Nothomb, Amélie «Soif» (RL2019)
Auteur : nom de plume de la baronne Fabienne Claire Nothomb, née le 9 juillet 1966 à Etterbeek (Région de Bruxelles-Capitale, est une romancière belge d’expression française. Auteur prolifique, elle publie un ouvrage par an depuis son premier roman, Hygiène de l’assassin (1992). Ses romans font partie des meilleures ventes littéraires et certains sont traduits en plusieurs langues. Ce succès lui vaut d’avoir été nommée commandeur de l’ordre de la Couronne et d’avoir reçu du roi Philippe le titre personnel de baronne. Son roman Stupeur et Tremblements a remporté en 1999 le Grand prix du roman de l’Académie française. En 2015, elle est élue membre de l’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique. Elle a reçu, entre autres, le prix Chardonne, le prix de Flore, et le Grand prix Jean Giono pour l’ensemble de son œuvre.
Chroniques : – Pétronille » (08/2014) – « Le crime du comte Neville » (2015) – «Riquet à la houppe» (08/2016) – «Frappe-toi le cœur» (RL2017) – « Les prénoms épicènes » (RL2018) – «Soif» (RL2019) –
28ème roman d’Amélie
Albin Michel – 21.08.2019 – 162 pages
Résumé : « Pour éprouver la soif il faut être vivant. »
Mon avis : Mais jusqu’où ira-t-elle ? Gonflée quand même de s’attaquer à ce sujet. Ce qui est certain c’est que cela ne va pas plaire à tout le monde. Heureusement que l’on ne fait plus la chasse aux sorcières au XXIème siècle…
En même temps, c’est de l’Amelie Nothomb. C’est percutant, dérangeant, interpellant et ne laissera personne indifférent. Je ne peux pas dire que j’ai beaucoup aimé mais pas détesté non plus et surtout j’ai trouvé intéressant. Ce qui saute aux yeux, c’est qu’elle connaît son sujet. L’importance de la présence, de l’absence, de la solitude, du contact, du pardon, de l’amour, de la haine.
Quelles ont été les pensées de Jésus avant sa crucifixion ? je vous laisse le découvrir en vous faufilant dans sa tête avec l’aide d’Amélie.. Ce n’est pas mon préféré mais je m’en doutais un peu, au vu du sujet. Mais c’est un bon.
Extraits :
L’énigme du mal n’est rien comparée à celle de la médiocrité.
En vérité, je n’ai rien dit parce que j’avais trop à dire.
J’ai été homme assez longtemps pour savoir que certains sentiments ne se répriment pas. Il importe de les laisser passer sans chercher à les contrer : c’est ainsi qu’ils ne laissent aucune trace.
La première fois que l’on fait quelque chose qui est à ce point au-dessus de soi, on oublie aussitôt la démesure de l’effort, on ne retient que l’émerveillement du résultat.
Il est arrivé que je n’accomplisse pas le miracle demandé, parce que je n’avais pas la force de m’anéantir pour libérer la puissance de l’écorce : la haine que cela m’a valu !
J’imagine que chacun a un ami de cette espèce : un ami dont les autres ne comprennent pas qu’il soit notre ami.
Quand il n’y avait aucune raison de se fâcher, il se fâchait. Quand il n’y avait que des motifs de contrariété, il s’emportait. Par conséquent, il valait mieux le côtoyer dans l’adversité ; il était plus dans le ton.
Quand on cesse d’avoir faim, cela s’appelle satiété. Quand on cesse d’être fatigué, cela s’appelle repos. Quand on cesse de souffrir, cela s’appelle réconfort. Cesser d’avoir soif ne s’appelle pas.
J’aime le matin. Il y a une force inexorable en cette heure du jour. Même si le pire a eu lieu la veille, il y a une pureté matinale.
Il y a des verbes que je fuis, comme préférer ou remplacer – on n’imagine pas combien ces verbes s’équivalent. J’ai vu des gens se battre pour être préférés, sans se rendre compte que cela les rendait remplaçables.
La condition humaine entière se résume ainsi : ça pourrait être pire.
Maudite soit la souffrance ! Sans elle, chercherait-on toujours un coupable ?
Pardonner n’exige aucune contrepartie, c’est juste un élan du cœur qu’il s’agit de ressentir.
Il faut que je me pardonne. Pourquoi est-ce que je n’y arrive pas ?
Parce que j’y pense. Plus j’y pense, moins je me pardonne.
Ce qui empêche de pardonner, c’est la réflexion.
Je dois me pardonner sans réfléchir. Cela ne dépend que de ma décision, pas de l’horreur de mon acte. Je dois décider que c’est fait.
L’amour de Dieu, c’est l’eau qui n’étanche jamais. Plus on en boit, plus on a soif. Enfin une jouissance qui ne diminue pas le désir !
Suffire. Quel verbe horrible ! En vérité, je vous le dis : rien ne suffit.
Elle pourra se recueillir sur sa tombe chaque jour, elle sait que rien ne vaut l’étreinte : oui, même avec un corps mort, tout l’amour du monde ne s’exprime jamais aussi bien que par l’embrassement.
Ce qui disparaît quand on meurt, c’est le temps. Étrangement, il faut du temps pour s’en apercevoir. La musique devient l’unique chose qui permet d’en avoir encore une vague notion : sans son déroulement, le mort ne comprendrait plus rien à ce qui s’écoule.
J’ai ressenti une curieuse émotion en m’apercevant que les malentendus survivaient à la mort.
La grande différence entre mon père et moi, c’est qu’il est amour et que moi, j’aime.
Les gens changent seulement si cela vient d’eux, et il est rarissime qu’ils le veuillent réellement. Neuf fois sur dix, leur désir de changement concerne les autres. « Il faut que ça change », phrase entendue ad nauseam , signifie toujours que les gens devraient changer.
Il faut accepter ce mystère : vous ne pouvez pas concevoir ce que les autres voient dans votre visage.
Il y a une contrepartie au moins aussi mystérieuse : je me regarde dans le miroir. Ce que je vois dans mon visage, personne ne peut le savoir. Cela s’appelle la solitude.
2 Replies to “Nothomb, Amélie «Soif» (RL2019)”
Sais pas encore si je le lirai ou non…
Toutefois, Amélie Nothomb est en lice pour Goncourt…
https://www.rtbf.be/culture/litterature/auteurs/detail_premiere-selection-du-goncourt-avec-amelie-nothomb?id=10306153
Je cite une partie de ton avis : « Je ne peux pas dire que j’ai beaucoup aimé mais pas détesté non plus et surtout j’ai trouvé intéressant. »
Je suis d’accord avec ça. Et définitivement, Amélie Nothomb ne sera jamais une des autrices que j’aime vraiment suivre…