Voltenauer, Marc «Le Dragon du Muveran» ( 2016)
Auteur : Ecrivain suisse, Marc Voltenauer est né en 1973 à Genève, d’une mère suédoise et d’un père allemand et a vécu à Versoix, au bord du Léman, les vingt premières années de sa vie. Enfant, il est partagé entre sa passion pour le foot et son attrait pour une carrière de pasteur, peut-être pour suivre les traces de son grand-père, évêque au sein de l’église luthérienne de Suède. Après des études de Théologie à l’Université de Genève, Marc Voltenauer s’engage comme Secrétaire général des Unions Chrétiennes de Genève et opte ensuite pour un poste dans les ressources humaines au sein d’une banque. C’est suite à un voyage autour du monde qu’il décide de se mettre à l’écriture, et trouve à son retour son inspiration dans le pittoresque village montagnard de Gryon. Grand amateur de films et de romans policiers, il se dirige tout naturellement vers le polar.
Série : Andreas Auer «Le Dragon du Muveran» est le 1er roman de cet auteur mettant en scène l’Inspecteur Andreas Auer. La 2ème enquête de Auer «Qui a tué Heidi ?»(septembre 2017). « L’aigle de sang» (14 mars 2019), «Les protégés de Sainte Kinga»(1 octobre 2020); «Cendres ardentes » (2 mars 2023)
Paru chez Slatkine & Cie – 2016 – 516 pages / Pocket en 2017 (600 pages)
Résumé : Le village de Gryon, dans les Alpes vaudoises, est en émoi : dans le temple gît un cadavre, nu, allongé sur la table sainte à l’image du Christ crucifié. À l’extrémité du couteau qui lui a transpercé le cœur, un message : « Si donc la lumière qui est en toi est ténèbres, combien seront grandes les ténèbres ! » L’inspecteur Andreas Auer est convaincu que ce meurtre est le premier acte d’une mise en scène macabre et symbolique. Peu à peu, les secrets que certains villageois auraient préféré garder enfouis refont surface et viennent semer le trouble dans ce lieu d’habitude si paisible…
La presse :
« Bourré de références au genre, Le Dragon du Muveran offre un huis clos policier haletant.» Direct Matin (France)
« Marc Voltenauer réussit avec son premier thriller un sacré tour de force. Une révélation ! » L’Illustré (Suisse)
« Un thriller redoutable dans la veine des polars nordiques. » Ciné Télé Revue (Belgique).
J’ai eu le plaisir de me faire dédicacer le livre hier au Salon du livre de Geneve et de discuter un peu avec l’auteur. Ce fut un super moment 😉
Mon avis : Après avoir lu le tome 2 «Qui a tué Heidi ?» impossible de ne pas se précipiter sur le tome 1! Et comme j’ai bien fait ! En bande son, Carmina Burana, Ainsi parlait Zarathoustra de Richard Strauss, Supertramp, Le Requiem de Mozart…
Et à la question lequel préférez-vous ? je crois que j’ai une mini.. mais alors mini – préférence pour le premier car j’ai adoré faire connaissance avec les personnages… Parlons en des personnages.. Un couple gay de bons vivants qui aiment la bonne bouffe, les cigares, le bon vin : Andreas Auer, inspecteur à la James Bond avec une touche d’humanité (portrait p.387) qui déteste avoir tort et être pris en défaut, qui montre un interet certain pour le symbolisme et la psychologie dans la Bible, qui s’occupe principalement de ce qui se passe dans le présent. Son ami, Mikael, journaliste free-lance, lui, fouille le passé; il a de sacrées connaissances théologiques et connaît très bien le microcosme local car c’est un enfant du pays (mais reste en retrait). Un légiste croisé entre le Professeur Tournesol et Einstein.. Coté féminin… c’est un peu ristrett… Il y a leur collègue, la cheffe et la pasteure… je n’en dis pas davantage… Et bien évidemment tous les habitants du village, les touristes…
Les interrogatoires s’apparentent à des parties de poker en se focalisant sur les tells, soit les attitudes, gestes, mimiques qui trahissent le joueur. (p.182). Et la simple allusion au tableau de Munch pour décrire un visage vaut toutes les descriptions…le roman est ancré dans la réalité suisse Romande et j’ai adoré.. Le cadre se prête aussi bien à des énigmes policières que les coins reculés de Suède, Norvège ou autres pays nordiques…Le St-Bernard, les bistrots, la vie de village dans le canton de Vaud, la cuisinière « Le Rêve» que j’ai vue pendant toute mon enfance.. La connaissance des bizarreries juraciennes (transfrontalières : Village de Longcochon … Nom des habitants : Les Couche-tards) J’adore ce coté couleur locale, présent mais pas encombrant. Et l’intrigue, les personnages attachants, les réflexions, l’humanisme, le suspense, l’humour…
Comme je venais de lire « l’Aliéniste » de Caleb Carr, je me suis amusée de certaines ressemblances ( Marc Voltenauer n’a jamais lu ce roman) : outre la méthode d’analyse (enfance, adolescence, élément déclencheur, milieu familial, rapport avec la religion), il y a les corps massacrés, l’énucléation, l’ablation des organes génitaux, le feu associé à la présence/intervention de Dieu, la maltraitance…
Comme je suis passionnée d’Egypte ancienne, j’ai bien aimé le petit passage sur les papyrus d’Oxyrhynque, l’actuelle Al-Bahnana (p.211)
Vivement le retour début 2019 de l’Inspecteur Andreas Auer et de son ami !
