Barde-Cabuçon, Olivier «Le carnaval des vampires» (2018)
Auteur : Olivier Barde-Cabuçon vit à Lyon. Après un début en cabinet d’avocat, il exerce ses talents de négociateur dans un groupe international. Il écrit ses romans le week-end et pendant les vacances Féru de littérature, d’art et d’histoire, son goût pour les intrigues policières et son intérêt pour le XVIIIe siècle l’ont amené à créer le personnage du « commissaire aux morts étranges »
7ème enquête du Commissaire aux morts étranges
Résumé : Le commissaire aux morts étranges et le moine hérétique ont trouvé refuge à Venise. Dans le palais où ils séjournent, de curieux évènements se produisent et nos enquêteurs croient déceler la nuit une présence suspecte. Mais de bien plus étranges événements se déroulent au dehors dans la cité d’ombres et de lumières. Des corps sont retrouvés vidés de leur sang. La population paniquée profane les cimetières pour brûler des corps après leur avoir percé le cœur. Y aurait-il des vampires à Venise ? Il faudra tout le sang-froid du chevalier de Volnay et le rationalisme du moine hérétique pour le découvrir.
article global sur la série du « commissaire aux morts étranges »
Mon avis : J’ai adoré ! C’est le crescendo … A chaque opus je suis de plus en plus emballée. Moi qui étais toute triste d’avoir perdu mes aventures vénitiennes en compagnie de la Léonarda de Frédéric Lenormand, je trouve sa digne héritière en la personne de Violetta. En plus d’en apprendre davantage ou de rafraichir mes connaissances sur Venise et la vie à Venise, (les portes, les procurateurs, les épouvantails, les vins, les sites, les Barnabotti…) j’ai en plus la surprise de croiser les régionalismes lyonnais … lorsque Violetta débaroule dans l’action. Dans la ville aux six portes nous allons affronter les vampires et l’acqua-alta, mais pas que… et même avoir la petite référence à Othello… Nous allons baigner dans les offrandes de sang, côtoyer Hadès, Circé.. Nous allons visiter les iles et leurs particularités (Burano la colorée et ses dentellières, Murano, Torcello) . Alors bienvenue dans le monde des masques , des vampires et des stryges… Laissez vous guider par la fascinante Magda et les autres…
Le moine est toujours et encore mon personnage préféré mais le Commissaire aux morts étranges s’humanise de plus en plus. Et Violetta fait souffler le vent de la jeunesse et de la spontanéité. J’apprécie aussi les traits d’humour dans l’écriture, les descriptions de cette Venise en clair-obscur avec son ambiance à nulle autre pareille, masquée parfois, mais toujours voilée et nimbée de mystère
Et dire que maintenant il va falloir attendre une année pour avoir des nouvelles de l’écureuil… et des autres…
Extraits : ( il y a l’embarras du choix.. alors il va vous falloir lire le livre 😉 )
Comme le sang irrigue le corps, les canaux, les rii, sillonnaient la ville comme des veines, portant au soir le reflet soudain pesant des maisons sur l’eau opaque.
Ce repas constituait une fresque multicolore, la table une mosaïque de couleurs.
Tout semblait en suspension, les choses comme les êtres. Par les fenêtres, il voyait la mer, se sentant soudain comme le capitaine d’un navire déserté par son équipage.
Après tout, à la fin d’une journée, l’essentiel n’est-il pas de pouvoir compter le nombre de personne à qui l’on peut faire confiance ?
Lorsqu’il rêvait, il se retrouvait pêcheur jetant au loin son filet pour remonter du plus profond de la mer des choses d’un temps oublié.
Lui qui avait toujours résolument choisi de vivre dans le présent et l’avenir, quelque chose venait d’émerger de son passé.
Au jour qui se lève, son esprit tortueux préférait le coucher de soleil, les soirs qui étalent leur ombre, le rythme paisible des heures nocturnes quand le monde se livre au sommeil. La nuit déroulait alors d’infinies sinuosités et offrait tous les chemins possibles au désir et au savoir comme à l’imaginaire.
À Venise, ville des songes et création de l’impossible, on gardait toujours l’impression que ciel et eau se trouvaient à portée de main.
la loyauté est totale ou elle n’est pas.
