Bilal, Parker «Les écailles d’or» (2015)

Bilal, Parker «Les écailles d’or» (2015)

Les enquêtes de Makana : Les écailles d’or (1ère enquête)

(sorti le 03.03.2016 chez Points Policier)

Auteur : Parker Bilal est le pseudonyme de Jamal Mahjoub, Anglo-Soudanais également auteur de six romans non policiers. Né à Londres et diplômé en géologie de l’université de Sheffield, il a vécu au Caire, au Soudan et au Danemark avant de s’établir à Barcelone.

Dans un article du journal suisse « Le Temps » on nous le présente ainsi : Les polars de Parker Bilal ont le Caire pour décor et l’Egypte pour théâtre. Une rareté. Portés par un souffle lyrique et une écriture baroque, ses livres nous emmènent dans un tourbillon de sensations, de rebondissements rocambolesques et d’émotions. Ils nous font sentir la ville, son sol, sa poussière, son brouhaha, son histoire et ses tragédies. A travers le sympathique et assez mystérieux détective Makana – un ex-officier de la police soudanaise en exil dans la capitale égyptienne et qui vit sur une awama, une sorte de péniche déglinguée amarrée au bord du Nil – ils nous font sauter de toit en toit à la poursuite d’un coupable ou nous invitent dans une incroyable gargote pour déguster rognons frits, saucisses grillées, kebab et côtes d’agneaux.   ( voir l’article complet : https://www.letemps.ch/culture/2016/04/08/parker-bilal-homme-caire-un-polar)

Les enquêtes de Makana : Les écailles d’orMeurtres rituels à ImbabaLes ombres du désertLe Caire, toile de fond

Résumé : Le Caire, 1981. Alice, la petite fille d’une junkie anglaise de bonne famille, est enlevée dans les ruelles du souk.

Un milliardaire cairote issu de la pègre, Hanafi, sollicite les services du détective privé Makana pour retrouver la star de son équipe de foot, Adil, qui s’est volatilisée du jour au lendemain. Makana, ancien policier qui a fui le régime intégriste soudanais, vivote au Caire sur une « awana », sorte de péniche déglinguée, et si son costume défraîchi fait mauvais effet dans l’entourage d’Hanafi, son esprit affûté fait mouche. De plus, il entretient de bonnes relations avec un commissaire local et un journaliste politiquement engagé. L’enquête le mène des bistrots crapoteux et des rues poussiéreuses de la capitale aux résidences somptueuses des nantis du régime, et croise la route de la mère d’Alice, sauvagement assassinée alors qu’elle continuait obstinément à chercher son enfant disparue.

La séduction indéniable du roman, qui doit beaucoup aux arabesques du conte arabe et aux descriptions bariolées du Caire, offre un contraste saisissant avec un climat de menace constant, impénétrable et mystérieux.

Mon avis : Tous ceux qui me connaissent savent que j’aime l’Egypte. Alors évidemment, un roman policier qui se passe en Egypte, je ne peux pas résister… Direction Le Caire ( pas l’Egypte pharaonique : l’Egypte actuelle)

J’avais commencé par le deuxième mais je suis bien contente de faire un petit pas en arrière pour suivre Makana depuis le début. Après avoir appris comment Makana a atterri sur sa péniche, nous plongeons dans l’Egypte moderne, du XXIème siècle post-11 septembre. Un petit tour au Soudan, une grande partie au Caire ( qui est un élément essentiel de ce roman) , une virée dans les eaux bleues d’El Gouna. La violence est partout présente ; le fondamentalisme musulman, la corruption… D’un côté les riches, de l’autre les pauvres… D’un côté les étrangers, de l’autre les Egyptiens. Un roman policier mené tambour battant, sur fond d’Egypte… Alors bienvenue dans le monde du foot professionnel, des magouilles, des kidnapping, des règlements de compte, des secrets du passé, en compagnie de la mafia russe, des fondamentalistes, de la religion et du djihad. Avec un peu de mafia russe, d’anciens d’Afghanistan… Et une fois encore un enquêteur avec une vie pas facile…

Extraits :

Un rêve. Une vue de l’esprit. Mais, se répétait-il souvent, ce sont les petites choses qui nous permettent d’avancer dans la vie.

C’était comme d’entrer dans une autre dimension – dans un monde virtuel où rien ne pouvait vous toucher, ni physiquement ni autrement.

Sa voix faisait penser au crissement d’une bétonnière malaxant du gravier.

Elles étaient encore avec lui. Il aurait aimé croire qu’elles le resteraient toujours, mais il savait que ce n’était pas vrai. Depuis peu, il commençait à avoir l’impression qu’elles prenaient congé de lui, que leur souvenir s’effaçait avec le temps.

Son cœur pompait la colère d’autrefois dans ses veines, dans ses muscles, jusqu’au moment où elle se consuma dans l’air étouffant.