Extraits :
– Tu vois le Grand Muveran tout là-bas, avait-elle dit de sa voix ténue, pointant son doigt devant. Tu distingues ces couleurs, orange et rouge ? Eh bien, derrière la montagne habite un dragon. Lorsque le soir de la pleine lune se prépare et que le soleil vient de se coucher, il prend son envol. Dans le ciel, il crache du feu. D’immenses flammes qui laissent des traînées tout autour de la montagne. Au printemps, il fait fondre la neige et la glace sur les lacs. Parfois, le dragon passe même au-dessus du village de Gryon.
Habitée par une mélancolie qu’elle aimait cultiver, la pasteure sacrifiait souvent ses propres envies et besoins pour offrir une présence à ses paroissiens. C’était une manière de ne pas affronter certaines zones d’ombre de son existence.
Ses cheveux gris, très courts, accentuaient le regard saisissant que lançaient ses yeux en amande, dont la couleur bleue transparente rappelait celle d’un glacier ou celle des yeux d’un husky.
Le légiste était un personnage étrange et attachant. Etrange, car avec ses cheveux hirsutes qui ne connaissaient le peigne que de nom et ses lunettes aux verres plus épais qu’un vitre pare-balles il ressemblait à un savant fou, semblant la plupart du temps enfermé et perdu dans son propre monde. Et attachant pour les mêmes raisons. Il se jetait sur une dépouille avec l’enthousiasme d’une hyène affamée. C’était sa raison de vivre.
L’œil est l’organe de la perception. Tu ouvres les yeux. Tu vois la lumière. Tu les fermes. Tout devient noir. Donc si tu es aveugle, mais que ton âme est remplie de lumière, tu continueras à la percevoir.
A l’époque, à l’école de police, on nous a appris à travailler avec des preuves et des faits. Pas avec des suppositions psychomachin…
Oui, heureusement que t’es bientôt à la retraite…
Il aimait les meubles anciens. Ceux qui possédaient ce petit supplément d’âme propre aux objets qui avaient vécu.
De toute façon, cela ne sert à rien d’argumenter ! T’es vraiment une tête de mule.
– Merci pour le compliment. Mieux vaut être un mulet qu’un âne bâté. Les mulets sont plus forts que les chevaux et plus endurants. Ils ont le pied sûr et n’ont pas le vertige. De braves bêtes qui…
… ont un caractère bien trempé et qui ne font que ce qu’ils ont envie et quand ils en ont envie.
Le pasteur avait dit que la terre était comme le cœur des hommes, parfois tendre et perméable, parfois dur comme de la pierre.
Mais la méchanceté des autres avait semé en lui une graine de haine qui s’était mise à grandir. C’était là le problème de cette terre tendre. De mauvaises herbes et des ronces y trouvaient un terrain favorable non seulement pour croitre, mais pour étouffer la bonne semence.
Mais elle était dure. Comme un terrain rocailleux qui ne laissait aucune place à la tendresse. L’amour ne pouvait grandir que dans de la bonne terre, de la terre fertile. Or, elle était aride.
Il aimait la démarche qui le conduisait à essayer de pénétrer un esprit criminel et de comprendre ses motivations. Découvrir l’identité d’un meurtrier, tenter d’approcher son ombre, cerner son inconscience. Au fond de lui, il ne le dirait pas ouvertement, mais cette enquête le stimulait.
Que resterait-il de son existence ? Rien ? Il ne pouvait pas accepter l’idée que la mort soit la fin de la vie. La considérer comme un accomplissement n’entrait pas non plus dans sa conception des choses. Son âme et sa raison menaient un combat intérieur, l’une contre l’autre, mais dans le même but. Ne pas voir en la mort une simple date-butoir dénuée de sens. Il avait passé les quarante premières années de sa vie à développer son ego, ce en quoi il avait particulièrement bien réussi. Mais maintenant, il devait apprendre le détachement de soi pour se réconcilier, non pas avec l’idée de la mort en général, mais de sa propre mort. Et du coup, accepter sa vie. Plus facile à dire qu’à faire.
INFOS : les papyrus d’Oxyrhynque… : http://www.papyrology.ox.ac.uk/POxy/ ; https://en.wikipedia.org/wiki/File:P._Oxy._LXVI_4499.jpg
Image : Grand Muveran, 1912 Ferdinand Hodler
2 Replies to “Voltenauer, Marc «Le Dragon du Muveran» ( 2016)”
Ben ça donne envie… bravo et
et ?