Pasques, Jean-François « Mortelle canicule » (2019) 344 pages (Série Commandant Delestran tome 1)

Pasques, Jean-François « Mortelle canicule » (2019) 344 pages (Série Commandant Delestran tome 1)

Auteur: Capitaine de police et écrivain de roman policier.  Chimiste de formation, il a quitté son laboratoire de recherches par manque d’espace. Il est entré dans la Police Nationale, un peu par hasard.
Jean-François Pasques est actuellement en poste en Sécurité publique à Nantes. Il a auparavant travaillé une quinzaine d’années à Paris, notamment dans un groupe criminel du 1er district de police judiciaire.

Editions Lajouanie – 05.07.2019 – 344 pages

Romans:
Sans suites (2010) – La Bascule (2012) – A toutes fins utiles (2013) – Des Gens Normaux (2014) – Le seul témoin (2021)
Série Commandant Delestran : Mortelle canicule (2019)  tome 1 – Fils de personne (2022) tome 2
Série Pierre Morland, Légiste : Mortelle canicule (2019) tome 1 – Le seul témoin (2021) tome 2
Série Victoire Beaumont  : De l’intérieur (2017) tome 1 – Mortelle canicule (2019)  tome 2 – Fils de personne (2022) tome 3 

Résumé :
Eté 2003. La canicule fait rage dans Paris. Des températures supérieures à 40°C sont atteintes. La surmortalité explose, on réquisitionne un hangar réfrigéré à Rungis afin d’y entreposer les dépouilles. Plus de quinze mille décès seront attribués à cette vague de chaleur. Le commandant Delestran est chargé d’accueillir la fraîchement diplômée Victoire Beaumont. Il emmène la jeune lieutenant à l’Institut médico-légal de Paris, où les légistes sont littéralement débordés par la situation sanitaire.
Là, alors qu’un médecin entrouvre un sac à corps, l’officier renifle une odeur caractéristique. Il en est certain : la jeune femme dont le corps sans vie vient d’arriver à la morgue n’est pas morte d’un coup de chaleur.

Mon avis:

Je n’ai pas commencé la série par le début, étant donné que j’ai lu « Fils de personne «  avant. Pas grave! C’est sympa de voir leur première rencontre. Et ce roman confirme que j’aime la manière dont l’auteur présente les choses.
Il serait difficile de parler de « Polar doux » étant donné le sujet mais… peut-être que oui.. En effet il n’y a pas de violence physique, pas de scènes sanglantes et brutales, pas de « gore ».. et moi j’aime ça. Et pourtant on est sous tension du début à la fin! Tout est dans l’humain, dans les rapports humains, dans la finesse et la réflexion. Et comme c’est généralement le cas dans les romans écrits par des policiers ( sou anciens policiers) – heureusement d’ailleurs – la connaissance du terrain transparait. Il y a les actions, les réflexions et il y a les doutes, les questionnements, les regards… et aussi la compréhension.
Bienvenue à la 1ère DPJ.  Le Commissaire divisionnaire  Guéhut y reçoit une nouvelle recrue, Victoire Beaumont, qui va être intégrée au groupe Delestran.., le Delestran en question étant un flic « à l’ancienne », qui préfère les anciennes techniques, aime la langue française et pas trop les nouvelles techniques. 

Et je ne vous en dis pas davantage. Je vous laisse plonger dans la noirceur de l’âme humaine, dans la question du passage à l’acte, dans les mystères de la passion, de l’amour, du désamour, de la solitude…
Et je vous conseille vivement ce roman que j’ai énormément aimé ( tout comme le suivant : « Fils de personne » 

Extraits:
Des quartiers qui paraissent feutrés, il y a néanmoins de quoi faire. Le monde du crime a une propension naturelle à fréquenter les lieux susceptibles de détenir des richesses. C’est physique, la loi de la gravitation explique tout. Le fric, le nœud de la guerre, après le cul bien entendu !

À l’évocation du 36, Guéhut vit les yeux de Beaumont briller. Immédiatement, il reconnut en elle cette espèce d’être humain qui se nourrit à l’ambition. Sans s’en rendre compte, elle venait de réussir le premier entretien avec son chef de service.

