Redondo, Dolores « En attendant le déluge » (RLE2024) 560 pages
Autrice : Dolores Redondo Meira, née le 1 fevrier 1969 à Saint-Sébastien, dans la province de Guipuscoa, au Pays basque, est une romancière espagnole, auteur de romans historiques et policiers.
Après un roman historique, Los privilegios del angel (2009), elle signe avec Le Gardien invisible son premier roman policier qui inaugure « la trilogie du Batzan » ( «Le gardien invisible», «De chair et d’os» , «Une offrande à la tempête» ). Elle reçoit en 2016 le prix Planeta pour son nouveau roman, « Tout cela je te le donnerai » (Todo esto te daré). «La face nord du cœur»(La cara norte del corazón – 2019) parait en 2021 et obtient le Grand Prix des lectrices de ELLE policier. En 2024 elle publie « En attendant le déluge » (Esperando al diluvio)
Gallimard – Série Noire – 24.08. 2024 – 560 pages (traductrice : Isabelle Gugnon) –
Résumé :
A l’origine de ce roman époustouflant, des faits réels : entre 1968 et 1969, celui que la presse écossaise a surnommé Bible John tua trois jeunes femmes rencontrées dans une discothèque de Glasgow et disparut.
En 1983, Noah Scott Sherrington, policier obsédé par Bible John depuis près de quinze ans, s’apprête à l’arrêter sous une pluie torrentielle quand il est foudroyé par une crise cardiaque. A peine remis, écoutant son intuition et résistant aux injonctions des médecins et de sa hiérarchie, il suit la piste du meurtrier jusqu’à Bilbao, port où s’active secrètement l’ETA.
Alors que les fêtes patronales de l’Aste Nagusia battent leur plein, des jeunes femmes sont assassinées à la sortie de discothèques…
Noah, enquêteur tenace et doté d’un coeur fragile, au sens propre comme au figuré, a-t-il enfin retrouvé sa cible ? Les terribles inondations qui vont bientôt ravager la ville feront-elles obstacle à son projet ?
Mon avis:
Entre Glasgow et Bilbao.
Le point de départ : l’affaire non élucidée Bible John, qui se situe entre 1968 et 1969.
L’arrivée : 1983, La grande inondation du Pays Basque et de Bilbao en particulier.
Enquête oui, mais toute une partie historique et sociale, avec de nombreux thèmes sociaux, humains et psychologiques et psychiatriques … Peut-être un départ un peu lent..
En1983, Noah Scott Sherrington va reprendre l’enquête sur des meurtres non élucidés qui ont été commis il y a 12 ans à Glasgow. Une affaire non résolue qui obsède le policier qui va reprendre l’enquête, tout seul. Mais rapidement il va avoir un problème de santé et va se retrouver écarté de la police pour vivre les quelques mois qu’il lui reste à vivre. Ce n’est pas ce qui va l’arrêter. Il a quelques mois à vivre ? Et bien il va en profiter pour tout faire pour coincer le tueur…
Son enquête va le mener à Bilbao où il va faire connaissance de personnes exceptionnelles : Maïte, la Doctoresse Elizondo, Rafa un jeune invalide de 14 ans, et Mikel, qui fait partie de la police autonome du pays basque, l’Ertzaintza, et va devenir son ami.
Comme dans « la trilogie du Batzan » l’autrice nous fait découvrir le Pays Basque : ici la ville de Bilbao, ses coutumes et traditions, et nous donne des informations sur la mythologie locale.
Les similitudes entre Bilbao et Glasgow sont pointées du doigt( du point de vue géographique entre autre) , de même que celles entre l’Irlande, l’Ecosse et le Pays Basque (Euskadi) en matière de lutte pour l’indépendance, de terrorisme (IRA / ETA), de légendes, de croyances, de climat, d’habitudes…
Douleur physique, souffrance morale, chagrin, enquête, peur de l’amour, maladie, handicap, rencontre avec la mort… que de thèmes abordés! Sans parler des relations humaines, et du suspense tout au long de l’enquête… Noah poursuit-il la bonne personne?
Et merci à l’autrice de me pousser à continuer à lire l’excellente série « John Rebus »de Ian Rankin. Je me suis arrêtée à la fin du tome 5 et le tome 7, « L’ombre du tueur » a pour thème Bible John…
Extraits:
Il avait choisi ce lieu pour une raison très simple : Bilbao était Glasgow et le Nervión, la Clyde.
l’ETA était souvent assimilé à l’IRA. Les troubles duraient depuis plus de vingt ans, ils avaient éclaté en opposition au régime militaire qui avait régi l’Espagne jusqu’à une époque récente, pour réclamer l’indépendance du Pays basque.
