Philippon, Benoît « Petiote» (2022) 375 pages

Philippon, Benoît « Petiote» (2022) 375 pages

Auteur : Né en 1976, Benoît Philippon grandit en Côte d’Ivoire, aux Antilles, puis entre la France et le Canada. Il devient scénariste puis réalisateur pour le cinéma. Après « Cabossé » (2016) publié dans la Série Noir et Mamie Luger (2018), il publie « Joueuse » (2020), « Petiote » (2022), « Papi Mariole » (2024)

Editions Les Arènes – 12.05.2022 – 375 pages / Livre de poche – 29.03.2023 – 381 pages

Résumé :

L’histoire d’un loser qui n’a plus rien à perdre. Pour récupérer la garde de sa fille, Gus, un père au bout du rouleau, se lance dans une prise d’otages dans l’hôtel de naufragés où il vit. Sa revendication ? Un Boeing pour fuir au Venezuela avec Émilie, sa petiote.

Pour ce plan foireux, Gus s’allie à Cerise, une prostituée à perruque mauve. À eux deux, ils séquestrent les habitants déglingués et folkloriques de cet hôtel miteux : George, le tenancier, Boudu, un SDF sauvé des eaux, Fatou, une migrante enceinte, Gwen et Dany, un couple illégitime enregistré incognito, Hubert, un livreur Uber jamaïcain, mais aussi Sergueï, un marchand d’armes serbe en charge d’un transit de drogue mafieux. Et bien sûr, Émilie, son ado rebelle de quatorze ans.

La capitaine de police Mia Balcerzak est la négociatrice de cette cellule de crise. Crise familiale, crise de la quarantaine, crise sociale, crises de nerfs… quoi qu’il arrive, crise explosive !

Mon avis:

Toujours le sourire aux lèvres quand on plonge dans l’univers de Benoît Philippon et de ses cabossés de la vie, de ces exclus qui vivent en marge et qui au final se regroupent pour former une petite famille, liée par des vrais sentiments, profonds, qui font bloc quand ils adhérent à une cause qu’ils trouvent juste, même si elle est pas légale. Beaucoup de souffrance sous cette enveloppe divertissante et colorée. Et une écriture jouissive, drôle, enlevée, comme dans ces autres livres. Un auteur que je recommande vivement.
La dérive de la société en toile de fonds, les sujets graves tels que féminicide, migrants, pauvreté, SDF, prostitution, harcèlement, divorce, relations parents/enfants. Les médias à scandale qui passent les limites en prennent pour leur grade (Mention spéciale pour BFM) , les réseaux sociaux aussi dans cette société ou l’important c’est de faire le Buzz…
Des personnages hauts en couleur, sans oublier le mari de la négociatrice, Geoffrey, un extérieur de nounours tout doux mais…
Et une négociatrice qui fait tellement d’heures supp, qui est tellement prise par son travail qu’elle va se trouver des affinités avec le preneur d’otages. 

 

Par certains cotés il me fait penser au livre de Stéphane Chamak « Le petit Lebanski » (2018) lu récemment. Une belle bande de branques déjantés et qui ont tous un passé à pleurer, des références au cinéma… Mais la violence qui m’a heurtée dans le petit Lebanski est parfaitement « rigolotte » dans « Petiote ». Derrière les gros durs, on retrouve le coté pudique et écorché vif..

Extraits : ( difficile de choisir!!!) 

« Raté. C’est tout ce que t’es », ressassait son père. Pour lui-même. Pour son mioche.

Gus préfère le label « loser ». Il lui trouve plus de cachet. L’anglicisme sonne mieux en bouche quand le mouisard présente son pedigree. Un moyen d’aromatiser de glamour un constat qui n’a rien de glorieux.

Autrefois, c’est grâce à ses yeux qu’elle le séduisait. Aujourd’hui, ils le déchiquettent et l’éparpillent en charpie sur le mur.

Quand Gus agrippe le fusil entre ses mains encore moites mais qui ne tremblent plus, il comprend mieux pourquoi les hommes en font tout un foin. Armé de cet accessoire, qui n’a rien d’anodin, le simple mortel embrasse le divin. Il a droit de vie ou de mort. Qu’est-ce qui le différencie d’un dieu à ce moment-là ? La clairvoyance ? La morale ? Le pardon ?

Il a reconnu dans son regard fêlé le même état d’âme que le sien. En mauvais état, l’âme.

Les hommes ont de grands principes en ce qui concerne le comportement des autres. Leur intransigeance se montre plus malléable quand vient leur tour de respecter ces règles. À cause de cette hypocrisie toute masculine, bien des couples ont explosé. En divorce.
Ou en féminicide.

La caractéristique des psychopathes : ils n’ont plus de notion de remords, ni d’empathie, pour eux comme pour les autres. Ils ne ressentent plus rien. Est-ce ainsi qu’on en devient un ? En encaissant le coup de trop qui vous rend indifférent à tous les suivants ?

Diagnostic amateur : elle n’a rien. Elle est juste plus secouée qu’un Orangina.

– Dire qu’on est dangereux, c’est comm’ expliquer une blague. C’est qu’le message est pô bien passé, 

Il ne sait pas si son projet aboutira au Venezuela, une chose est certaine, il restera dans les annales pour la prise d’otages de la cour des miracles.

Traverser l’océan pour errer de foyer social en soupe populaire, l’herbe n’est pas plus verte ailleurs, elle est même plutôt plus chère avec l’inflation des dealers.

Entre sensationnalisme et voyeurisme, influence BFM dans ce que la méthode a de plus racoleur.

Tu m’étonnes, avec sept otages sur le gril et un improvisateur derrière l’allume-feu, on peut comprendre qu’elle prépare l’extincteur pour le barbecue.

T’as foutu un boxon à un niveau shadockien, si bien qu’on en vient à s’entretuer entre miséreux.

– L’ambition, c’est l’essence dans votre moteur. Si vous le remplissez avec des excuses, des lamentations ou des peurs, vous allez le noyer. Et il vous restera plus qu’à attendre la remorque. Vous montez une entreprise pour vous faire remorquer, vous ?

– Vous êtes Boudu, si je ne m’abuse.

– Sauvé des eaux, sauf des eaux d’vie, pour vous servir.

Ou comment appartenir à un clan de par son exclusion de la normalité. Quand la différence sociale vous repousse avec les rebus au point d’engendrer l’union dans la monstruosité. Gwen s’est trouvé une famille. Une famille de bêtes de foire, certes, mais soudée.

Ne jamais sous-estimer la réaction chimique entre une mère castratrice et un fils au bout du rouleau.

Voir un enfant entamer son existence, c’est se demander ce qu’on fout de la sienne.

Mais à quoi sert de vivre, si on ne peut se raccrocher à l’impossible ?

2 Replies to “Philippon, Benoît « Petiote» (2022) 375 pages”

  1. Beaucoup aimé ce roman 100% pur jus Philippon ! les personnages sont trés attachants , beaucoup d’humour noir et décalé bien sûr , une ambiance explosive qui tient en haleine . C’est loufoque mais intelligent , tour à tour violent, émouvant et tendre . Et puis il y a l’écriture de Philippon , trash et jubilatoire .
    Aprés « Mamie Luger » ,  » Cabossé » et « Joueuse » , 4ème roman de Philippon, 4ème coup de coeur !

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