Konate, Moussa «L’empreinte du renard» (2006 – réédition 2007) – 264 pages Série Commissaire Habib-Tome 03

Konate, Moussa «L’empreinte du renard» (2006 – réédition 2007) – 264 pages Série Commissaire Habib-Tome 03

Auteur : Moussa Konaté, né en 1951 à Kita, au Mali, et mort le 30 novembre 20131 à Limoges, est un écrivain malien. Diplômé en lettres de l’École normale supérieure de Bamako, il enseigna plusieurs années avant de se consacrer à l’écriture. Il est connu pour la publication de plusieurs romans policiers qui relatent les enquêtes du commissaire Habib.

 

Série Commissaire Habib. Enquête sur les rives du fleuve Niger :
Le Commissaire Habib : L’Assassin du Banconi – L’honneur des Keïta L’Empreinte du renardLa Malédiction du lamantinMeurtre à Tombouctou  ( En route pour Tombouctou) – L’Affaire des coupeurs de têtes

«L’Empreinte du renard»  – les enquêtes du commissaire Habib – tome 3

Fayard Noir – 22.02.2006 – 264 pages – Points 03.05.2007 – 264 pages
– Ebook– paru le 22.02.2006

Le commissaire Habib, après avoir longtemps officié à la Série Noire, a déménagé chez Fayard Noir : il fallait bien qu’on le retrouve sur les chemins numériques ! Ce qui ne change pas : le Mali, l’odeur et le bruit de l’Afrique, mais aussi la grande vibration populaire de la langue, toutes les facettes du rire et de l’humour, et ce grand tremblement permanent d’humanité. Sauf que lui, l’inspecteur Habib, et son inspecteur Sosso qui serait presque le personnage principal du livre, n’ont pas le temps de s’intéresser au tourisme.

Résumé :
A Bamako, le célèbre commissaire Habib, vieux flic dont la sagesse et le flair sont quasi légendaires, est expédié au coeur du pays dogon pour élucider une série de morts bizarres, vraisemblablement des meurtres. Affaire d’autant plus délicate que les Dogons sont très attachés à leurs traditions et vivent pratiquement en marge des autorités officielles du Mali. En outre, ils sont connus et redoutés pour la puissance de leur magie.
Au cours de leur enquête, Habib et son fidèle adjoint voient la situation empirer. Il y a d’autres morts, des corps atrocement gonflés. Le village entier se tait obstinément et les gendarmes ont trop peur pour se risquer à poser la moindre question. Et puis, un inquiétant personnage au visage de chat, manifestement un sorcier, veille au respect absolu de l’omerta. Le dénouement, terrifiant, enseignera à Habib, policier pourtant rompu à dénicher la raison au coeur même de l’irrationnel, que la justice est parfois une chose trop compliquée pour être confiée aux juges.
Avec les Dogons, un peuple qui a fasciné Marcel Griaule, Michel Leiris ou Jean Rouch, Moussa Konaté, sans le trahir, nous fait toucher du doigt une partie des secrets inviolés de l’Afrique. Il donne ainsi au lecteur, en le divertissant, une belle leçon d’humanité.

Mon avis :
J’ai retrouvé avec infiniment de plaisir le duo d’enquêteurs maliens Habib et Sosso. Les voici partis enquêter à la demande du ministre dans un village Dogon. Le Commissaire du coin ne va pas leur être d’un grand secours vu que lui ne voit pas d’autre solution que de demander aux devins ce qu’ils en pensent… C’est que la justice des hommes et la loi du pays ne s’appliquent pas aux villages Dogons, qui vivent selon leurs traditions et appliquent leur propre justice… Les voici partis en compagnie d’un chauffeur qui semble extrêmement sympathique : il rit tout le temps, croit aux prophéties, se prosterne devant la descendante du prophète et dans les légendes et coutumes du coin. Dépaysement assuré.
Pigui est un village peuplé exclusivement de dogons, qui vit selon les coutumes ancestrales. Est-il possible que le droit de maintenant s’applique ? que la loi du Mali du XXème siècle prévale ? Pas facile de trouver un coupable alors que les morts sont les victimes de l’esprit des ancêtres…
Il y a bien des pistes, des personnages étranges et insaisissables, comme « le Chat », connecté à l’avenir, qui est le confident des renards, ceux qui savent tout…
Ce que j’ai trouvé fascinant, outre la manière dont le commissaire va se fondre dans leur culture pour communiquer avec eux, c’est la manière dont l’auteur nous fait connaitre le monde des Dogons, leurs croyances, leur mode de vie, leur ferveur, leur foi dans les valeurs comme l’amitié, la loyauté, la fidélité ; des valeurs qui sont plus importantes que tout. Et même si leur monde est voué à être englouti par la civilisation moderne, l’argent et la politique, il se raccrochent au sens de la vie, de la terre, des traditions, de la parole et des mots.
Difficile enquête . Comment notre duo de choc va-t-il résoudre cette enquête ? Quelle voix l’emportera ? celle des ancêtres ou celle de la modernité ?

Extraits :

Ces terres arides, rocailleuses, ravinées, où tout porte l’empreinte d’une érosion sans fin, sont à l’image de la vie rude de leurs habitants. Ici, il n’y a que la sueur de l’homme pour faire verdir les rochers. Si, quelquefois, un marigot offre son eau, c’est juste pour assurer la survie. La nature n’écrase pas l’homme, elle le minimise. À première vue, comme Pigui, les villages dogons paraissent inhabités, semblables à des sites préhistoriques récemment mis au jour. Tout est couleur de terre : les rochers, les habitations et les hommes. Et, comme il y a peu d’âmes, les humains se confondent avec les rochers et les demeures.

le dieu des Dogons n’a besoin ni de mosquée ni d’église. C’est Amma et il vit en chaque chose, dans chaque objet sculpté, dans l’âme de chaque Dogon.

les Dogons sont un monde à part. Ils ont une explication à tout. Ils ont donc des certitudes. Pour eux, le doute n’existe pas. Je pense que c’est cela qui les rend si différents de nous qui avons connu plusieurs civilisations, plusieurs religions. Leur monde à eux est immuable.

celui qui porte le masque cesse d’être lui-même et se confond avec le personnage qu’il représente.

En fait, je crois que c’est leur paix intérieure qui nous dérange, nous autres, et que nous prenons pour du mépris.

la parole qui ne franchit pas la barrière des lèvres s’appelle pensée. Or il n’y a rien de plus secret que la pensée. Que des gens soient tués parce qu’ils ont seulement pensé m’étonne fort.

– C’est exact, et c’est pourquoi je crois que leur pensée est devenue parole que le vent a emportée et qui est tombée dans une oreille qui l’a transmise à une autre oreille.

 

Image : Dieu Amma ( Divinité Dogon)

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