Sáinz de la Maza , Aro « Docile» (RL2021) 480 pages – Les enquêtes de Milo Malart tome 3

Sáinz de la Maza , Aro « Docile» (RL2021) 480 pages – Les enquêtes de Milo Malart tome 3

Auteur : Aro Sáinz de la Maza est né à Barcelone en 1959. Diplômé de l’Université de Barcelone, il écrit des romans, des livres d’histoire, des essais et est co-auteur de compilations de contes populaires. Il est éditeur et traducteur. « Le Bourreau de Gaudí«  (El asesino de la Pedrera, 2012) est sa première incursion dans le genre policier, et a valu à son auteur le Prix international RBA du roman noir. Dans « Les Muselés » (El ángulo muerto, 2016), on retrouve l’inspecteur Milo Malart. On le retrouve également dans « Docile » (Dócil) en 2021.

Romans : Les enquêtes de Milo Malart : Le Bourreau de Gaudí (2014)  – Les Muselés (2016) – Docile (2021)

Série Milo Malart : « Le Bourreau de Gaudí » – « Les Muselés » – « Docile »

Actes Sud / Actes noirs – 01.09.2021 – 480 pages -(parution annoncée en poche chez Babel le 06.09.2023) Docile a obtenu le prix Meilleur Roman noir Valencia Negra 2020. (Traducteur :  Serge Mestre)

Résumé et présentation de l’Editeur :

Après « Le Bourreau de Gaudi » et « les Muselés », Milo Malart affronte un adolescent docile qui pourrait bien avoir massacré tous les membres d’une famille à coups de pierre. Six jours de vent et de sang dans une Barcelone endolorie, théâtre de toutes les névroses d’un inspecteur aux intuitions plus fulgurantes à mesure que sa vie part à la dérive.

Un jeune homme commotionné et gravement blessé se présente au poste de police pour signaler un crime. Les agents dépêchés sur les lieux découvrent les cinq membres d’une même famille massacrés à coups de pierre. Tout semble accuser le garçon, qui se trouvait sur place et porte sur lui l’ADN des victimes. Un être d’apparence docile qui pourrait tout aussi bien être un monstre, et se révèle, quoi qu’il en soit, un manipulateur hors pair. L’enquête se déroule en cinq journées de vent et de sang dans une Barcelone endolorie, théâtre de toutes les névroses pour un inspecteur aux intuitions plus fulgurantes à mesure que sa vie part à la dérive, cerné comme jamais par la schizophrénie qui semble marquer les siens au fer rouge.

Pointant sans relâche un pouvoir arrogant et corrompu qui de génération en génération sacrifie les fragiles au faste tapageur des nantis, Aro Sáinz de la Maza poursuit son épopée sociale sur fond de crimes dans la capitale catalane. Il dresse ici le saisissant portrait d’une ville blessée (profondément marquée par les attentats islamistes de 2017), qui semble nimbée d’une irréalité fantastique. Des êtres bouleversés se déchirent pendant que d’autres se lancent dans une quête effrénée d’amour, seul viatique, peut-être, pour éviter le naufrage.

Mon avis: Et troisième coup de coeur pour le troisième tome de la trilogie. Une magnifique enquête et un travail sur la psychologie de personnages remarquable.
On y retrouve Milo Malart et la sous-inspectrice Mercader mais les deux personnages centraux sont Malart et Lucas Torres : ce dernier est-il victime ou coupable? Malart a cinq jours pour le découvrir et le roman est une véritable course contre la montre, pleine de suspense et de rebondissements, une prise de tête psychologique, une confrontation de manipulateurs – morts et vivants… Tout se déroule sur un rythme effréné et la tension est à son comble. L’intuition de Malart va-t-elle permettre de comprendre ce qu’il s’est passé ? De déterminer qui est coupable et qui est victime? Le rôle de la manipulation dans la compréhension de la scène des crimes? On va assister à un combat psychologique entre les deux personnages principaux du roman, qui semblent connectés psychologiquement par moments. Malart va en plus devoir lutter, seul contre tous, car tous sont persuadés depuis le début de la culpabilité du jeune Torres que tout accuse. Milo Malart, lui, veut des aveux, des explications, et il va creuser, tant dans les faits que dans le passé et explorer la psychologie des acteurs du drame – morts et vivants.  

Je ne vais pas dire que dans ce roman les personnages se présentent sous leur meilleur jour, ni qu’ils sont sympathiques… Mais personnellement j’aime beaucoup Malart, ses interrogations et ses failles. Quand on découvre le passé des protagonistes, on comprend qu’ils se retranchent derrière une carapace. Et derrière la carapace des personnages… il y a du lourd !
Les scènes d’interrogatoires, les confrontations entre Malart et Torres sont époustouflantes.
Dans ce troisième tome, le caractère de Milo Malart change.. il en devient même humain ! Il semble contrôler ses émotions et porter attention aux autres! Mais toujours brut de coffrage en apparence, et à fleur de peau, ne supportant pas la relation entre son équipière et un flic qu’il considère comme incapable et horripilant…
Un petit regret : Barcelone n’est pas aussi présente comme personnages du livre que dans les deux tomes précédents, même si la période troublée des attentats fait bien partie de l’ambiance pesante dans laquelle se déroule l’intrigue. Suspense jusque’à la dernière ligne.
Le livre fait partie d’une série mais peut se lire indépendamment; ce serait par contre dommage de ne pas lire les autres et tant qu’à faire, autant les lire dans l’ordre pour suivre l’évolution de Malart. Prévue à l’origine comme une trilogie, la fin pourrait permettre d’espérer de continuer à faire un bout de chemin avec Milo Malart.

