Van Cauwelaert, Didier «L’Inconnue du 17 mars» (2020)

Van Cauwelaert, Didier «L’Inconnue du 17 mars» (2020)

Auteur :  Didier van Cauwelaert est un écrivain français, né le 29 juillet 1960 à Nice d’une famille d’origine belge. Il cumule prix littéraires et succès public depuis ses débuts. Prix Goncourt pour Un aller simple en 1994.
Romans : Vingt ans et des poussières, 1982 – Poisson d’amour, 1984 – Les Vacances du fantôme, 1986 – L’Orange amère, 1988 – Un objet en souffrance, 1991 – Cheyenne, 1993 – Un aller simple, 1994 – La Vie interdite, 1997 – Corps étranger, 1998 – La Demi-pensionnaire, 1999 – L’Éducation d’une fée, 2000 – L’Apparition, 2001 – Rencontre sous X, 2002 – Hors de moi, 2003 – L’Évangile de Jimmy, 2004 – Attirances, 2005 – Le Père adopté, 2007 – La Nuit dernière au XVe siècle, 2008La Maison des lumières, 2009 – Thomas Drimm – Tome 1 : La fin du monde tombe un jeudi, 2009 – Les Témoins de la mariée, 2010 – Thomas Drimm – Tome 2 : La guerre des arbres commence le 13, 2010 – Le Journal intime d’un arbre, 2011- Double identité, 2012 – La Femme de nos vies, 2013 –  « Le principe de Pauline » (2014) ,  «Jules» (2015) , On dirait nous (2016)  et «Le Retour de Jules» (2017)  exceptionnels succès de librairie. En tant que metteur en scène, il vient de réaliser pour le cinéma « J’ai perdu Albert » (Roman sorti en 2018), La Personne de confiance (2019), L’Inconnue du 17 mars (2020)

Albin Michel, 16. 09.2020 – 176 pages

Résumé :
« Il fallait que la planète ferme pour que les cœurs s’ouvrent. »

Le 17 mars 2020, par la grâce d’un virus, un sans-abri se retrouve confiné avec une créature de rêve. Est-ce la femme qui jadis enflamma son adolescence, une mythomane, une perverse manipulatrice, ou une ultime chance de survie ? Et si le sort du genre humain dépendait de la relation qui va se nouer, dans une maison à l’abandon, entre un ancien prof de 35 ans brisé par l’injustice et une exilée en manque d’amour ?
Avec ce conte philosophique irrésistible et poignant, au cœur d’une actualité bouleversant tous nos repères, Didier van Cauwelaert entraîne nos peurs, nos détresses, nos colères dans un tourbillon de révolte, de joie libératrice et d’espoir.

Mon avis : Ben voilà ! j’ai lu un livre qui parle de la Covid-19 ! J’ai encore du mal à y croire ! Ok c’est de la littérature qui fleure bon le fantastique mais qui est quand même bien truffée de références bien réelles ! Il faut dire que comme mes amis savent que j’aime cet auteur, il est rare que je passe à coté d’un de ses livres…
Et une fois encore c’est un livre original qui flirte avec la réalité, le rêve, le fantastique, l’actualité, et la science … C’est juste surréaliste… comme la période dans laquelle le monde a été plongé.
Tout commence le 17 mars 2020, au moment ou tout le monde se confine et ou la question du confinement des sans-abris est de rigueur… Le monde s’inverse : la liberté de rester dehors est l’apanage de ceux qui ne peuvent pas être confinés chez eux : le monde à l’envers… et paradoxalement, ce conte, dans un moment de déconstruction de la société est une sorte de reconstruction individuelle du personnage central, un SDF qui va se retrouver en train de vivre son rêve le plus cher… et il va donc vivre ce confinement de manière totalement différente de la majorité des gens qui vont le vivre comme une restriction, une perte … Lui il va s’y épanouir, revivre alors que le monde entier se désagrège…
Il y a certes le sans-abri mis il y a aussi, comme toujours, une part belle faite aux femmes : Audrey, Amandine et la Colonelle… (ma préférence va à la Colonelle !)
Et maintenant je vous laisse partager le rêve, la réalité ? de notre brave Lucas… Découvrez son refuge, accrochez-vous, croyez en vous et en les autres, ne vous laissez pas envahir par les politiques… croyez aux ondes… évadez-vous en toute liberté…le sourire est au bout du chemin et cela fait du bien en cette période d’enfermement sur soi-même…
Le prénom Lucas nous vient des termes latins  » lux  » ou  » lucans  » qui signifient  » lumière  » et  » clair  » … alors croyons en cette lumière et mettons de coté le coté sombre de la période de repli et de confinement..

