Dieudonné, Adeline « La vraie vie » (RL2018)

Dieudonné, Adeline « La vraie vie » (RL2018)

Autrice : Adeline Dieudonné est née en 1982. Elle habite Bruxelles. Dramaturge et nouvelliste, elle a remporté́ grâce à sa première nouvelle, Amarula, le Grand Prix du concours de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Elle a publié́ une nouvelle, Seule dans le noir aux éditions Lamiroy, et une pièce de théâtre, Bonobo Moussaka, en 2017. « La Vraie Vie » est son premier roman.

L’Iconoclaste – 29.08.2018 – 265 pages – Prix Renaudot des lycéens – le Prix du roman Fnac

Résumé : Un roman initiatique drôle et acide. Le manuel de survie d’une guerrière en milieu hostile. La fureur de vivre.
Chez eux, il y a quatre chambres. Celle du frère, la sienne, celle des parents. Et celle des cadavres. Le père est chasseur de gros gibier. Un prédateur en puissance. La mère est transparente, amibe craintive, soumise à ses humeurs.
Avec son frère, Gilles, elle tente de déjouer ce quotidien saumâtre. Ils jouent dans les carcasses des voitures de la casse en attendant la petite musique qui annoncera l’arrivée du marchand de glaces. Mais un jour, un violent accident vient faire bégayer le présent. Et rien ne sera plus jamais comme avant.

Mon avis : Alors je suis à contre-courant de l’avis général qui a crié au chef-d’œuvre… Je n’ai pas aimé et je n’ai pas trouvé que c’était si bien écrit que ça… Pour moi elle surfe sur la corde sensible : un père violent, une mère terrifiée qui n’ose ni exister, ni s’interposer par peur de se faire battre, les enfants qui font tout pour être invisibles. Quoi de pire qu’un homme qui adore tuer les animaux et collectionner des trophées, passe sa vie devant la télé à boire et fait régner la terreur dans son foyer en imposant la loi du sang (à tous les niveaux : nourriture, chasse, violence). Un homme pour qui seul compte le mâle, qui traite les femmes sans aucune considération, ne songe qu’à les enfoncer et les rabaisser et qui logiquement ne peut admettre de les voir redresser la tête. Quoi de plus normal qu’une petite fille veuille protéger son petit frère ? La petite fille qui cherche à échapper à l’Ogre qui la poursuit dans la nuit, dans la forêt, elle se perd, va-t-elle survivre et échapper à la « Bête » …  Vous n’avez pas l’impression de réentendre les contes de féés de votre enfance ? Ah oui, vous voulez savoir si le frère marchera dans les traces du père et savoir si le méchant Ogre sera battu par les plus faibles et que la bonté triomphera du mal…   J’ai un peu eu l’impression d’aller à la chasse aux clichés… De plus les humains comme gibier, j’ai dejà lu cela dans le livre de Karine Giebel, « Chiens de sang ». Et comme en prime j’ai toujours bien aimé les hyènes (au passage les mâles se font souvent maltraiter par les femelles et elles se nourrissent beaucoup de charognes et non d’animaux sanguinolents)… Un bon point : il est court !

Extraits :

Et dans un coin, il y avait la hyène.
Tout empaillée qu’elle était, elle vivait, j’en étais certaine, et elle se délectait de l’effroi qu’elle provoquait dans chaque regard qui rencontrait le sien.

Il faisait celui qui parlait à ma mère, mais, en réalité, on aurait pu la remplacer par un ficus, il n’aurait pas vu la différence.

Il y a des gens qui vont vous assombrir le ciel, qui vont vous voler la joie, qui vont s’asseoir sur vos épaules pour vous empêcher de voler. Ceux-là, vous les laissez loin de vous.

Que la vie est une grande soupe dans un mixer au milieu de laquelle il faut essayer de ne pas finir déchiqueté par les lames qui vous attirent vers le fond.

Quelque chose dans sa voix a transformé mon cœur en boule à neige. Elle l’a secouée et des milliers de particules scintillantes se sont agitées à l’intérieur de moi.

Le voyage dans le temps, c’est comme l’immortalité, c’est un fantasme compréhensible, mais il faut apprendre à accepter l’inacceptable. L’homme veut comprendre, c’est sa bonne nature, sa nature d’enfant. Observe, comprends, explique, c’est ton boulot de scientifique. Mais n’interviens pas. L’univers a ses lois, ça fonctionne, c’est un système qui se fabrique lui-même, à la fois architecte, manœuvre et produit, tu ne seras jamais plus maligne que lui.

Il y a des choses qu’on ne peut pas accepter. Sinon on meurt.

Je me suis rappelé que j’étais sur la branche ratée de ma vie. Un jour, je reviendrais dans le temps.

Je refusais d’être une proie ou une victime, mais je voulais rester vivante. Vraiment vivante. Avec des émotions. J’ai fait un effort pour pleurer, je sentais que c’était nécessaire, un réflexe de survie. Je donnais de grands coups de pioche pour dégager ma source intérieure. Je n’ai pas eu besoin de creuser longtemps. Les larmes ont jailli en un déluge salé sur mon oreiller.

J’avais réussi à me construire un paysage intérieur solide et fertile. Il n’avait rien vu, j’avais déployé des trésors d’ingéniosité pour lui dissimuler ça derrière un décor sec et gris.

Photo : prise au Kenya

2 Replies to “Dieudonné, Adeline « La vraie vie » (RL2018)”

  1. Ben voilà ! C’est dommage.

    Pour ma part, j’avais glissé ce roman dans ma liseuse après avoir vu un reportage sur Adeline Dieudonné un soir à la RTBF. L’auteure est belge et m’a eu l’air bien sympathique. J’étais curieuse de voir ce que son roman valait.

    Je suis tombée sous le charme de ce beau roman, très bien écrit, empli d’amour, celui d’une fillette pour son frère, mais où la violence monte progressivement jusqu’au drame final.

    Ce roman initiatique, paradoxalement très noir et lumineux à la fois, traitant de l’enfance, de la fascination pour le mal et de la violence conjugale a été pour moi un véritable coup de cœur.

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