Comme tous les flics, il avait eu la chance de faire sauter les verrous de l’intime au cours de certaines affaires. Il avait connu l’odieuse volupté d’être le seul à pouvoir vivre cet instant-là. Un tête-à-tête avec un criminel, au moment où le rideau tombe et que tout est joué, juste avant de se dire adieu. Ce privilège-là valait toutes les saloperies du monde qu’on avalait quand on est flic. C’était un instant de vérité rare. Il en était toujours ressorti terrifié. Il lui semblait qu’on pouvait tous, un jour ou l’autre, commettre l’impossible et passer à l’acte. Il n’y a pas que des crapules chez les assassins

Pratiquer une autopsie, c’était lire dans un homme comme on le ferait dans un livre. Il était quand même plus agréable de tourner les pages que de découper les chairs même dans le profond respect des règles de l’art. 

La mémoire des lieux faisait remonter de lointains souvenirs, il croyait pourtant les avoir effacés. C’était étrange comment des odeurs, des bruits et des images pouvaient faire écho. Plus il avançait dans la ville, plus son passé sortait du flou. Les contours se dessinaient et révélaient l’enfoui, le dissimulé. L’évidence était là : on pouvait retrouver les lieux de son enfance mais pas son innocence.

À bien y réfléchir, partir était plus juste que disparaître. Pour disparaître, il fallait déjà commencer par partir. 

Pour connaître les gens, il fallait aller chez eux, dans leur intimité, c’était une règle de base. Autre règle : les flics ne se déplaçant jamais seuls, contrairement à ce que l’on voyait dans des séries télé peu crédibles

l savait ce qu’il devait écrire mais ne trouvait pas les mots. Ce n’était pas tout à fait exact. En vérité, les mots, il les connaissait mais les écrire lui était difficile. Il ne se sentait pas la force de tout expliquer, cela lui paraissait une tâche insurmontable.

Étrange impression que celle de tout faire pour la dernière fois.

À la question « Signification œillet rouge ? », le moteur de recherche le renvoya immédiatement sur un site spécialisé. Il apprit que la fleur, associée à cette couleur, était le symbole de la fascination, de l’amour profond et de l’affection. 

– Chez nous, la littérature est plus rigide et elle porte un nom : procédure. Quoique, avec tout ce qu’on voit… Les gens ne le savent pas, et heureusement d’ailleurs pour eux, mais il faut beaucoup d’imagination à la fiction pour qu’elle rejoigne la réalité.

Beaumont fut surprise par l’emploi du mot effeuilleuse, elle ne comprenait pas. Henrich lui expliqua que c’était le mot employé dans le jargon pour les strip-teaseuses. Cela venait de la technique qui consistait à supprimer le feuillage qui fait de l’ombre aux fruits afin d’améliorer leur ensoleillement et de favoriser leur maturation. Un joli mot, pensa Beaumont.

Tout comme son patron, il était fasciné par ce moment où tout bascule. Pourquoi, dans les mêmes conditions, certains agissaient et pas d’autres ? Avec la pratique du terrain, il lui semblait que c’était un peu comme pour le suicide, il ne devait pas y avoir une seule raison pour passer à l’acte, un terreau devait s’être constitué pendant de longues années, une foule de raisons qui s’accumulent et puis un jour vient celle qui ne trouve plus sa place et fait tout déborder.

Éprouver le besoin de se mettre à l’écart du monde, le plus loin possible, afin de ne plus exister pour ne plus souffrir, c’était la solution tchekhovienne. À force de lire et d’apprendre le russe, Morland réagissait comme un Russe !

– C’est le cœur du métier : l’humain !
– Oui, et j’y tiens vraiment plus qu’à la technique.

Pas toujours facile de rentrer chez soi et de s’y sentir seul au milieu de tout le monde.

Étrange de se retrouver là, une sensation vertigineuse d’être soudainement propulsé dans un ailleurs, un autre monde plus vrai que celui dans lequel il s’était réfugié à travers ses lectures. Se confronter à la réalité pouvait être une épreuve douloureuse, voire mortelle. Pouvait-on retrouver ce qu’on avait lu dans les livres ?

En Russie, on ne se souvient pas, on commémore

Eh bien, vous voyez, quand vous vous devez d’être celui que tout le monde attend, celui que vous n’êtes pas réellement, vous surjouez pour ne pas décevoir. Mais au fond de vous, vous savez très bien que cette image d’homme brillant que vous cultivez ne vous correspond pas.

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