Extraits :

Chaque nuit, je coupais court au souvenir des drames en m’endormant sur un des moments heureux de ma vie, puisé tour à tour dans une enfance sans nuages, un premier amour éblouissant, ou […]

Dieu sait si l’on nous avait bassinés avec des prophéties anxiogènes du style « Quand la Chine s’éveillera », « Un jour les Chinois envahiront la Terre »… Et voilà, ils l’ont fait. Mais de manière invisible, par virus interposé, premières victimes de l’épidémie dont ils nous ont gratifiés malgré eux.

Il ne lui était resté que la langue française autour de laquelle il s’était reconstruit, déconstruit, résorbé.

Le temps faisait un pli et tout ce qui s’était décousu en moi se réassemblait dans une sensation d’émerveillement incrédule.

– De deux choses l’une : ou l’attente stimule les fonctions cérébrales dans une perspective de récompense, ou alors, sous l’effet de l’obsession, elle les embrume. Qu’en penses-tu ?

Je ne serai pas plus malheureux en donnant la réplique à une amante un peu perchée qui se la joue corona-terroriste, qu’en retournant attendre le virus sur ma grille d’aération ou dans un centre de desserrement.

En dégelant, les sols de l’Arctique libéreront dans l’atmosphère les virus d’autrefois, vous offrant un condensé express de toutes les pandémies qui vous ont décimés au fil des millénaires : la peste, le choléra, la grippe espagnole et bien d’autres encore, sorties de vos mémoires et dont vous n’imaginez même pas l’efficacité foudroyante, décuplée par la mondialisation.

Mais il fallait que la planète ferme pour que les cœurs s’ouvrent.

Tout son discours est à dormir debout, certes, mais il se greffe sur une situation planétaire tellement surréaliste qu’il en devient, sinon crédible, du moins conforme à la folie ambiante.

Eh oui, question cruciale que j’ai remise à l’ordre du jour : l’imaginaire perçoit-il la réalité future, ou bien la crée-t-il ?

C’est très commode, le complotisme. C’est une vaste décharge à ciel ouvert, où il est difficile de pratiquer le tri sélectif. L’hystérie des extrémistes et les élucubrations paranos y neutralisent par contagion les alertes dérangeantes, les vérités illicites, les arguments trop convaincants pour être réfutés autrement que par l’opprobre et l’amalgame.

une prière de chair qui rendait grâce au passé et m’ancrait dans le présent pour y changer l’avenir

– La souffrance d’autrui est ta pression intérieure, me répétait-elle, ton état d’urgence ; elle n’est pas là pour te ralentir.
De ce côté-là, je sais que je ne risque plus grand-chose. Rien ne me ralentira, rien ne me figera plus jamais – ni la lourdeur du quotidien des autres, ni les blessures de mon passé.

La fin de la pandémie dépend de vous. Du temps que vous mettrez à vaincre le déni, la panique, le désespoir, la peur de l’autre et de vous-mêmes, à les convertir en amour. Pour assurer votre survie.

Ce n’est pas l’énergie vitale, l’union, l’amour qui ont gagné… C’est la peur, la soumission, les clivages.

Le voilà, l’avenir que vous vous serez laissé imposer. Traités comme du bétail, aveuglés par la peur et le besoin d’être protégés, quitte à renier vos libertés

Oui, on peut naître d’un coma. Renaître, en tout cas.

On traversait Paris libéré, Paris délivré du vide sanitaire, du silence de l’exode, Paris envahi de masques.

Aussi beau soit-il, inspiré par tant d’enjeux intimes et collectifs, un rêve peut-il avoir d’autre pouvoir que celui des illusions ?

Je me disais que la meilleure façon de ne pas gâcher ses rêves, c’est encore de se rendormir.

3 Replies to “Van Cauwelaert, Didier «L’Inconnue du 17 mars» (2020)”

  1. Voici que je termine ce roman de l’un de mes chouchous
    2e livre ayant la pandémie ayant comme toile de fond que je lis (après « L’injuste destin du pangolin »)… et j’ai craint quelque peu que DVC ne m’emmène pas avec lui comme les autres fois… heureusement cela a changé après… quant à la fin, je n’y ai pas pensé un quart de seconde…
    Belle écriture, toujours plaisante à lire

    1. Quand je publie une chronique sur un livre de Didier van Cauwelaert , je suis presque toujours certaine de te lire en commentaire 😉

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