Fouassier, Eric « Le disparu de l’Hôtel-Dieu » (2018)

Fouassier, Eric « Le disparu de l’Hôtel-Dieu » (2018)

Auteur : Né en 1963, Éric Fouassier, membre de l’Académie nationale de pharmacie, grand spécialiste de l’histoire de la pharmacie qu’il enseigne en faculté depuis plus de vingt ans, est un passionné de jeux de piste et d’énigmes. Auteur de littérature générale (pseudonyme Yves Magne), Eric Fouassier s’est aussi illustré dans le domaine du roman policier. Son livre Morts thématiques a ainsi reçu en 2011 le prix Plume de Glace décerné dans le cadre du festival de Serre-Chevalier, sous le parrainage de Patrick Bauwen. « Bayard ou le Crime d’Amboise » est le premier tome d’une série de trois aventures indépendantes. Suivent « Le piège de verre » (2017) et « Le disparu de l’Hôtel-Dieu » (2018)

JC Lattès – 24.01.2018 – 534 pages / Livre de poche 27.02.2019 – 592 pages

Série Sans peur et sans reproche – tome 3

Résumé : Juin 1515, des hommes vêtus de noir pénètrent, la nuit, dans l’Hôtel-Dieu de Paris et n’hésitent pas à semer plusieurs cadavres derrière eux pour s’emparer d’un mystérieux médaillon. Le jeune Etienne, un enfant intrépide d’une douzaine d’années, hérite par hasard du pendentif. Pris pour cible, il doit se jeter dans la Seine pour échapper à ses poursuivants. Ce qu’il ignore, c’est que le fameux médaillon est en fait une clé permettant de décrypter un code secret vénitien.
A la veille de la nouvelle campagne d’Italie projetée par François 1er, sa possession revêt une importance stratégique capitale. Pour retrouver Etienne, son fils unique, Héloïse Sanglar, femme-apothicaire, doit mener sa propre enquête et se mêler aux affrontements souterrains qui opposent les espions des deux camps. Finalement, en désespoir de cause, elle n’aura d’autre choix que de faire appel au chevalier Bayard, son ancien amour, qu’elle n’a pas revu depuis plus de douze ans.
Tous deux devront se joindre aux troupes françaises en route pour l’Italie, où la belle Héloïse aura de multiples occasions d’exercer son art auprès des soldats blessés. Alternant les chapitres consacrés aux mésaventures du jeune Etienne et ceux dédiés à la quête d’Héloïse et Bayard, le livre est construit comme une montée crescendo qui culmine avec les retrouvailles des trois héros sur le fameux champ de bataille de Marignan.
Disparition de cadavres, enlèvements, vol de documents, trahisons, assassinats, guet-apens, poursuites, batailles rangées, joutes amoureuses, les rebondissements sont multiples.

Mon avis : C’est avec grand plaisir que j’ai retrouvé Héloïse mais je dois dire que c‘est le tome que j’ai le moins aimé. Héloise est nettement en retrait – bien que toujours présente – et le côté chevaleresque « aventure et cape et épée » est nettement moins présent. Par contre il y a beaucoup plus de guerre, de batailles et de combats et toute l’action et l’intrigue passe un deuxième plan dans la deuxième partir du roman. Coté historique, c’est extrêmement bien documenté et j’ai encore appris des choses sur le Paris des anciens temps et c’est toujours un plaisir. Toutefois je préférais le coté apothicaire, cavalcades, intriques et enquête… Pour être honnête, les aventures d’Etienne n’ont pas le coté romanesque des romans précédents, même si elles sont très bien comptées, et elles ne m’ont pas touché au cœur. Mon coté midinette n’a pas vibré comme dans les deux tomes précédents. Contente du petit passage par Venise, même si ce fut un passage éclair…

Extraits :

Toutes les nuits, la Sérénissime se rêvait maîtresse du monde et chaque aube éclose lui en offrait la promesse renouvelée.

— Que peut devenir un batelier imprudent, sinon un noyé des plus présentables ?

Les cagnards étaient des quais voûtés, sombres et malsains, situés au bord de la Seine, sous les bâtiments de l’hôpital. Ils servaient à la fois de débarcadère depuis le fleuve, de déversoir des eaux usées et de lavoir pour le linge. On prétendait que certains étudiants en médecine utilisaient cette issue discrète, à la nuit tombée, pour dérober des cadavres afin de parfaire leurs connaissances en anatomie.

