Nohant, Gaëlle «La Part des flammes» (03/2015)

Nohant, Gaëlle «La Part des flammes» (03/2015)

Auteur : Née à Paris en 1973, Gaëlle Nohant vit aujourd’hui à Lyon. Légende d’un dormeur éveillé (prix des Libraires 2018) est son troisième roman après L’Ancre des rêves (prix Encre Marine, 2007) et La Part des flammes (prix France Bleu/Page des libraires, 2015 et prix du Livre de Poche, 2016) Elle a également publié L’Homme dérouté (nouvelles) en  2010. En 2020 elle publie « La femme révélée » et en 2023 « Le bureau de l’éclaircissement des destins »  .

Résumé : Editeur : Héloïse d’Ormesson –  19/03/2015 – 368 pages / Le livre de poche – 09/03/2016 – 552 pages (prix France Bleu/Page des libraires, 2015 et prix du Livre de Poche, 2016)

Paris : fin du XIXe – (Belle Époque – 1879-1914)

Résumé : Mai 1897. Pendant trois jours, le Tout-Paris se presse rue Jean-Goujon à la plus mondaine des ventes de charité. Les regards convergent vers le comptoir n° 4, tenu par la charismatique duchesse d’Alençon. Au mépris du qu’en-dira-t-on, la princesse de Bavière a accordé le privilège de l’assister à Violaine de Raezal, ravissante veuve à la réputation sulfureuse, et à Constance d’Estingel, qui vient de rompre brutalement ses fiançailles. Dans un monde d’une politesse exquise qui vous assassine sur l’autel des convenances, la bonté de Sophie d’Alençon leur permettra-t-elle d’échapper au scandale ? Mues par un même désir de rédemption, ces trois rebelles verront leurs destins scellés lors de l’incendie du Bazar de la Charité. Enlèvement, duel, dévotion, La Part des flammes nous plonge dans le Paris de la fin du XIXe au cœur d’une histoire follement romanesque qui allie avec subtilité émotion et gravité. Mon avis : Des romans comme je les adore ; une belle histoire d’amour et d’amitié, très romantique avec en toile de fond une belle documentation historique sur un événement bien particulier : L’incendie du Bazar de la Charité, terrible incendie qui a ravagé Paris et a bien failli mettre un terme prématuré à l’histoire du cinéma. Les femmes du roman sont de fantastiques personnages et ce sont elles qui sont mise à l’honneur. Les hommes sont peu présents et dans des rôles secondaires. On découvre l’univers des dames patronnesses, les mesquineries, les manœuvres pour détruire et discréditer ses ennemis. La romancière nous fait visiter les hôpitaux et les asiles de l’époque, nous entraine dans le « Grand Monde ». La religion est également remise en question.. Entre les personnes mues par le cœur et celles qui sont poussées par l’amour de l’argent et de la notoriété… Je pense que mon amie qui aime les romans de Dominique Marny devrait bien aimer. Elle se reconnaitra si elle lit cet avis 😉 Extraits : Si ces vertueuses dames patronnesses ne visaient pas à panser les plaies d’une société foncièrement inégalitaire, elles s’employaient à en apaiser les convulsions et à faire accepter aux pauvres l’injustice de leur destin. Dans ce monde il n’est pas de bonheur possible. Le croire est une illusion. Observer son vieux chat, dont le pelage fauve tirait à présent sur le blanc et qui concentrait dans ses yeux toute la sagesse du monde, l’apaisait toujours. Il y avait un charme contenu dans ses yeux d’opale miellée qui s’insinuait en lui et dispersait le venin d’amertume qui accompagne le chagrin. Elle avait des morceaux brisés dans le cœur, les secouer était douloureux. Avant de refermer la porte derrière elle, il lui sembla que son portrait, qui lui faisait face, avait en la regardant l’ombre d’un sourire. Un peu de nostalgie se lisait dans ses yeux bleu pâle, comme si sa mémoire lui mordillait l’épaule pour la forcer à se retourner. Paris était à la fois un refuge et une prison dont le vacarme incessant l’apaisait étrangement. Ses rues n’étaient jamais les mêmes, joyeuses le matin, vibrantes à la tombée du jour, hantées la nuit par des ombres furtives qui s’évanouissaient au petit jour… Les artères luxueuses irriguaient les venelles mal famées et elle aimait ce contraste, ce mélange de grossier et de raffiné, la régénération permanente du cœur grouillant et sale de Paris. le vacarme des roues du fiacre sur les pavés peinait à couvrir celui de son cœur emballé. S’il pleurait dans l’incertitude, que ferait-il si on lui annonçait la mort de sa femme ? Elle détestait la promiscuité du malheur. Elle redoutait toujours d’y être entraînée malgré elle. Aussi choisissait-elle ses amies riches et bien portantes, recherchant inconsciemment en elles l’égoïsme qui lui garantissait des conversations sans douleur, balisées et artificielles. Dès le lendemain, la rumeur s’élança dans Paris avec la promptitude d’un