Indriðason, Arnaldur «Les fils de la poussière» (2018)
Auteur : Arnaldur Indridason est né à Reykjavík le 28 janvier 1961. Diplômé en histoire, il est d’abord journaliste et critique de films pour le Morgunbladid, avant de se consacrer à l’écriture. Ses nombreux romans, traduits dans quarante langues, ont fait de lui un des écrivains de polar les plus connus en Islande et dans le monde, avec douze millions de lecteurs. Il a reçu le prix Clef de verre à deux reprises, en 2002 pour La Cité des jarres, et en 2003 pour La Femme en vert (également couronné par le Gold Dagger Award et le Prix des lectrices de Elle), le Prix du Polar européen Le Point en 2008 pour L’Homme du lac, le prix d’honneur du festival les Boréales en 2011, et le prix espagnol rba du roman noir en 2013 pour Passage des Ombres (troisième tome de la Trilogie des Ombres, à paraître en 2018).
Douze de ses romans mettent en scène le personnage d’Erlendur Sveinsson, inspecteur de la police de Reykjavík. Plusieurs autres sont consacrés à des énigmes historiques ou des affaires d’espionnage. Dans la fascinante Trilogie des Ombres, il met en scène un nouveau couple d’enquêteurs, à l’époque de la « Situation », l’occupation américano-britannique de l’Islande à la fin de la Seconde Guerre mondiale. (Portrait par Sabrina Champenois, LIBERATION – juillet 2010)
(Métaillé noir – 4.10.2018 – 303 pages – Point poche 03.10. 2019 – 358 pages)
Voir Page sur la série : Indriðason, Arnaldur : Série « Erlendur Sveinsson »
Premier tome de la série mais qui a été traduit bien après les autres (Synir duftsins – 1997) – traduction française 2018 – Je recommande toutefois de commencer par les tomes 3-4-5 et de lire celui-ci après.
Résumé : Paru en 1997, Les Fils de la poussière, premier roman d’Arnaldur Indridason, ouvre magistralement la voie au polar islandais. Daniel, quadragénaire interné dans un hôpital psychiatrique de Reykjavík, se jette par la fenêtre sous les yeux de son frère Palmi. Au même moment, un vieil enseignant, qui a eu Daniel comme élève dans les années 6o, meurt dans l’incendie de sa maison. L’enquête est menée parallèlement par le frère de Daniel, libraire d’occasion, un tendre rongé par la culpabilité, et par une équipe de policiers parmi lesquels apparaît un certain Erlendur, aux côtés du premier de la classe Sigurdur Oli et d’Elinborg.
Peu à peu, ils découvrent une triste histoire d’essais pharmaceutiques et génétiques menés sur une classe de cancres des bas quartiers, des gamins avec qui on peut tout se permettre. Sens de la justice, personnages attachants, suspense glacé : dès ce premier thriller, on trouve tous les éléments qui vont faire le succès international qu’on connaît — et le génial Erlendur, bien sûr, tourmenté, maussade, sombre comme un ciel islandais !
Mon avis : Comme annoncé dans la petite introduction, ce livre est le premier livre que l’auteur a écrit qui met en scène Erlendur et Sigurdur Oli, mais qui a été traduit bien après les autres (Synir duftsins – 1997) – traduction française 2018 –En effet ce n’est même pas les premiers pas d’Erlendur dans la police, il a déjà 50 ans mais c’est juste la naissance du personnage et il est moins abouti que les autres. Alors je recommande de commencer par les tomes 3-4-5 et de lire celui-ci après, une fois que vous serez accro à ce personnage car il serait dommage d’être un peu déçu et de passer à coté des autres. On devine les contours d’Erlendur et une ébauche de son caractère mais pas suffisamment encore pour s’y attacher.
Tout commence par deux décès : un vieil enseignant et un quarantenaire enfermé depuis des années dans un hôpital psychiatrique. L’enquête révèlera que les deux se connaissaient, l’un ayant été l’élève de l’autre.
Une enquête qui est une plongée dans le contexte social de l’Islande d’il y a 50 ans et dans le monde peu scrupuleux de certaines industries pharmaceutiques, dans l’univers des pervers sexuels, de la discrimination sociale, de la manipulation, de ceux qui naissent et passent leur enfance dans des quartiers mal famés, habitent dans des logements sociaux :
C’est aussi un livre sur le remords, la culpabilité, l’amitié, la vengeance…
Une bonne intrigue mais en ayant lu les autres, on sent bien que c’est un premier roman, en dessous des coups de cœur pour les suivants… Mais que les accro d’Erlendur comme moi seront quand même contents d’avoir lu !
