Fouassier, Eric «Le piège de verre» (2017)
Auteur : Né en 1963, Éric Fouassier, membre de l’Académie nationale de pharmacie, grand spécialiste de l’histoire de la pharmacie qu’il enseigne en faculté depuis plus de vingt ans, est un passionné de jeux de piste et d’énigmes. Auteur de littérature générale (pseudonyme Yves Magne) , Eric Fouassier s’est aussi illustré dans le domaine du roman policier. Son livre Morts thématiques a ainsi reçu en 2011 le prix Plume de Glace décerné dans le cadre du festival de Serre-Chevalier, sous le parrainage de Patrick Bauwen. « Bayard ou le Crime d’Amboise » est le premier tome d’une série de trois aventures indépendantes. Suivent « Le piège de verre » (2017) et « Le disparu de l’Hôtel-Dieu » (2018)
Série Sans peur et sans reproche – tome 2
JC Lattès Editions – 01.02.2017 – 480 pages /Editions du Masque – 24.01.2018– 512 pages
Résumé : 1503, trois alchimistes sont retrouvés assassinés, d’étranges lettres gravées sur le front. Convaincue qu’un complot se trame à l’ombre de la Couronne, la reine Anne de Bretagne fait appel, pour mener l’enquête, à la jeune apothicaire Héloïse Sanglar, accompagnée du baron de Comballec. Afin de déjouer la machination conçue par un esprit dérangé, les voici contraints de décrypter les énigmes et codes secrets d’un mystérieux parchemin.
Vitrail aux pouvoirs mortifères, sciences occultes, disparitions mystérieuses… Les menaces pleuvent sur Héloïse, bien décidée à venir à bout des adversaires du roi. Mais les temps sont difficiles quand on est une femme, et, afin de survivre, il lui faudra l’aide de tous ses alliés, peut-être même celle de son amour de jeunesse, le chevalier Bayard. À moins que l’attrait grandissant que Comballec exerce sur elle ne bouleverse ses plans…
Dans ce récit captivant, Éric Fouassier nous entraîne dans une véritable course contre la montre au cœur de la France de la Renaissance.
Mon avis :
J’ai donc enchainé sur le tome deux des aventures d’Héloïse Sanglar (plus que celles du Chevalier Bayard) pour mon plus grand plaisir. Par contre, pour ce qui est de l’art du vitrail, je suis restée sur ma faim et je vais donc me procurer le livre de Bernard Tirtiaux, « Le Passeur de lumière » (cité en exergue) mais j’ai passé un très bon moment. Je me suis attachée à Héloise, cette femme courageuse, forte, intelligente, érudite, fougueuse, amoureuse, loyale… et aux autres personnages qui allient force et faiblesses… Un chouette roman d’aventures, une enquête à résoudre, des rebus, roman historique, roman d’amour, dans un contexte documenté (les lieux, les monuments). Nous revoilà en compagnie d’Anne de Bretagne, de Louis XII en ce début de XVIème siècle, période de la Renaissance et nous allons parcourir les routes de France pour déjouer un complot.
J’ai appris au passage qu’une Jacqueline était une Bouteille de vin. Un peu d’alchimie, un brin d’ésotérisme, quelques informations sur les médecines naturelles et je me rejouis de retrouver la dame pour de nouvelles aventures…
Extraits :
La transformation de certains métaux puis leur incorporation en justes proportions dans le verre confèrent à la lumière un grand pouvoir mortifère.
Il s’agissait là, à l’évidence, d’un fils de la lune. Car telle était alors l’appellation dont on désignait communément les rares personnes souffrant d’un complet défaut de pigmentation.
Par le passé, les Sanglar avaient appris à leurs dépens que les gens du peuple ont tout à redouter quand ils se trouvent mêlés aux affaires des grands de ce monde.
Il est vrai que la pharmacie possédait alors d’innombrables remèdes empruntés aux trois règnes. Le règne végétal fournissait à foison des racines, des feuilles, des fleurs, des fruits mais aussi des résines, des gommes et des baumes. Du règne animal, on tirait profit de la bête entière conservée par séchage ou d’une partie seulement, os, chair, griffes, corne, ou bien encore des substances excrétées comme les calculs, l’ambre ou le musc. Le corps humain était lui aussi mis à profit et constituait une ressource précieuse. Ne trouvait-on pas répétée, sous la plume des meilleurs auteurs, l’affirmation selon laquelle l’homme que Dieu a fait à son image disposait de vingt-quatre parties prêtes à l’usage ? Entre toutes, l’axonge humaine que les apothicaires se procuraient auprès des bourreaux était la plus utilisée. Le règne minéral, pour sa part, était représenté par des metallica tels l’alun, l’arsenic, le borax, le cinabre et la litharge, des terra, comme le talc et l’albâtre, ainsi que des preciosa, ces saphirs, rubis, perles et coraux dont l’administration exigeait une pulvérisation minutieuse.
On aurait dit qu’avant de partir, elle tenait à dire adieu aux objets et aux fantômes des proches qui l’avaient accompagnée pendant toutes ces années.
Il y a aussi peu de gloire à vaincre sans péril qu’à déserter le champ de bataille !
D’ailleurs, quiconque a eu le bonheur d’étudier en les livres trouve en soi-même moult façons de distraire son esprit.
Tous portaient en travers de leur poitrine une écharpe de soie sur laquelle se trouvaient brodés au fil d’argent les principaux instruments de leur art : le couteau en forme de serpe indispensable au travail du plomb, le diamant si utile pour tailler le verre et le marteau destiné à tasser les composants du vitrail après sertissage.
Pour orner basiliques et cathédrales, mais aussi châteaux et palais, la mode est à la fresque et les commandes de vitraux commencent à se raréfier.
L’art du vitrail prédomine sur tout autre, car il n’est rien sans la lumière des cieux.
Ils arrivèrent à l’heure brune, entre chien et loup.
Peut-être l’ignorez-vous, mais ce fut déjà un moine nommé Théophile qui coucha par écrit, au XIe siècle, l’ensemble de la théorie relative à l’art du vitrail.
Le jus de certains végétaux présente la particularité de pouvoir être utilisé pour écrire des correspondances secrètes. Une fois séché, il est absolument indétectable et seule une source de chaleur permet de révéler les lettres tracées. On trouve de nombreuses recettes de ces encres invisibles dans les ouvrages anciens. […] Le jus de citron soumis à la flamme donnera une couleur brune, celui de cerise une couleur verdâtre. Mais ainsi que le laissait prévoir la faible odeur dont le papier était encore imprégné, ici, c’est le jus d’un oignon qui a été utilisé.
Elle avait ainsi nettoyé son visage et en avait clarifié le teint en usant d’une liqueur à base d’eau de rose, d’eau de lis, de fleurs de fève, de mie de pain, de blancs d’œufs et d’encens blanc. Mais elle avait pris soin aussi de rehausser ses pommettes et ses lèvres en les frottant d’un ruban de soie imprégné d’un pigment mêlant poudre de corail et coquelicot.
Image : Vitrail de l’apocalypse, Cathédrale st Étienne de Bourges, détail l’agneau avec l’étendard de la résurrection, XIIIème siècle, domaine public