À l’extrémité de ce singulier goulet, se profilait, lugubre et noire, la silhouette massive du Grand Châtelet. En la voyant se dresser devant elle, Héloïse ne put réprimer un frisson. La solide forteresse médiévale, aux multiples tours et tourelles jadis entourées de douves, constituait le siège de la juridiction de la prévôté de Paris, chargée de la police et de la justice criminelle. Nul n’ignorait qu’elle abritait en son sein les plus redoutables cachots de la capitale. Certains portaient d’ailleurs des noms particulièrement évocateurs : les Chaînes, les Boucheries, Barbarie, les Oubliettes, la Fosse et Fin d’aise. Les basses geôles de la forteresse servaient tout à la fois de morgue et de salles de torture.

La répartition des pouvoirs de garde et de police dans la capitale relevait d’un équilibre subtil et complexe. Il y avait la prévôté de Paris dont dépendaient les lieutenants civil et criminel. En charge de la justice royale ordinaire, elle avait pour bras armés les sergents à verge et à cheval. Le guet royal, formé par les bourgeois et maîtres des métiers, assurait quant à lui la surveillance de nuit dans les rues. Enfin, la garde bourgeoise, émanation du pouvoir municipal, intervenait pour réprimer les éventuelles émeutes, avec pour chefs seize commandants de quartiers ou quarteniers.

Il y a en lui un vieux fond de tristesse, confessa-t-il. Quelque chose qui le mine de l’intérieur et qui le maintient, même au milieu de la foule, à l’écart des autres. Il me fait parfois songer à ces grands chênes solitaires frappés par la foudre. En apparence, rien n’est changé. Ils demeurent dressés sur l’horizon, solides et massifs, mais la mort est déjà à l’œuvre et les ronge sous l’écorce. Ils s’abattent un beau matin sans que personne n’ait rien vu venir.

Mouette fut particulièrement étonnée d’apprendre que même le modeste pissenlit possédait des vertus cachées, ayant le pouvoir de stimuler la sécrétion de la bile et de favoriser l’élimination des calculs rénaux.

Tout au plaisir de briller, il résolut de lui faire découvrir le merveilleux agencement de la création divine et lui expliqua la raison pour laquelle la passiflore est tenue, par les plus savants esprits, pour une véritable panacée. « Les Anciens ont ainsi nommé cette plante car elle porte témoignage, à travers les âges, de la Passion du Christ. Les filaments rougeâtres rappellent la couronne d’épines. L’ovaire porté par un long pédoncule évoque l’éponge trempée dans du vinaigre au bout de la lance d’un légionnaire romain. Les sépales et pétales sont au nombre de dix et figurent les dix apôtres restés fidèles, après le reniement de Pierre et la trahison de Judas. Le pistil représente les trois clous qui ont servi à crucifier Notre Seigneur. Les cinq étamines symbolisent les plaies de Jésus. Quant aux stigmates, ils forment tout simplement le signe de la croix. »

Et aussi tous ces instruments destinés aux distillations qui l’avaient tant impressionnée quand elle n’était encore qu’une enfant ; alambic, réfrigératoires, sublimatoires, descendoires, calcinatoires, pélicans, gémini ou circulatoires, four secret des philosophes, œuf des philosophes, cornues, aludel, vaisseau de rencontre, terrines à filtrer, fourneaux équipés de creusets pour réduire les métaux calcinés…

— La peur et l’amour sont deux compagnons inséparables. Ils ne vont jamais l’un sans l’autre, car s’éprendre  d’un autre être, c’est se condamner à le perdre un jour. Aimer réclame foi et oubli de soi-même. Nous savons toi et moi que tu possèdes ce don.

Ils avaient tant de nuits perdues à rattraper ! Tant d’étreintes vécues seulement en songe à réinventer au présent !

Qui veut connaître tout de tout, ne connaîtra rien de rien. Mais celui qui se borne à connaître tout d’une seule chose, se met sur le chemin de comprendre tout.

— L’automne sera bientôt là, dit-il, songeur. C’est une période que j’apprécie particulièrement. Peut-être parce qu’elle nous offre la possibilité de profiter une dernière fois du soleil avant le long sommeil de l’hiver. C’est la saison des ultimes embrasements.

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