La réflexion n’entraîne pas forcément le changement mais le changement entraîne toujours la réflexion.
Venise est la ville des reflets et pourtant elle refuse de contempler son image ou simplement de porter un regard juste sur elle-même. Et d’ailleurs qu’y verrait-elle sinon une cité qui s’engloutit en elle-même ?
Le pouvoir en place n’apprécie pas les gens qui réfléchissent. Réfléchir, c’est commencer à désobéir !
Le sang a toujours possédé une énorme valeur symbolique pour l’homme, reprit-il en donnant une petite tape affectueuse sur la tête de Violetta, comme le démontrent les pactes de sang. De même pour le culte rendu aux morts avec l’offrande de sang et de farine pour nourrir ceux-ci ou encore les sacrifices sanglants de l’Antiquité par égorgement. On attire aussi les mânes des morts par le sang pour les contraindre à dire l’avenir car les ombres de la maison d’Hadès en sont friandes. En réaction, notre religion chrétienne a interdit son ingestion : vous ne mangerez le sang d’aucune chair car l’âme de toute chair, c’est son sang…
— Dans ce cas, pourquoi manger le corps du Christ et boire son sang pendant l’Eucharistie ?
je vous devine plus que je ne vous déchiffre !
— Mon fils, tu as la capacité émotionnelle d’une seiche !
— Ça vaut mieux que d’avoir celle d’une éponge !
Dans l’obscurité, comme une vieille femme bavarde, le palais parle et semble craquer de tous ses os. Mais pas de fantôme, cette fois. Rien que des souvenirs. Beaucoup de souvenirs…
Ils ne sont ni morts, ni vivants mais seulement vivants dans la mort
L’obscurité était tombée trop vite. Il ne lui restait plus de cette journée passée que quelques gorgées de chaleur et, au fond des rétines, des couleurs emmagasinées. Une nuit liquide se glissait par la fente des volets, dans l’encoignure des fenêtres pour emplir sa chambre d’une soupe d’encre.
Ne sachant s’il allait rester car elle avait souvent été abandonnée, elle s’efforçait d’accumuler le plus possible de souvenirs partagés pour demeurer dans son cœur et son esprit et réciproquement.
La politique est un art qui se résume en trois mots : communication, alliances, assassinats.
Venise est une cité femme par-dessus tout !
Un dédale d’escaliers, de ruelles et de cours, la lumière captive ici, soudain libérée là en autant de déflagrations. Et partout les subtiles modulations de couleur à la vénitienne. On ne marche pas, ici, on vagabonde.
Qu’est-ce qu’une enquête, sinon un puzzle que quelqu’un a dispersé d’un coup de pied et qu’il faut minutieusement reconstituer en comprenant le lien entre les pièces ?
Je suis comme un poisson dans un bocal à me cogner contre les parois de ma mémoire. Trop de souvenirs… trop de souvenirs…
Il convient de se méfier des vampires qui vous sucent le sang mais il en existe d’autres qui n’ont pas soif de sang, eux, mais d’argent et de pouvoir.
il y a toujours quelqu’un qui attend que tu perdes l’équilibre pour le plaisir de te voir tomber !
Des nuances douces et violentes. La richesse de la palette. Une manière de rendre visible l’invisible.
Un homme est ce pour quoi il se passionne. S’il renonce à ce qu’il désire le plus, il peut s’en trouver malheureux. Que désirez-vous le plus ? Revenir en arrière ou aller de l’avant ?
Comme un bâtiment en mer surpris par la tempête, la maison tremblait, vibrait, grinçait et craquait. Si elle avait été un corps humain, on aurait entendu toutes ses dents claquer.
Père, parez à droite ! Père, parez à gauche !
— Je pare au plus pressé ! haleta le moine.
Une interview inhabituelle : La Venise gothique et crépusculaire et les vampires
2 Replies to “Barde-Cabuçon, Olivier «Le carnaval des vampires» (2018)”
Voici une série que je découvre et qui me donne envie.
Merci pour cet avis
Merci pour ce petit mot. J’espère que cela vous plaira . Je suis curieuse d’avoir un retour sur lecture…