Iles, Greg – Trilogie Natchez Burning – «L’arbre aux Morts» (tome 2) 2019
Auteur : romancier, scénariste et guitariste américain. Greg Iles est né en 1960 à Stuttgart, en Allemagne, où son père dirigeait la clinique de l’ambassade des États-Unis au plus fort de la guerre froide. Il vit dans le Mississipi. Son premier roman fut le thriller Spandau Phoenix (1993), centré autour du criminel nazi Rudolf Hess. Il publie ensuite 24 heures pour mourir (2003) , La Femme au portrait (2005), Passion mortelle (2007) , La Mémoire du sang (2008), Une petite ville sans histoire (2009), Poison conjugal (2010) Il vient de publier chez Actes Sud la Trilogie Natchez Burning
Page sur la trilogie : Iles, Greg « Trilogie Natchez Burning »
«L’arbre aux Morts» (tome 2)
[Actes Sud] Littérature – Actes noirs – Janvier 2019 – 976 pages / Babel noir – 03.03.2021 – 1072 pages
Résumé : L’ancien procureur et maire de Natchez, Penn Cage, et sa fiancée la journaliste Caitlin Masters, ont failli périr sous la main du riche homme d’affaires Brody Royal et de ses Aigles Bicéphales, une branche radicale du Ku Klux Klan liée à certains des hommes les plus puissants du Mississippi. Ils ne sont pourtant pas tirés d’affaire. Brody Royal est mort, mais le couple apprend qu’il n’était pas la véritable tête des Aigles. Celui qui tire les ficelles du groupe terroriste est un homme bien plus redoutable encore : le chef du Bureau des enquêtes criminelles de la police d’État de Louisiane, Forrest Knox.
Pour sauver son père, le Dr Tom Cage – qui fuit une accusation de meurtre et des flics corrompus bien décidés à l’abattre –, Penn n’a que deux solutions : pactiser avec ce diable de Knox ou le détruire. Tandis qu’il poursuit les deux options, sa fiancée continue de lever le voile sur des meurtres non résolus datant de l’époque des droits civiques. Caitlin tient peut-être de quoi faire tomber les Aigles Bicéphales : son enquête plonge loin dans le passé, dans les eaux troubles du Mississippi, jusqu’à un endroit secret utilisé par les propriétaires d’esclaves et le Klan depuis plus de deux siècles, un lieu terrifiant surnommé l’Arbre aux Morts.
Dans le deuxième volet de cette trilogie du Mississippi entamée avec Brasier noir, Greg Iles continue d’explorer l’âme torturée de l’Amérique. Et le lecteur, médusé, voit la “petite” histoire d’un homme de justice et de ses proches se mêler à la grande épopée des États-Unis, et venir en éclairer d’un jour nouveau certaines des pages les plus sombres. Par ce thriller tentaculaire, Greg Iles prend place parmi les plus ambitieux conteurs américains.
Mon avis : Le tome un (voir article : « Brasier noir » ) était magistral et l’auteur continue sur sa lancée. Si parfois il y a quelques longueurs – on peut l’excuser car le tome deux fait plus de 1000 pages) les faits que nous relate l’auteur et l’histoire de la famille au centre de ce roman, la famille Cage est toujours aussi passionnante. Tous les membres de la famille ont des caractères bien trempés, aventureux, en quête de justice (le Dr Tom Page, son fils Penn, la fiancée Caitlin, la petite Annie, la femme de Tom).
J’ai également beaucoup aimé le personnage de la reporter de guerre, la photographe, Jordan, femme de l’agent du F.B.I John Kaiser et les amis de toujours le Texas Ranger Walt Garrity, l’avocat Quentin Avery…
Coté « Aigles » et terroristes, on retrouve ceux du tome un et plus les portraits s’affinent, plus la peur, le danger, la corruption, la cruauté , le mépris de la vie humaine sont palpables
Lutte contre la mafia, l’enquête pour coincer les Aigles Bicéphales continue. En parallèle, le F.B.I cherche toujours à résoudre le mystère du XXème siècle : qui est derrière l’assassinat du Président Kennedy. Et Cuba, en la personne de Fidel Castro, est également de la partie… et il a réussi à faire requalifier les Aigles Bicéphales en groupe terroriste, et donc donne les pleins pouvoir pour le combattre car il rentre sous le coup de la loi régissant le Patriot Act et lui ôte de ce fait les protections locales.
