Revay, Theresa « Ce parfum rouge » (2024) 376 pages
Autrice: Française, née à Paris le 5.02.1965
Après des études de lettres, elle débute en traduisant des romans depuis l’anglais et l’allemand. Traduite dans de nombreux pays, elle commence à être appréciée pour ses grandes fresques historiques
Romans: L’Ombre d’une femme (1988) – L’Ouragane (1990) – Valentine ou le Temps des adieux, (2002) – Livia Grandi ou le Souffle du destin (2005) – La Louve blanche(2008) – Tous les rêves du monde (2009) – Dernier été à Mayfair, (2011) – L’Autre Rive du Bosphore (2013) – La vie ne danse qu’un instant (2017) – La nuit du premier jour, (2020) – La Course parfaite : François Mathet, portrait du maître entraîneur (2021) – Ce parfum rouge (2024)
Stock – Collection la bleue – 27.03.2024 – 376 pages
Résumé:
Lyon, 1934. Nine Dupré, 27 ans, appartient à une lignée de parfumeurs français établie à Moscou sous l’empire des tsars. La révolution bolchevique a mis fin brutalement à son enfance. Son père, qui lui a transmis sa passion, a disparu dans la tourmente. Nine a grandi en exil, à Paris. Désormais, c’est en sa mémoire qu’elle veut se faire un nom dans ce métier exigeant. Alors qu’elle travaille à Lyon pour une grande figure de la parfumerie française qui l’a prise sous son aile, Nine rencontre Pierre Rieux, un commissionnaire au passé sulfureux, proche du pouvoir soviétique.
Bien que tout les sépare, ils deviennent amants. Lors de la visite d’une délégation de Soviétiques, Nine respire dans leur sillage un parfum dont seul son père détenait la composition. Comment est-ce possible ? Le maître parfumeur aurait-il survécu au pire ? Et à quel prix ? Une fenêtre s’entrouvre, car Staline vient de lancer un concours international de parfums en prévision des vingt ans de la révolution.
Contre toute attente, elle prend le risque insensé de retourner dans sa ville natale, ce Moscou moderne, revu et corrigé par Joseph Staline, en quête de son père. Theresa Révay dévoile une page insolite de la haute parfumerie au XXe siècle. Sur fond de drames historiques et d’amour, elle dresse le portrait d’illustres créateurs mais aussi de personnalités méconnues de cet univers captivant, dont celui de son arrière-grand-oncle, Léon Givaudan.
Mon avis:
Tout ce que j’aime ! Gros coup de coeur. Un roman historique, une saga familiale, la parfumerie, une histoire de famille avec des secrets, une histoire d’amour, des personnages attachants…
C’est parti pour un voyage en Europe qui traverse le 20ème siècle : Paris, Lyon, Moscou, Genève.
Je vous invite à faire la connaissance de Nine (le personnage principal) qui va représenter la maison Coty au concours des jeunes parfumeurs à la Foire Internationale de Lyon. Lors – ou en relation avec ce concours – elle va rencontrer le fondateur de Givaudan, Pierre Rioux – trait d’union financier entre la France et la Russie, à la personnalité complexe – et ce concours va la propulser dans le monde des futurs grands parfumeurs.
Ce roman parle des grands noms de la parfumerie : Étienne Dupré, Jacques Guerlain, François Coty, Vincent Roubert, Ernest Beaux, Jean Patou… et pour les genevois Givaudan est une institution!
On y parle odeurs, huiles essentielles, aromathérapie, propriétés guérisseuses des plantes, démocratisation de la parfumerie, orgue à parfums..
Mais à coté du monde de la parfumerie, il y a tout le reste. La vie de Nine est juste incroyable et c’est une aventure qui mêle le passé de la jeune femme et le passé de la Russie, tant du coté personnel que politique. Au fil des pages, l’histoire de la Russie et des relations France-Russie se déroule, en toile de fond et se mêle aux secrets de famille, à l’amour…
Un superbe roman qui fait vibrer du début à la fin.
Ceux qui me connaissent un peu savent que j’aime ce qui a trait aux parfums ( je fais la collection des miniatures et des anciennes bouteilles)
Sur le blog, il y a quelques livres qui parlent de parfum :«Le roman des Guerlain – Parfumeurs de Paris» d’ Elisabeth Feydeau, « Journal d’un parfumeur » de Jean-Claude Ellena, « Le printemps des enfants perdus » de Béatrice Egemar . (J’ai également le Dictionnaire amoureux du parfum d’Elisabeth Feydeau mais il ne fait pas l’objet d’un article…)
Petit plus : Lors du Festival du LÀC de Collonge Bellerive 2024, j’ai eu l’occasion de rencontrer l’autrice qui est solaire . Et j’ai eu droit à un petit cadeau : un marque-page avec l’odeur du parfum rouge qui a parfumé ma lecture… Un pur bonheur.
Extraits:
Ainsi, Givaudan présente un univers qui lui est propre, éveillant chez un parfumeur un imaginaire singulier.
L’aristocratie russe parlait le français jusque dans ses rêves et la France offrait à l’empire la quintessence de ses artisans et industriels d’excellence. Joailliers, parfumeurs, soyeux, fourreurs, modistes venaient s’établir sans crainte, assurés de faire fortune.
La solitude, je connais bien. C’est une fausse amie.
J’écris comme on dresse des brise-lames. Pour faire barrage au silence. Ce ne sont pas les murs qui conservent notre désarroi mais les replis de notre cœur, n’est-ce pas ? Et un cœur, hélas, on l’emporte partout avec soi.
Il n’y a pourtant rien à espérer à regarder derrière soi.
Dans le doute, forcez la note. Les meilleurs parfums sont ceux de l’excès.
Sa mère est une artiste. Elle vernisse comme personne les coups de griffe qui égratignent le cœur.
Si Rome ne s’est pas faite en un jour, la nouvelle Moscou y aspire ardemment.
Il connaît ce sortilège des senteurs qui va d’envoûtements en maléfices et dont il faut se protéger.
Contrairement aux marxistes, vous voyez, les parfumeurs ne font jamais table rase du passé, précise-t-il avec un sourire complice. Notre travail impose l’amélioration constante de fragrances existantes. Le secret, c’est de pousser les innovations plus loin que ses concurrents et d’être plus audacieux.
Une gourmandise heureuse n’est-elle pas une facette de cette sensualité indispensable à tout parfumeur digne de ce nom ?
Mais de nos jours, la sauvagerie est partout. Elle est rouge en Russie, brune en Allemagne, et elle porte des chemises noires en Italie.
De l’âme russe elle a retenu la leçon intime du nitchevo, cette sorte d’insouciance face à l’inéluctable.
Le silence dévoile bien mieux les êtres que de vaines paroles et les hommes qui parlent pour ne rien dire l’exaspèrent.
Un parfum ne naît pas d’acier et de ciment, de sueur et de sang. C’est une émotion, délicate ou ardente. Une mémoire, une nostalgie, un désir. Toujours un cœur qui bat.
Chez nous, la seule richesse est d’en savoir plus que les autres.