Extraits :
Le Danni que j’ai fréquenté pendant toutes ces années était en réalité une création chimique, un individu castré par l’industrie pharmaceutique. Je crains de n’avoir jamais connu sa vraie personnalité malgré tout le temps que j’ai passé avec lui. C’est affreusement douloureux. Parfois, j’avais l’impression de l’entrevoir derrière ce brouillard médicamenteux, j’avais l’impression qu’il m’apparaissait tel qu’il était vraiment, mais peut-être que c’était seulement le fruit de mon imagination.
il vieillissait et se flétrissait peu à peu comme les feuillages d’une forêt en automne.
On parle rarement du harcèlement subi par les enseignants. On se focalise plus sur celui que subissent certains élèves, ce qui est une expérience terrifiante. Mais il arrive aussi que des enseignants y soient confrontés. Aucune étude n’a été menée en Islande, mais en Norvège on affirme que dix pour cent des professeurs subissent du harcèlement.
J’ai essayé d’oublier qu’il existait. J’ai refusé de me confronter à lui, à sa maladie et à ce qu’il m’a fait subir pendant mon enfance. Je l’ai exclu de ma vie. C’était plus facile que l’affronter, m’occuper vraiment de lui et me comporter en homme plutôt que comme un pauvre type.
Doit-on passer son temps à se lamenter et à regretter ce qu’on n’a pas eu ou ne peut plus avoir, ou bien vaut-il mieux aller de l’avant ? Si je devais regretter tout ce que j’ai fait ou ce que je n’ai pas fait dans ma vie, je deviendrais folle.
À cette époque, le monde était plus simple. La photo de classe avait un sens. C’était un souvenir qu’on pouvait conserver. Aujourd’hui, plus personne ne veut rien conserver. Et quand on garde trop longtemps un objet, il devient ridicule. Il faut qu’on puisse s’en servir, s’en lasser, le jeter pour en acheter aussitôt un autre plus récent et plus utile, l’objet lui-même n’a aucune valeur. Avant, la photo de classe constituait un événement dans la vie des élèves. Aujourd’hui, on dirait qu’ils s’en fichent. Ça leur enlève du temps à passer devant leurs ordinateurs.
Le quartier est complètement mort aujourd’hui par rapport à l’époque. Ça m’arrive de m’y balader et je ne croise jamais aucun gamin. Avant il grouillait de vie, il y avait des dizaines de mômes dans les rues et, dans mon souvenir, j’ai l’impression qu’ils étaient des centaines.
ous les coups étaient permis et les armes, fabriquées avec des déchets trouvés sur les chantiers, étaient parfois très dangereuses. Ils se servaient de tuyaux en plastique pour confectionner leurs arcs et taillaient des morceaux de bois pour faire des flèches. Leurs épées, leurs boucliers et leurs lances étaient des chefs-d’œuvre d’ingéniosité.
À l’époque, il n’y avait ni psychologues, ni assistantes sociales, ni enseignants spécialisés, ni conseillers d’orientation. Les classes de cancres permettaient de réaliser des économies. Le pire, c’est que le paramètre le plus déterminant pour la direction de l’école quand elle procédait aux affectations n’avait rien à voir avec les capacités des élèves, mais avec leur origine sociale. J’en suis certaine. Tout le monde disait que l’Islande était une société sans classes, mais la ségrégation sociale se manifestait très clairement dans le système des groupes de niveau.
Je passe mon temps à dire à tout le monde ici que l’industrie pharmaceutique fabrique des malades comme moi, mais personne ne m’écoute parce que je suis fou.
J’avais lu quelque part que, pour les Grecs, le hasard préside beaucoup aux destinées humaines.
Il avait presque oublié cette histoire qu’Erlendur remettait sur le tapis. C’était lui tout craché, jamais Erlendur ne renonçait tant qu’il n’avait pas élucidé une affaire et découvert la vérité.
One Reply to “Indriðason, Arnaldur «Les fils de la poussière» (2018)”
Je suis déjà accro au personnage. J’avais commencé avec « L’homme du lac » . J’étais monté à Ajaccio pour voter pour le prix des lecteurs corses en 2008 et mon favori avait remporté la majorité des voix au second tour (Yasmina Khadra pour « Ce que le jour doit à la nuit »).
Sortant d bâtiment de la Région Corse, et ayant un peu de temps, je m’étais rendu dans une librairie où j’avais demandé conseil au libraire et, voyant que j’aimais les polars, il m’avait conseillé L’homme du lac. J’ai aimé et je suis remonté jusqu’au début, puis j’ai suivi cet auteur et ce personnage.
Donc, je vais acheter même si ce sont les débuts et que, forcément, ce sera moins abouti que les suivants.