Extraits: 

— Collons ! On peut savoir ce que tu voulais faire ? demanda la femme à la voix de rogomme. Pêcher des balei­nes ?  (Collons:  Bordel ! En catalan dans le texte.)

— Tu as déjà vu une mouche se fracasser la tête contre une vitre ? Sans attendre la réponse, il ajouta : Eh bien voilà. Il n’y a pas de leçon à apprendre. La vie est une éternelle répétition, un point c’est tout.

— Famille et secret sont des mots qui vont toujours ensemble,

n’importe qui peut se transformer en assassin en quelques secondes ! C’est comme pour les machines à sous, il suffit que la combinaison gagnante s’aligne. Il faut obtenir une équation avec les bonnes variables : colère, offense, sentiments blessés, situation limite…, élevés à la puissance n. Je pourrais te citer Jung et sa “théorie de l’ombre”, mais on verra ça plus tard,

Je voudrais avoir une vie avant de la perdre. Il existe une phrase sur les horloges de certai­nes églises anciennes : Vulnerant omnes, ultima necat. Tu con­nais le latin ? “Toutes blessent, la dernière tue.” Les heures, l’éphémère de la vie, l’implacable défilement du temps. Eh bien moi, avant que la dernière heure me tue, j’aimerais vivre ses cinquante-neuf premières minutes à fond, les presser au maximum.

— La folie ce n’est pas d’agir, Milo. Comme l’a écrit Virginia Woolf, “Vous ne pouvez pas trouver la paix en évitant la vie”.

— Belle contradiction, ma chère.

— Pourquoi ?

— Quelque temps après l’avoir écrit, elle s’est suicidée.

— Un guetteur est d’abord un voyeur, dit Milo en se levant très lentement. Puis en fonction de son degré d’obsession, il peut devenir un harceleur. Si c’est le cas, ils ont l’habitude de marquer leur territoire, d’aller chez leurs victimes pour emporter quelque chose, un fétiche. Ils veulent toujours ce qu’ils ne peuvent pas avoir.

— Le harcèlement passe, mais pas la douleur. Elle détermine la vie future, disent les spécialistes. Pauvre Isma. Les misérables qui abusent de leurs semblables le perçoivent comme la victime idéale et ils se réunissent en troupeau pour lui faire du mal. Comme les hyènes.

Il comprenait parfaitement ce que signifiait se coltiner un sombre passé, le traîner derrière soi comme un boulet, avec des questions sans réponse, marqué à vie par un stigmate tombé du ciel juste pour vous écraser à longueur de journée. Ce maudit passé qui s’acharnait toujours à revenir. Bien entendu qu’il le comprenait. La douleur ne disparaissait jamais. Elle se contentait de se cacher. Il suffisait d’un simple catalyseur pour que tout surgisse à nouveau.

— Toi et tes putains d’intuitions, lança-t-il. Une simple intuition te suffit à foutre en l’air le travail de policiers honnêtes ?
— Ta question contient un oxymore et je n’arrive pas à décider lequel, dit Milo en contenant un bâillement. Appelle ça simple intuition ou instinct. 

— Désirer mourir, c’est vouloir éteindre la lumière à jamais, dit-elle. Un soulagement instantané. Et définitif.
— Jusque-là, je comprends.
— Et ne pas vouloir vivre, c’est juste avoir envie de se mettre au lit et de ne plus en sortir, ne pas parler, ne voir personne, ne pas s’occuper de soi ; seulement s’abandonner et se réfugier dans le rêve de rien. Pour un temps. Les deux idées découlent d’un même sentiment : le vide. Que rien ne peut remplir. Jusqu’au moment où tu découvres que oui : il y a quelque chose.

— J’ai récemment lu Khadra. “Un terroriste est quelqu’un qui cherche une famille.” Je m’en suis rappelé et je l’ai sorti.

— Inspecteur Malart, un interrogatoire tient plus de l’art que de la science : et toi tu es un artiste. Ne te sous-estime pas.

— Il a emporté son secret dans la tombe, mais le passé revient toujours pour régler les comptes, tu le sais bien.

One Reply to “Sáinz de la Maza , Aro « Docile» (RL2021) 480 pages – Les enquêtes de Milo Malart tome 3”

  1. Je viens de le terminer et gros coup de coeur pour ce roman comme pour « Le bourreau de Gaudi » mais je n’ai pas lu « Les muselés » , j’ignorais même qu’il y avait une trilogie . J’espère qu’il y aura un 4ème .

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