Inaba, Mayuni « Le pont Hurlevent » (2024) 166 pages
Autrice : née le 8 mars 1950 à Saya (ville fusionnée en 2005 pour former la ville de Aisai) et décédée le 30 août 2014 (à 64 ans), est une poétesse et femme de lettres japonaise. Elle remporte le prix Tanizaki en 2011 pour La Péninsule aux 24 saisons. (Morte en 2014)
Ses œuvres traduites en français : 1999 : 20 ans avec mon chat (2014 – 2011) : La Péninsule aux 24 saisons (2018) 1992 : La Valse sans fin (2019) – 2010: mille ans pour aimer (2023) – Le pont Hurlevent » (2016 – 2024) – traductrice : Élisabeth Suetsugu (éditions Philippe Picquier)
Editions Picquier – 30.08.2024 – 166 pages (Tsukitoji no ie – 2016 – Traductrice :Elisabeth Suetsugu)
Résumé
Trois récits, trois femmes, pour qui la vraie vie est ailleurs : un jardin, une forêt, une île ensoleillée.
Près des maisons d’Inaba Mayumi, il y a souvent un jardin, parfois de la mousse aux éclats de velours vert, et toujours une douceur moelleuse couvrant le jardin de tendresse. Comme dans La maison aux joubarbes. Les clés du jardin donnent accès aux souvenirs éparpillés autour de soi : narcisses et camélias, chrysanthèmes sauvages, hortensias, iris et modestes joubarbes.
Près de la maison dont Miya a la garde se trouve le chemin qui conduit dans l’autre monde par le Pont Hurlevent. Au-delà de la maison mystérieuse : des conversations avec l’invisible et les esprits de la terre et des eaux, l’odeur de la pluie et le parfum des arbres, ainsi que les floraisons qui font bondir de joie chaque fois le cœur de Miya.
Mon avis:
C’est le troisième livre de cette autrice que je lis et toujours douceur et nostalgie au coeur du roman. Mais malheureusement je me ressens pour ainsi dire pas d’émotion car je ne me suis pas attachée aux personnages. C’est tellement souvent le cas avec les auteurs asiatiques et je le regrette tellement. Trop de pudeur et de réserve les rends lisses et me les font voir en surface sans qu’ils trouvent l’ouverture de mon coeur.
La maison aux joubarbes.. (Mayu)
J’ai toujours aimé les vieilles maisons isolées, à l’abri derrière un vieux portail, avec des fleurs et de la verdure qui poussent comme elles en ont envie… Quand sa mère lui demande d’aller prendre soin de sa tante qu’elle n’a pas revu depuis sa jeunesse, Mayu se rappelle de son existence et essaie de raviver ses souvenirs. Elle va découvrir cette tante, qui va quitter sa maison pour partir en maison de retraite et l’aider à vider la maison qui parle de sa vie.. Les vêtements qui correspondent à des souvenirs, des époques.. Et les vieilles photos … et toute une vie qui défile..
Le pont Hurlevent (Miya)
C’est de loin ma préférée.. Elle parle les conversations avec l’invisible et les esprits de la terre et des eaux, Miya habite depuis 3 ans près du pont, elle vit avec la nature. Son oncle lui avait proposé de s’installer à sa retraite dans la petite maison qui lui appartenant dans la montagne, vide depuis le décès de la femme qui vivait là auparavant. C’est un endroit spécial, la frontière entre la vie et l’au-delà… Là , au point de jonction entre ce monde-ci et l’au-delà, les animaux que l’on rencontre sont en fait des humains à l’origine, des esprits qui revisitent le monde des humains…
Tokyo Ammonite ( Machi)
De loin le conte que j’ai le moins aimé. Je suis restée totalement hermétique à la personnalité des personnages qui ne m’ont pas touchés. Et pourtant quand on me parle d’avoir fusionnel avec un chat, cela devrait me toucher… Nous parle de la nostalgie du pays natal, de l’importance de se souvenir des êtres que l’on a aimés, de la puissance des photos pour faire vivre éternellement les gens et les animaux.
Extraits:
La maison aux joubarbes.. (Mayu)
Ou plutôt, j’étais si absorbée par ma propre vie que je n’avais pas eu la moindre marge pour me souvenir d’elle.