La corruption, les magouilles, le trafic d’influence continue de régner en maitre dans la région : la recherche de preuves, que ce soit dans une enquête ou dans l’autre est loin d’etre sans dangers. Les flics enquêtent, mais pas seulement. Comme il se doit, les journalistes risquent également leur peau pour « le Scoop » de leur vie… sans compter les amis et proches qui sont aussi sur le terrain pour sauver les membres de leur famille ou les êtres qui leur sont chers.
Trahisons, secrets du passé, complots, la guerre des différentes polices… tout est là pour nous mener au bout du tome deux avec des rebondissements, des fausses pistes, des attentats, des querelles intestines et familiales, de l’amour, de l’amitié … Encore un pavé de plus de 1000 pages lu rapidement. Et comme dans le premier tome, le thème du racisme, de la politique, du journalisme d’investigation, de la justice, de la police, meurtres non résolus, recherche de preuves, violation des droits civiques, assassinats, complots, trafic de drogue – et j’en passe – sont au cœur du sujet. Et toujours l’importance des racines, de l’histoire, du passé, de savoir d’où l’on vient, de quoi notre passé est fait.
Le troisième tome (dans les 1000 pages lui aussi) est en attente pour mon plus grand plaisir.
Extraits :
Natchez, sur son promontoire, était une petite sœur de La Nouvelle-Orléans – pas aussi cosmopolite aujourd’hui qu’elle l’avait été dans un autre siècle, mais toujours une enclave de liberté et de tolérance dans les régions strictes de l’arrière-pays du coton et du soja. Natchez avait pourtant été autrefois la capitale de ce royaume du coton ; une centaine d’années après la guerre de Sécession, la haine qui mijotait dans les champs en périphérie avait infecté la ville, et le meurtre avait rôdé dans ses rues tel un fléau.
Était-il possible que des crimes racistes classés depuis longtemps dans ce coin délaissé du Sud contiennent la clé de la plus grosse affaire non résolue de l’histoire américaine ? Étant donné ce qu’il avait appris au cours des douze dernières heures, c’était fort probable. Le Texas touchait la Louisiane, après tout et, en 1963, Dallas avait été un refuge fondamentaliste de conservatisme politique réactionnaire, bouillonnant de haine et de rage envers Kennedy. Plus troublant encore, à cette époque, Dallas avait été une sorte de propriété féodale tenue par le patron de la mafia de La Nouvelle-Orléans, Carlos Marcello.
Ce soir, la mort et le temps m’ont montré leur véritable visage.
On passe notre vie à franchir laborieusement, aveuglément, la porte de l’abattoir entre le passé et le futur. Chaque seconde est annihilation : la mort de cet instant, la naissance de cet instant. Il n’existe pas d’instant suivant.
Il n’y a que maintenant.
Alors que la vitesse de l’existence paraît très impressionnante quand on la vit, nous nous engouffrons par cette porte comme du bétail qu’on conduit, apeuré, obéissant, insensible. Même quand nous dormons, maintenant devient ensuite aussi inexorablement qu’une rivière usant une pierre. Les cellules brûlent de l’oxygène, réparent les protéines, meurent et se remplacent dans un enchaînement qui paraît sans fin : pourtant, depuis le ventre de la mère, ces horloges internes ralentissent jusqu’à l’ultime désordre.
Ce n’est qu’à l’ombre de la mort que nous sentons la véritable vitesse du temps – quand l’adrénaline explose dans notre système, l’éternité devient tangible et tout le reste se brouille, passe à l’arrière-plan. C’est alors, paradoxalement, que les secondes paraissent s’étirer, que l’expérience devient hyperréaliste et que la chair et l’esprit s’unissent dans la lutte afin de continuer de respirer, afin de rester conscient, attentif – flottant sur le courant précipité du temps. Si nous survivons à la menace, notre épiphanie existentielle s’estompe rapidement, car il nous est impossible de la supporter longtemps. Pourtant, quelque part en nous, il reste une ligne de séparation.
Avant et après.
Si l’agent spécial Kaiser est comme un drone militaire Predator qui tourne en rond au-dessus de Forrest Knox et du groupe des Aigles Bicéphales avec une série de missiles à précision ciblée, le shérif Dennis tient plus des bombes lâchées du ventre des B-17 pendant la Seconde Guerre mondiale : stupides et lourdes, mais suffisamment mortelles pour démolir le quartier d’une ville.
la Louisiane : des fermiers dans le Nord et des Français dans le Sud – baptistes contre catholiques
Mais il lui était impossible de lâcher prise. Il était comme une de ces stupides tortues serpentines. Têtu, comme moi.
