)

Auteur : Claudia Piñeiro est née en 1960 à Burzaco, dans la province de Buenos Aires. Elle est romancière, dramaturge et auteur de scénarios pour la télévision. Elle est publiée chez actes Sud : Les Veuves du jeudi (2009 – récompensé par le prix Clarín), Elena et le roi détrôné (2011), Bétibou (2013), À toi (2015). Une chance minuscule  est sorti en mars 2017

Acte Sud – Avril 2015 – 176 pages (traduit de l’espagnol (Argentine) par Romain Magras) / Babel 1448 – mars 2017 – titre original « Tuya »-

Résumé : Un coeur dessiné au rouge à lèvres, transpercé d’un “je t’aime” et signé “À toi”. Il n’en faut pas davantage à la perspicace Inés pour découvrir que son mari la trompe, puisque, bien sûr, À toi ce n’est pas elle…
Drapée dans sa dignité, elle sauve les apparences mais n’en exerce pas moins une vigilance active. C’est ainsi qu’elle surprend une conversation téléphonique sans équivoque et décide de filer discrètement le mari volage. Elle assiste alors impuissante (et soulagée ?) à l’assassinat d’À toi par les mains de son doux et, d’ordinaire du moins, si prévisible Ernesto qui vient de se défaire de sa secrétaire. Et l’auteur de déployer un thriller tragicomique addictif, avec une femme au bord de la crise de nerfs, prête à toutes les audaces pour éviter l’humiliation publique des femmes bafouées. Surtout ne jamais ressembler à sa pitoyable mère.
Pendant qu’elle sillonne la ville de Buenos Aires, sanglée dans un ravissant tailleur de soie beige, subtilisant sans vergogne des pièces à conviction ou interrogeant habilement de présumés témoins qui n’ont rien vu, sa fille adolescente semble de bien méchante humeur. Se pourrait-il qu’elle ait des soucis autrement plus préoccupants?
Un portrait au vitriol des vicissitudes de la vie domestique dans la classe moyenne argentine.

Mon avis : J’ai beaucoup aimé , tout comme j’avais apprécié  Une chance minuscule . Un roman noir argentin avec beaucoup d’humour que j’aime bien. C’est  une description décapante de la femme mariée pour qui le qu’en-dira-t-on est très important. L’Importance des  apparences : la famille idéale, un couple marié depuis plus de 20 ans, une fille de 17 ans. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Sauf que… Le mari semble bien être infidèle, la fille n’est pas si parfaite que ça et elle trouve que ces parents sont des crétins ringards. Quand Inès découvre qu’il y a une femme dans la vie de son mari, elle va tout faire pour ne pas y croire. Lui trouver des excuses, se cacher la vérité et faire surtout en sorte de le cacher aux autres. Non mais, elle aurait l’air de quoi ? Manquerait plus qu’il la quitte! Pas sûre qu’elle s’y prenne de la meilleure des manières pour interpréter ce qu’elle refuse de voir et tout régler à sa façon. C’est ironique, il y a des scènes drôles et il y a aussi une dimension psychologique en toile de fond. C’est comique et tragique à la fois et c’est un constat implacable sur la manière de réagir et de penser de la classe moyenne.

Extraits :

Dans les accidents, il n’y a pas de coupables, il n’y a que des victimes. Et, dans cet accident, des victimes, il y en avait deux.

Car, dans un couple, se ménager doit être une préoccupation de tous les jours, sinon, le quotidien vous tue.

J’ai rêvé que, pour mon anniversaire, tu m’offrais un blouson rouge foncé, celui que j’adore et qu’ils vendent dans la boutique 3, au rez-de-chaussée des Galerías Pacífico. Si tu savais, c’était un rêve magnifique. Taille 42.

Elle a toujours été très rigide, très carrée, elle croit qu’être intelligente, c’est avoir vingt en maths. Mon intelligence à moi, elle fait profil bas, c’est une intelligence de l’ombre, sans tambour ni trompettes, sans fioritures ni félicitations du jury. Une intelligence pratique, utile pour toutes les choses du quotidien.

Elle critique systématiquement mes tenues. Elle dit que je ne me maquille pas, que je ne m’arrange pas. Il faut dire qu’elle est toujours apprêtée, comme toutes ces femmes qui vivent en appartement. À 9 heures du matin, elle s’habille comme pour sortir le soir, elle se farde comme un camion volé, elle se baigne dans son parfum.

Je fus prise de ce qui devait être une sorte de paralysie passagère, car aucun son ne sortait de ma gorge, j’ouvrais la bouche en vain. C’étaient même tous les sons qui avaient disparu. Comme si quelqu’un avait baissé le volume du son environnant. J’étais incapable de parler, de me mouvoir, je n’entendais pas. Je pouvais juste voir.

Il ne fallait pas se voiler la face, j’avais tout vu de mes propres yeux. Et mes yeux ne mentaient pas. On peut tout au plus les fermer pour ne pas voir, mais en l’occurrence, je n’en avais pas eu le temps.

C’est bien d’écrire ce que l’on pense parce que, ensuite, quand on se lit, on a l’impression d’être en train d’en parler avec quelqu’un, ce qui permet de se contredire et de se critiquer à souhait.

il demanda qui avait appelé, quel temps il avait fait ici, et cetera, et cetera. S’il ne demanda pas de nouvelles du chien, c’est parce que nous n’en avions pas.

Elles sont comme ça, les nanas qui passent toute leur vie à bosser dans un bureau. Envieuses, fouineuses, hargneuses. Et plus elles travaillent près du centre-ville, plus elles sont mauvaises. Comme si cet écosystème les incubait. N’ayant presque pas de temps libre pour vivre leur vie à elles, elles vivent à travers celle des autres. Le bureau, c’est toute leur vie. Elles vivent du lundi au vendredi et elles détestent le week-end. Elles n’attendent qu’une chose, c’est l’arrivée du lundi, pour que leur vie reprenne.

Au bout de vingt ans, un couple n’est plus ce qu’il est, il devient ce que l’on croit qu’il est. On mélange les choses dans sa tête, on s’attribue ce qui a en fait été vécu par d’autres.

 

 

 

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