Norek, Olivier « Dans les brumes de Capelans » (2022) 429 pages

Norek, Olivier « Dans les brumes de Capelans » (2022) 429 pages

Auteur : Engagé dans l’humanitaire pendant la guerre en ex-Yougoslavie, puis lieutenant à la section Enquête et Recherche de la police judiciaire du 93 depuis dix-huit ans, Olivier Norek est l’auteur de trois romans largement salués par la critique et traduits dans plusieurs pays, ainsi que le lauréat de nombreux prix littéraires. Après Code 93, Territoires et Surtensions, Il publie « Entre deux mondes » en 2017 , « Surface » en 2019, « Impact » en 2020,« Dans les brumes de Capelans » en 2022

Série Capitaine Coste :Tome 1 Code 93, Tome 2 Territoires, Tome 3 Surtensions, Tome 4 Dans les brumes de Capelans,

Michel Lafon – 07.04.2022 – 429 pages – Prix Babelio Catégorie Polar et Thriller 2022

Résumé :
Une île de l’Atlantique battue par les vents, le brouillard et la neige. Un flic qui a disparu depuis six ans et dont les nouvelles missions sont classées secret défense. Sa résidence surveillée, forteresse imprenable protégée par des vitres pare-balles. Une jeune femme qu’il y garde enfermée. Et le monstre qui les traque. Dans les brumes de Capelans, la nouvelle aventure du capitaine Coste se fera à l’aveugle.

Mon avis:

Magnifiques retrouvailles avec Victor Coste. J’ai tout aimé ! Avec des petites (ou grosses) surprises jusqu’à la fin. Avoir fait connaissance avec Coste est un plus, mais on peut se régaler sans problème avec ce roman sans avoir lu les trois tomes précédents. Coste a six ans de plus, il a quitté le 93 pour Saint-Pierre ( de Saint-Pierre-et-Miquelon – au Sud de Terre-Neuve) 

J’ai énormément apprécié l’écriture de ce roman.
Trois , non quatre personnages principaux ! Coste, Anna, le tueur qui échappe à toute la police depuis une dizaine d’années et l’île de Saint-Pierre.

Et les quatre ont des contours bien difficiles à cerner, ils se cachent derrière un voile compact et très occultant. Les personnages sont en miettes, démolis par leur passé, par les épreuves qu’ils ont subies et ne font confiance à personne. Que se passe-t-il quand ils sont forcés de cohabiter, de se faire confiance… difficile ! C’est le moins qu’on puisse dire ! Comme des félins qui se tournent autour, toutes griffes sorties, les sens en alerte… Vont-ils s’apprivoiser l’un l’autre ou se livrer une lutte à mort? La violence est partout.. à l’intérieur des personnages, sur l’île, dans les éléments… Comme le dit Coste « Anna. Palindrome jusque dans ton être. J’aurais dû te lire dans les deux sens. » et je ne vous en dit pas davantage…
L’ambiance de cette partie du globe en cette période précise de l’année (celle des brumes de Capelans qui donne le titre au roman) enveloppe tout d’un mystère supplémentaire. Et l’atmosphère est magnifique rendue.
Moi qui aime les thriller psycho-psychiatriques … je n’ai pas été déçue du voyage!!! 

Extraits: 

combien de temps ça peut tenir, un flic qui ne vit que pour une enquête sans rémission qui le détruit comme un cancer ?

Les molosses sont paisibles, les roquets aboient pour pallier leur insignifiance.

Le nouvel ennemi numéro un prit les traits de celui dont on se moquait au lycée : le geek informaticien à lunettes, qui parle avec ferveur de jeux en réseau et s’ébahit devant des cartes mères et des lignes d’encodage.

Dehors, alors que le soir tombait, le climat de l’île offrait un phénomène rare à celui qui y portait attention. La surfusion. Quelques kilomètres plus haut, le temps se réchauffait légèrement et la neige devenait pluie. Arrivant sur ce bout de planète encore si froid qu’on se brûlait à le toucher, les gouttes se transformaient instantanément en glace, enrobant d’une coque transparente ce sur quoi elles tombaient. Et tout devenait sculpture de givre. Les fleurs en bouquets de cristal, les aiguilles des pins en épines de verre, les rochers sombres en pierres précieuses géantes.