“Il croyait juste que tout le monde méritait la même chance. Je ne sais pas où il a été pêcher cette idée. Pas chez son père, en tout cas. Et j’ai appris il y a bien longtemps que si on attend de la justice dans ce monde, il se peut qu’on l’attende encore dans la tombe.
Tandis qu’il la scrutait, elle pensa, On devrait me mettre en prison. Je suis comme un “Ça” enragé avec un corps – aucune conscience ne me gouverne.
Lire ces carnets Moleskine, c’était comme si on lui avait donné les clés d’une bibliothèque cachée, dans laquelle les histoires secrètes de Natchez et de la paroisse de Concordia auraient été retranscrites par un moine fanatique.
Alors que je remonte le ponton vers le rivage, je songe à Hannah Arendt, elle avait raison : le mal est d’une banalité incompréhensible. Les existentialistes sont allés plus loin : il est également absurde, à sa manière terrifiante.
Un des trucs déprimants dans la vie, c’est de découvrir que les gens que tu pensais bien connaître peuvent toujours te surprendre, et pas de manière positive.
“Si l’histoire que je m’apprête à te raconter te semble avoir été écrite par Mario Puzo, déclare Stone, c’est parce qu’il y a beaucoup de Carlos Marcello dans Le Parrain.”
“C’est une chose que les gens oublient. Après Louis XIV et Napoléon, la Louisiane ne s’est jamais vraiment intégrée à l’Amérique, pas complètement. La loi repose toujours sur le Code napoléonien.
Ce qui se passerait avait été déterminé à un moment précis du passé – peut-être des décennies plus tôt, ou peut-être même quelques heures – mais, quoi qu’il en soit, c’était irrévocable. Dès lors, elle le sentit, choisir était illusoire. Tout ce qu’ils pouvaient faire à présent, c’était surfer sur les vagues des conséquences.
Je ne l’aurai jamais vraiment connu. Ce qui signifie que je ne me connaîtrai jamais vraiment. Je serai un homme sans passé, et un homme sans passé est comme une nation sans histoire ou, pire, avec un mythe en lieu et place d’histoire. Si le récit de ma vie a été tissé de mensonges, alors comment choisir que faire ensuite ?
C’est ça. Ma mamie avait l’habitude de faire un peu de sorcellerie – des envoûtements, des trucs dans le genre. Du vaudou de La Nouvelle-Orléans. Elle disait qu’une mandragore criait quand on l’arrachait de la terre, et que le cri tuait tous ceux qui l’entendaient.”
C’est un pur sociopathe. Mais il n’est pas du type de ceux qu’on a déjà arrêtés tous les deux. Il dégage une véritable chaleur qui peut le rendre sympathique. Il est comme un loup hyper-intelligent plutôt qu’un requin. C’est un prédateur qui pense, si vous voyez ce que je veux dire.”
Kaiser eut un sourire étrange. “C’est, en gros, la définition d’un être humain.”
« Comment pouvons-nous changer le cœur de l’homme blanc ? Comment pouvons-nous lui faire voir que nous sommes tous les mêmes à l’intérieur ? »
Les balles ne peuvent pas tuer la vérité. Elles peuvent tuer la chair mais la vérité ne meurt pas – pas plus que l’âme.
“Dans le Sud, nous savons combien est véritablement complexe et poreuse la frontière entre noir et blanc. Nos communautés se frottent l’une à l’autre de mille manières, mais pas toujours au grand jour. Nous essayons de réduire le grand fossé entre nous à nos risques et périls.
Je connais des hommes de quatre-vingts ans encore obsédés par les humiliations de leur jeunesse. Ils ne sauraient pas reconnaître le pardon même s’ils marchaient dedans. Tu dois ouvrir ton cœur pour en laisser sortir la douleur.
2 Replies to “Iles, Greg – Trilogie Natchez Burning – «L’arbre aux Morts» (tome 2) 2019”
Merci ! Je suis trés tentée !
tu as vu que j’ai fait une page sur la trilogie ?
J’attends la sortie en Babel du tome 3… enfin je suis pas sure car c’est dans un an…