poison dans le sang. J’y ai passé des heures merveilleuses. Je n’y suis jamais retournée de peur d’abîmer mes souvenirs…, – Je trouve que le courage, c’est plutôt de survivre quand on voudrait mourir… l’envie de mourir, ce poison de l’âme qui vous abîmait en vous-même quand il eût fallu ouvrir grandes les fenêtres, aérer ces boudoirs poussiéreux, ces alcôves mornes où se déroulait le plus clair d’une vie de femme, et chasser la tristesse par de longues promenades dans la campagne baptisée de rosée. C’était étrange de rire de nouveau, de secouer la monotonie du chagrin. Toutes ses douleurs grinçaient ensemble comme un trois-mâts hors d’âge secoué par la tempête, mais son désir était intact et son corps recelait des forces suffisantes pour sauver encore. peut-être cette manie de chercher des victimes à secourir n’était-elle qu’une manière de continuer à vivre après avoir échoué à sauver la plus précieuse d’entre elles. Paris avait peur, obnubilé soudain par ces incendies, ces départs de feu qui avaient toujours fait partie des péripéties de la ville, plus ou moins tragiquement. Tout cela n’était peut-être que le signe d’une candeur provinciale qui croyait encore au pouvoir de la bonne foi. il flaira sa peur ; c’était comme une aura qui épousait ses mouvements, faisait corps avec lui. Et cette peur de son ennemi réveilla la sienne, par une contagion puissante. Ce souvenir fit refluer l’angoisse et réveilla sa colère ; il l’accueillit avec reconnaissance, il avait besoin de cette énergie sombre et sanguine. Elle avait besoin de marcher, de retrouver la pulsation enfiévrée de la ville sous son pas, le concert de protestations des cochers, les coups de sifflet stridents des tramways à impériale, tout ce remue-ménage de vendeurs à la sauvette qui tentaient d’arrêter la foule pressée, les bourgeois amidonnés, les petites dames élégantes traversant pour aller chez leur couturière ou s’engouffrer dans ces nouveaux temples de la consommation qui avaient pour noms le Bon Marché, la Samaritaine ou le Printemps. Mais cet abri se change parfois en prison dorée… – Gardons l’abri, alors, et ouvrons grandes les portes de la prison, voulez-vous ? Son regard l’avait fait fondre comme les rayons d’une aube incendiée réveillent la forêt sous le givre. Ses mots peu à peu s’étaient frayé un chemin entre les ronces qui protégeaient son cœur altier, ouvrant une voie perdue dès l’origine. Des nuits entières elle avait écouté, ravie, le tumulte de ses pensées embrasées par un simple prénom, se repassant comme dans une lanterne magique les images de la genèse de cet amour, car il fallait bien appeler ainsi cette évidence d’avoir été rencontrée, sinon quoi ? il lui eût fallu comprendre qu’ils étaient liés par l’incendie qui ne les avait pas seulement marqués dans leur chair mais transformés en profondeur, comme un métal change de nature sous l’action de la flamme. L’automne viendrait, oui. Il fallait s’en réjouir, dans ce printemps qui n’en finissait pas de s’alanguir et vous emplissait d’une insoutenable envie de vivre. On n’était pas toujours juste dans le chagrin, et la colère qui l’accompagnait étendait un voile rouge qui brouillait les perceptions et vous faisait voir le mal là où il n’était pas. S’il avait recouvré toute sa fermeté de caractère, il avançait mécaniquement, si profondément désorienté qu’il lui fallait retrouver le sens et la finalité de chaque geste. La tristesse de sa mort la rongeait toujours mais elle n’était plus compliquée de ressentiment ni d’amertume. C’était un fleuve pacifique qui coulait en elle, charriant les larmes qu’elle n’avait pas versées. il suffisait d’accepter la réalité et de savourer le confort de cette vie en regardant ailleurs, ce qu’on ne voyait pas ne pouvait blesser. Elle s’était appliquée à regarder ailleurs mais quelque chose en elle avait cassé qui ne se réparait pas. Complément historique : l’incendie du Bazar de la Charité.

3 Replies to “Nohant, Gaëlle «La Part des flammes» (03/2015)”

  1. Lu et approuvé lol ma prochaine lecture dès que j’aurai fini la série chinoise de Peter May (dans 1 roman 1/2..)
    Merci de me trouver des lectures 😉

    1. ah je crois que tu vas beaucoup aimer ! tu me diras mais j’ai pensé à toi en le lisant.
      Toi aussi quand tu lis un truc qui devrait me plaire tu le dis 😉

  2. Je suis en train de le lire, je ne voulais pas lire ton avis jusqu’au bout pour ne pas être influencée, juste être tentée. Et vlan, je n’ai pas pu résister, j’ai lu, tout lu et bien lu !!! et je te laisse pour reprendre la suite de ma lecture. Ton avis m’a donné encore plus envie…

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