Cette ville dont toute l’histoire était une obsession des contraires. Nuit et jour. La séparation entre le royaume des vivants et celui des morts, les Enfers. Entre le flux de la vie et le fleuve du cosmos. C’était une accumulation de monticules funéraires, de mastabas, de tombes, de pyramides… siècle après siècle, dynastie après dynastie.

Flexibilité et patience, telles étaient les deux vertus cardinales requises pour son métier.

Le talent à l’état brut ne suffit pas à faire des miracles.

Tout est pourri. À commencer par la politique : on ne veut jamais rien imprimer qui risque d’offenser les uns ou les autres… les Frères musulmans, les ministres, voire même le président. Nous leur pardonnons parce que, s’il y a une chose de sûre dans ce pays, c’est que tôt ou tard nous aurons besoin d’une faveur, […]

J’ai certainement lu vos articles, pas vrai ? Je ne connais pas votre visage, c’est tout. Et pourtant, aujourd’hui, la plupart des journalistes n’ont qu’une obsession : se transformer en célébrités. C’est précisément ce qui cloche chez eux. Ils veulent être l’info plutôt que la transmettre.

Il réalisa l’exploit d’afficher un sourire en se tournant vers lui, même s’il y avait autant de chaleur dans ce sourire que dans les glaçons de son whisky.

La police ordinaire était marginalisée. La piété religieuse devenait la seule qualification valable.

« Je pense que les choses n’arrivent pas par hasard, même si nous n’en voyons pas la raison sur le moment. Bien sûr, il peut s’écouler bien des années avant que celle-ci apparaisse clairement, mais il y a toujours un motif d’ensemble. »

le regard vitreux avait quelque chose de presque reptilien dans sa fixité, dans son intensité obstinée.

Vous savez ce qui me plaît dans la mer ? dit Vronski. J’aime sa limpidité. Elle ne divulgue rien. Elle est transparente, et pourtant il se passe toutes sortes d’horreurs sous la surface. La nature recouvre d’un voile d’eau sa propre cruauté.

Et ils avaient une arme plus puissante que n’importe quelle pièce de notre arsenal sophistiqué : la foi. Ils croyaient de toute leur âme qu’ils vaincraient. Nous, non.

On dit que lorsqu’on perd un être cher, il reste présent dans votre cœur. C’est vrai au début, mais cela ne dure pas. Il s’efface peu à peu, comme tout le reste, et alors on se rend compte qu’on est vraiment seul.

Il est persona grata.
– Ah !
– “Ah !” est le mot juste, mon ami. Si vous lui marchez sur le pied, c’est moi qui ai mal.

C’était comme d’entendre un oiseau chanter faux et de sentir, instinctivement, que quelque chose ne va pas du tout.

Ces cours étaient dénoncés comme relevant d’un « kafir sioniste », un complot destiné à miner la morale islamique pour lui substituer l’idéologie moderniste des incroyants

– Vous êtes né idiot ou c’est à l’école que vous l’êtes devenu ? »

L’avantage d’un mensonge, c’est que si on le répète suffisamment souvent, les gens finissent par le prendre pour la vérité.

Un homme qui renonce à manger, c’est mauvais signe, il invite la mort à entrer

Les gens disent : pourquoi lui et pas nous ? Ils ont raison, bien sûr. Mais la vie nous enseigne au moins une chose, c’est qu’elle n’est pas juste.

Par moments, il savait que la voix n’existait que dans sa tête, qu’elle criait des tréfonds de lui-même, d’une partie de son être qu’il ne pouvait identifier.

– La démocratie, c’est comme l’amour : un mensonge inventé pour que nous restions à notre place, satisfaits de notre sort.
– Certains en diraient autant de la religion.

Toute la zone fourmillait de militaires et de check-points. Comme d’habitude, on s’empressait de verrouiller la porte de l’écurie alors que le cheval avait déjà décampé.

On apprend à s’adapter. On mange. On dort. Et peu à peu, très lentement, on oublie.

Avec le temps, ça devient plus difficile de regarder la vérité en face que de vivre dans le mensonge.

– Que serait l’âme humaine sans poésie ?

Photo : El Gouna

4 Replies to “Bilal, Parker «Les écailles d’or» (2015)”

  1. J’ai aussi bien aimé ce bouquin. Et si vous aimez l’Egypte, L’immeuble Yacoubian de Alaa El Aswani vous plaira sûrement.

    1. Oh j’ai adoré « L’immeuble Yacoubian »! et j’apprécie cette série de policiers de Parker Bilal.. Je ne vais pas tarder à lire le tome 4 .

  2. J’ai attaqué Les Écailles d’or, la première – et très prometteuse- enquête de Makana, ancien policier soudanais exilé en Égypte et devenu enquêteur privé.

    On y découvre, sur fond d’extrémisme religieux, de règlements de compte et de corruption, une belle galerie de portraits, des riches, des pauvres, des gens de la pègre, de la mafia russe… et Le Caire comme personnage principal. Impossible de s’ennuyer.

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