Un tueur de masse peut commettre de nombreux assassinats, parfois tous simultanément, comme dans un massacre. Le tueur en série n’a pas forcément de lien avec ses victimes, et il peut laisser passer du temps entre deux meurtres. Un jour, un mois ou des années. Il ne tue pas sous l’effet de la colère, ses actes sont mûrement réfléchis, calculés.
L’Amatxu? C’est la Vierge de Begoña, la sainte patronne de Bilbao et de Biscaye. Ma fille porte son nom, comme beaucoup de femmes ici. On la surnomme Bego ou plus tendrement Amatxu, ce qui signifie “petite maman”.
Ça ne m’étonne pas que les Irlandais se plaisent à Bilbao. En fait, les Basques et les Irlandais ont beaucoup de points communs.
— Lesquels ?
— Le sens de l’humour et des aspirations à l’indépendance.
J’aime l’idéalisme, je crois qu’au fond tous les flics du monde ont de grands idéaux, même ceux qui finissent corrompus.
Dans les situations extrêmes, périlleuses, risquées, on suit son instinct et on adapte son comportement en fonction. Il est frappant de constater que les pressentiments surgissent spontanément, sans raisonnement préalable, ce qui nous permet de les percevoir comme une force magique, alors qu’en définitive ils sont l’interprétation d’une information que nous recevons de manière inconsciente.
L’égoïsme, c’est de ne pas laisser à autrui la possibilité de se prononcer.
En psychiatrie, l’escalade implique que tu cherches la réponse à la question qui t’a amené à consulter. Je crois que tu es près du but et que tu la connais, il ne te reste plus qu’à la formuler. Quelles que soient les choses que tu as enfouies en toi, tu en as peur, comme de l’abîme qui t’engloutira si tu tombes dans la cage d’escalier.
Je me demande pourquoi elle te plaît autant. L’amour ne doit pas faire pleurer, murmura-t-il en caressant son visage. Moi je ne te ferai jamais pleurer.
— Alors évite de mourir, sans quoi tu peux être certain que je pleurerai pour toi comme personne ne l’a jamais fait.
La survie des espèces découle de leurs capacités à échapper à leurs prédateurs, et la survie des prédateurs dépend de leur faculté à détecter leurs proies.
Mythologies et légendes
La caoineag, l’esprit pleureur, la démone de l’eau qui gémit dans le noir quand la mort de quelqu’un est proche. »
Esprit femelle du folklore écossais et de la mythologie gaélique, dont le nom signifie « pleureuse ». Souvent invisible, sauf pour ceux dont la mort est proche, elle se manifeste la nuit en se lamentant près d’une source, d’un torrent, d’un loch, d’une vallée glaciaire ou au pied d’une montagne.
Dans une légende écossaise, la caoineag, une démone de l’eau qui vit près des cascades et des torrents, pleure dans l’obscurité sans jamais se montrer, mais on l’entend. On raconte que ceux qui ont la malchance de la croiser connaîtront de grandes catastrophes ou mourront.
— La Llorona…
littéralement la Pleureuse. En Amérique centrale, personnage légendaire qui a le visage émacié d’une défunte et hante les berges des fleuves, parcourant la campagne, à la recherche de ses enfants morts.
Le mythe de la pleureuse existe dans de nombreuses cultures. Je n’ai jamais rencontré personne qui ait eu affaire à elle, mais certains de mes patients qui ont frôlé la mort disent avoir entendu un chant désespéré. Ça t’intéressera sans doute d’apprendre que dans certaines mythologies, seuls les assassins perçoivent ces lamentations quand leur heure est venue. Ce sont les pleurs de leurs victimes, qui ne trouvent pas le repos et les préviennent qu’elles les attendent de l’autre côté. »
Tradition:
Aste Nagusia : « Grande Semaine » en basque. Festivités de rue en l’honneur de la Vierge de Begoña, patronne de la ville, qui se déroulent après le 15 août.
Image: Bible John (un tueur en série non identifié qui aurait assassiné trois jeunes femmes entre 1968 et 1969 à Glasgow, en Écosse)