– les jolies femmes ont de la chance, elles ont toujours une branche sur laquelle se poser
« Tous ces vêtements correspondent à des souvenirs. Ils sont imprégnés de vie. Il y a aussi des choses qui appartenaient à Aoi… Des kimonos mélancoliques, des kimonos joyeux, des kimonos tristes… Alors, je les garde encore un peu. »
« Tu comprends, je ne me sens pas tranquille à l’idée de te révéler les faits tels qu’ils se sont passés. Alors, je voudrais… je voudrais que tu m’écoutes comme si on te racontait une histoire… une histoire ancienne qui se serait passée il y a plus de cent ans… » a déclaré ma tante sur un ton quelque peu théâtral.
D’où vient la folie ? Du désespoir ? Du chagrin ? La folie est-elle provoquée par ces deux états simultanés ? La haine peut servir de tremplin et permettre la survie.
C’est une drôle de plante, cette joubarbe, qui s’écrit avec les idéogrammes de la lune, du lapin et de l’oreille !
Vois-tu, on ne peut pas indéfiniment rester sur le rivage. Même si la maladie vous atteint, on ne peut pas s’empêcher de penser au lendemain […]
Le pont Hurlevent (Miya)
Mais lorsqu’elle riait, son visage s’éclairait d’un seul coup, comme un parapluie replié que l’on ouvre soudain
La traversée du pont est pour cette demeure un rite primordial, le cérémonial qui permet d’aller et venir de l’autre monde à celui-ci.
Le pont ne peut être traversé qu’une seule fois. On se rend à l’endroit désiré, on en revient, et c’est fini. Si les vivants peuvent aller et venir autant de fois qu’ils le veulent, en revanche ceux qui vivent dans l’au-delà ne peuvent traverser le pont qu’une seule fois. Comme c’est cruel ! La cruauté de ce règlement s’applique à ceux dont le destin veut qu’ils deviennent des ombres une fois parvenus dans l’au-delà.
On dit qu’il est interdit à toute vie, à toute âme, d’errer indéfiniment à la lisière d’outre-tombe. C’est seulement pendant l’intervalle où les défunts ne sont pas encore devenus des ombres, un an, deux ans, trois ans, Miya l’ignore, que sont autorisées les visites au monde d’ici-bas.
La nostalgie, c’est peut-être ce que les mots sont impuissants à traduire, un sentiment surgi du plus profond de l’être, un mélange de douceur et de tristesse.
« Miya, ne fais pas renaître les choses auxquelles tu as toi-même choisi de mettre un terme. Ecouter l’histoire d’un fantôme vivant, très peu pour moi ! » Elle croyait entendre une voix lui dire ces mots.
Tokyo Ammonite ( Machi)
Si c’était possible, je voudrais continuer à jouer l’intérieur d’un labyrinthe, un labyrinthe sans issue. Rester caché à l’ombre du mur d’une impasse, loin de la sortie du dédale que j’ai élaboré. Si je pense souvent à mon frère cadet qui s’est noyé, c’est peut- être parce que, quelque part, je l’envie. Mon frère qui s’est fondu dans l’eau transparente, adolescent qui jamais ne vieillira…
Le temps dilue, le temps désagrège, le temps abîme et corrompt. Les choses prennent une couleur sépia, comme un rêve enfoui dans les plis profonds du cerveau. Ce qui reste, c’est une odeur infime, une peur recroquevillée au fond du corps, une sensation d’excitation, une conversation insignifiante, d’ailleurs tout cela a-t-il existé vraiment, l’ambiguïté estompe tout, on ne peut s’appuyer sur rien.
Personne ne sait quand viendra la mort. Si j’ai eu l’idée de mettre ces photos dans une boîte, c’est pour que d’autres personnes voient cette chatte qui ne vivra sans doute pas longtemps. Pour que quelqu’un les regarde et se souvienne d’elle, dernièrement je me suis rendu compte à quel point c’est important de se souvenir. La chatte Ufo qui est là peut aller et venir librement dans le cœur de quelqu’un. Ici, elle est libre.