Coulon, Cécile « La langue des choses cachées » (RLH2024) 134 pages

Coulon, Cécile « La langue des choses cachées » (RLH2024) 134 pages

Autrice : Cécile Coulon, née le 13 juin 1990 à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), est une romancière, nouvelliste et poétesse française. À l’âge de 16 ans, elle publie son premier roman intitulé Le Voleur de vie. Elle passe un baccalauréat option Cinéma. Après une hypokhâgne et une khâgne au lycée Blaise Pascal à Clermont-Ferrand, elle poursuit ses études en lettres modernes. En 2016, elle prépare sa thèse dont le sujet est Le Sport et le corps dans la littérature française contemporaine.

Ses romans : Le Voleur de vie (2007) – Méfiez-vous des enfants sages, (2010) – Le roi n’a pas sommeil (2012) – Le Rire du grand blessé (2013) – Le Cœur du Pélican (2015). À 26 ans, elle publie son huitième livre, le roman « Trois saisons d’orage », qui obtient le prix des libraires 2017. En 2019 elle sort « Une bête au paradis », en 2021 « Seule en sa demeure », en 2024 «La langue des choses cachées »
Poésie: Les Ronces (2018) – Noir Volcan (2020) – En l’absence du capitaine (2022)

L’Iconoclaste – 11.01.2024 – 134 pages

L’éditeur en parle : Cécile Coulon explore dans ce roman des thèmes universels : la force poétique de la nature et la noirceur des hommes. Elle est l’autrice de Une bête au Paradis, Prix littéraire du Monde, Trois saisons d’orage, prix des Libraires, et du recueil de poèmes Les Ronces, prix Apollinaire. Avec La Langue des choses cachées, ses talents de romancière et de poétesse se mêlent dans une oeuvre littéraire exceptionnelle.

Résumé:
A la tombée du jour, un jeune guérisseur se rend dans un village reculé. Sa mère lui a toujours dit : « Ne laisse jamais de traces de ton passage. » Il obéit toujours à sa mère. Sauf cette nuit-là.

Mon avis:

Ah quel bonheur de retrouver la plume de cette poétesse et écrivaine… ( j’ai eu le plaisir d’écouter une interview de l’autrice sur le thème de son roman et mon commentaire laisse transparaitre les traces de ses explications)
L’idée de «La langue des choses cachées» lui est venue en Picardie dans le décor d’un lieu-dit « le Fond du Puits » en Picardie. Mais si l’idée lui est venue là, il a été modifié.

Cela pourrait se passer partout et n’importe quand. C’est un conte universel et intemporel, qui se situe au milieu de nulle part, qui se situe hors du temps, et dont les personnages sont qualifiés par des fonctions, le tout se passant en une seule nuit. Une vallée lointaine, encaissée entre deux collines, un paysage décrit comme un être vivant, avec des livres et des seins… Un personnage principal, « le fils » et en arrière-plan mais toujours présente, « la mère ».  Tous les deux sont-ils dotés d’un pouvoir, d’un don ? 

La mère est appelée par un prêtre; mais elle est vieille et pour la première fois, elle y envoie son fils, seul, à sa place. Il va se trouver face à un enfant malade, veillé par un homme qui a tout du monstre mais qui face à son enfant malade est totalement détruit et en devient humain… C’est un roman empreint de violence, du fait de ce « monstre » dont les actes passés ont traumatisé le lieu-dit et de ce que cela a et va engendrer.
Le fils suit les traces de sa mère mais il va outrepasser ses prérogatives et se laisser détourner de la mission pour laquelle il avait été appelé, ce qui va générer une situation pour le moins dramatique. Dès sa première mission, il outrepasse sa fonction.
Et ce ne sera pas sa seule erreur : il va communiquer par la parole alors que sa mère ne parlait pas… Lors de ce premier déplacement il va comprendre aussi l’étendue du pouvoir de sa mère qui était sollicitée non seulement pour les humains mais aussi pour les animaux. Si « le fils » veut assurer la transmission de la mère, il va lui falloir apprendre le silence, il va devoir apprendre à écouter et à se taire.

Une fois encore un environnement bien particulier, une atmosphère faite d’ombres et de tensions, le tout sous la plume empreinte de poésie de l’autrice. Une fois encore, je ressors envoutée par la prose et les sujets traités par Cecile Coulon. Je vous laisse avec le préambule et l’épilogue de ce monde hors du temps et de l’espace… 

Un seul regret … trop court !!!

Extraits: 

Ils avancent sous un pauvre croissant de lune : le prêtre connaît par cœur le Fond du Puits, le garçon voit les choses cachées. Il n’a pas besoin de lumière, elle l’empêcherait de faire son travail.

Il ne connaît que cela : les ombres, qu’il suit, qu’il fouille, qu’il traque. Comme sa mère le lui a appris. Elle ne travaillait jamais en plein après-midi, privilégiait toujours les petits matins et les lisières de crépuscule. 

La mère a passé sa vie à rendre celle du fils claire, limpide, il sait où il va, comment et pourquoi. Elle a fait en sorte qu’il sache tout. Pour qu’il prenne, un jour, sa place.

Le fils n’imagine pas le Fond du Puits ailleurs que dans l’ombre, ses bâtisses sont comme des dents dans une vieille bouche.

« Les cauchemars n’existent pas, ce sont des rêves un peu tordus. »

Le fils suit, il connaît les ombres, il vit dans leurs mouvements le soir, dans leur immobilité le jour, il sait les lire et les comprendre, personne au monde ne sait comme lui parler la langue des choses cachées.

Sa mémoire, elle, est intacte : le drame, c’est de tout savoir, de se rendre compte que le temps défait le corps et que le corps défait est une barricade trouée où les souvenirs s’engouffrent.

En ville, on n’avait pas besoin d’elle, la langue des choses cachées était enfouie sous d’autres mots, plus métalliques, coupés aux médicaments, alourdis par la paperasse.

Dans les rues du Fond du Puits, les maisons chuchotaient, les arbres caressaient d’autres arbres et les hommes, aussi violents qu’ailleurs, exerçaient leurs pouvoirs comme des enfants gâtés qui se heurtent à la réalité du monde sauvage. 

Mais le fils ne doit pas se mêler du passé, des affaires de sa mère, des vieilles affaires de sa mère.

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