L’île prenait la forme d’une baleine gueule ouverte dont la mâchoire inférieure partirait en fragments, créant en éclats de plus en plus réduits d’autres petites îles, voisines d’îlets, voisines de simples rochers affleurant à la surface de l’eau et où l’on aurait pu installer une cabane et rien d’autre. 

– Et pourquoi vous pensez que je m’en sortirai mieux ?
Parce que toi aussi, t’es en mille morceaux, Coste

Dans les villes, dans la foule, leurs démons sont invisibles. Ils nous frôlent sans que l’on frémisse. Leurs sourires ressemblent aux nôtres, on les côtoie, on les voisine, on les invite. Ils nous charment ou nous indiffèrent, car ils sont bien normaux, les monstres. Leur peau, leur voix, leurs gestes, tout en surface est identique à l’ordinaire. Mais quelque part, une ombre s’est posée. Elle s’est nourrie silencieusement d’une blessure, d’une humiliation, d’une violence, d’une anomalie, d’une malfaçon. Elle s’est posée sur une fine craquelure qu’à coups de bec et de griffes elle a transformée en faille. Un gouffre, un piège pour la raison, et s’engendre la colère. La colère si jouissive à libérer, pour que sur d’autres se pose une partie de l’ombre. Pensant ainsi s’alléger, le monstre s’enferme et nourrit son serpent, toujours plus affamé.

Elle parle, le corrigea-t-elle. Quand elle le décide, et avec qui elle le décide. Comme les chats avec les caresses.

On naufrage, puis on renaît. Mais on peut sombrer de nouveau au premier souvenir.

Comme face à toute menace, l’homme et l’animal s’adaptent pour éloigner le danger. Des chenilles prennent la forme de serpents, ou des papillons présentent deux grands cercles noirs formant deux yeux inquiétants lorsque leurs ailes se rejoignent.

Tout est histoire de contexte, donc. La tempête des uns est l’accalmie des autres et l’esprit de Coste s’apaisait toujours quand, pris par les vents, d’autres s’agitaient en gesticulant. Tout devenait plus clair lorsque le navire gîtait dangereusement, tout devenait plus clair au fil des scénarios écartés alors que les options s’amenuisaient.

Elle me disait que la vie, c’est d’être un funambule. D’avancer en prenant des risques, en manquant de chuter à chaque pas, mais d’avancer, et à la fin, peut-être, de se trouver.

La peur et l’effroi fixent les souvenirs dans la mémoire comme de la colle forte.

Longtemps inexplicables, les aurores boréales ont forcé les hommes à leur créer des légendes. Âmes dansantes des défunts, reflet des armures des Walkyries ou pont vers l’au-delà, les habitants des terres qu’elles éclairent leur ont toutes trouvé une histoire.

Mais pour les Sàmi de Laponie, et pour eux seulement, elles sont un mauvais présage, une entité menaçante qui scrute la planète et dont il ne faut pas attirer l’attention, au risque de se faire enlever.

5 Replies to “Norek, Olivier « Dans les brumes de Capelans » (2022) 429 pages”

  1. “je n’ai pas été déçue du voyage!!!“
    Et moi non plus 😉

    4e enquête de Victor Coste et 1e rencontre pour moi… De fait, pas besoin d’avoir lu les 3 autres romans pour accrocher avec ce personnage de flic fragilisé et solide à la fois, tellement humain.

    Beaucoup de rebondissements et de choses nouvelles à apprendre, une écriture plus que soignée et très plaisante à lire, tout ceci fait de ce roman une très belle découverte (grâce à un cadeau choisi “hors liste“).
    Cerise sur le gâteau, des citations de Raymond Chandler (et Philip Marlowe)…
    Que demander de plus 🙂

  2. Après Code 93, Territoires et, surtout, Surtensions, j’étais heureuse de retrouver Victor Coste même si le cadre est, ici, totalement différent.
    Nous quittons la banlieue parisienne pour nous retrouver à Saint-Pierre-et-Miquelon. Un roman d’ambiance captivant avec une brochette de personnages intéressants et, pour la plupart, très attachants.

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