Ogawa, Ito « Le goûter du lion » (2022) – 272 pages

Ogawa, Ito « Le goûter du lion » (2022) – 272 pages

Autrice Ecrivaine japonaise, née en 1973, originaire de la ville de Yamagata, dans la préfecture du même nom au Japon, Ito Ogawa se rend à Tokyo pour poursuivre des études de Japonais classique à l’université. Elle est connue pour ses rédactions de chansons, notamment pour le groupe Fairlife, et ses livres illustrés pour les enfants. Elle chante, écrit des livres pour enfants, des articles pour des magazines de cuisine et de voyage. 

traduites en français : Le Restaurant de l’amour retrouvé (2013) – Le Ruban (2016) – Le Jardin arc-en-ciel (2016) – La Papeterie Tsubaki (2018) – La République du bonheur (2020) – Le goûter du lion (2022)

Editions Philippe Picquier – 25.08.2022– 272 pages / – traduction par Déborah Pierret-Watanabe /

Résumé:
Ce qui fait de ce livre grave et pudique un roman solaire, c’est d’abord le lieu  : l’île aux citrons dans la mer intérieure du Japon, qu’il faut gagner en bateau  ; et encore, l’image magnifique de l’union de la mer, du ciel et de la lumière : la   mer scintillante, illuminée par un incroyable sourire, surplombée par la Maison du Lion, ce lieu de paix où Shizuko a choisi de venir pour vivre pleinement ses derniers jours en attendant la mort.
Avec elle, nous ferons la connaissance des pensionnaires – ses camarades, ses alliés et pour tout dire, sa nouvelle famille – ainsi que de la chienne Rokka qui s’attache à elle pour son plus grand bonheur. En leur compagnie, il y aura aussi les goûters du dimanche où grandit peu à peu son amour de la vie quand on la savoure en même temps qu’un dessert d’enfance, une vie qui aurait le goût de la fleur de tofu, d’une tarte aux pommes ou des mochis-pivoines.
Avec la délicatesse d’écriture que nous lui connaissons dans ses précédents romans, Ogawa Ito entraîne peu à peu Shizuko sur un chemin de poésie dont la mélodie possède la voix grave et conciliante d’un violoncelle  ; un chemin apaisé comme pour dire la gratitude d’exister.
Un roman solaire pour dire la gratitude d’exister

Mon avis:
Lire cette autrice est toujours un enchantement.
Tout en délicatesse et beaucoup d’humanité, un livre qui traite de la fin de vie et de l’acceptation de la mort.
Une jeune femme atteinte d’un cancer va vivre ses derniers jours dans une résidence où tout est fait pour qu’elle parte en douleur dans le respect et la sérénité. Elle va y rencontrer des personnes qui l’accompagnerons jusqu’à sont dernier souffle et lui permettront de faire la paix avec elle-même et avec le monde. Elle va y vivre son rêve d’enfant (avoir un chien), et vivre au rythme de la cérémonie du goûter du dimanche.
Tout en pudeur, l’autrice nous fait aborder l’autre rive, apprivoiser le passage vers l’inconnu, et nous laisse espérer que des personnes nous attendent de l’autre coté du miroir. On vit avec elle les moments où elle flotte entre le réel et le songe, où les fantômes du passé et les personnes qui l’entourent se fondent dans un flou artistique, dans un entre-deux mondes…
Ce livre est une ode aux joies de la vie, aux petits moments simples et doux de l’existence et nous montre l’importance des petits plaisirs.
Tout en douceur … avec comme dans ces livres précédents une grande importance accordée aux couleurs et aux sens. 

Extraits: 

le bonheur, c’était d’avoir la certitude qu’il allait toujours y avoir un lendemain.

Quelqu’un m’attendait quelque part. Cette idée me faisait me sentir plus forte, prête à affronter le dernier obstacle de la vie, et le plus grand.

— La vie et la mort, en un sens, sont les deux faces d’une même pièce, a répondu Madonna.
Elle s’est arrêtée puis elle a ajouté :
— La seule différence, c’est le côté depuis lequel on ouvre la porte.

La mer et le vent m’ont murmuré à l’oreille que j’avais le droit de me montrer plus égoïste. Et c’est en regardant la mer que j’ai compris ce que voulait dire rester soi-même. Elle ne cherchait jamais à lutter contre le vent. Les vagues qui se brisaient sur le rivage, c’était la mer qui ne résistait pas au vent. L’eau qui montrait celle qu’elle était vraiment.

Dès que la couleur jaune entrait dans mes yeux, de nouvelles étoiles scintillantes se levaient sur la voûte céleste de mon cœur.

Les étoiles étaient là, c’était juste que je ne les avais pas bien regardées. Je venais de réaliser qu’en cherchant bien, on pouvait toujours trouver une étoile qui nous contemplait depuis l’espace.

Naître et mourir ne sont pas des choses que l’on peut décider par soi-même. Nous devons donc vivre jusqu’à notre mort.

Elle m’a dit qu’il y avait deux sortes de douleurs.
La première était la douleur physique, la seconde la douleur de l’âme.
Qu’il fallait les apaiser toutes les deux pour pouvoir espérer une fin heureuse. Que cette maison était un endroit où l’on aidait à soulager les douleurs du corps et de l’âme.

L’insomnie peut être due à la douleur physique, mais il est aussi fort possible que l’anxiété en soit le facteur déclenchant. L’anxiété, voyez-vous, est une réponse à une illusion. Et nous n’arrivons plus à dormir lorsque nous nous retrouvons coincés dans ces illusions. 

le plus important, c’est de vivre l’instant présent. De le ressentir à travers son corps. Voir, toucher, sentir, goûter, avec ses yeux, ses mains, sa langue, et en être émue…

Quel jour étions-nous ? Je n’en avais aucune idée. Je me demandais parfois si un voleur de temps ne rôdait pas dans les parages, quand je m’apercevais que ce n’était pas la date à laquelle je m’attendais.

Mais en cet instant précis, la frontière entre ce qui était réel et ce qui ne l’était pas demeurait floue. Il était tout à fait possible que l’endroit et l’envers se retrouvent à nouveau tout à coup inversés.

le bonheur d’une personne dépendait de sa capacité à faire sourire les gens autour d’elle

J’ai beau savoir que les regrets ne changent pas le passé, je le regrette quand même.

La vie est semblable à une bougie. Elle ne peut allumer ou souffler sa flamme elle-même. Et une fois la flamme allumée, il n’y a rien d’autre à faire qu’attendre qu’elle se consume et disparaisse, en laissant la nature suivre son cours.

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