Escoffery, Jonathan « Si je te survis » (RLE2024) 336 pages

Escoffery, Jonathan « Si je te survis » (RLE2024) 336 pages

Auteur: Né au Texas, Jonathan Escoffery a grandi en Floride dans une famille d’origine jamaïcaine. Ses nouvelles ont été publiées, entre autres, dans The Paris Review et American Short Fiction. En 2021, il a reçu la prestigieuse bourse Wallace Stegner de l’université de Stanford. Si je te survis est son premier livre, unanimement salué par la critique aux États-Unis, comme ailleurs.

Albin-Michel « Collection Terres d’Amérique » – 25.09.2024 – 336 pages – (« If I survive you » 2022)  Traduit par Alexei Du Périer

Résumé:
« T’es quoi, au juste ? Cette question, on te la posera tout au long du collège et du lycée, puis, une fois jeté dans le monde, dans les clubs de striptease, les restaurants, au téléphone et dans les divers métiers ingrats que tu exerceras. » Trop noir pour être Latino, pas assez pour être Jamaïcain: Trelawny, qui a grandi aux Etats-Unis après que ses parents ont quitté Kingston, n’entre dans aucune case. 

Au sein de cette Amérique où l’on prête serment à la bannière étoilée, il reste un étranger. En cherchant désespérément sa réelle identité, et sans bénéficier du soutien des siens – un père absent, un frère peu fiable -, le jeune homme va être confronté à l’expérience de la solitude et à l’omniprésence du racisme, y compris dans sa propre communauté. Et va devoir décider quel genre d’homme il souhaite être dans ce monde qui est le nôtre.

Mon avis:
Ce roman est de fait un recueil de nouvelles avec la continuité des personnages. : Fluctuant – À l’ombre de l’aki – Petits boulots – Pestilence – Amerrissage – Vie autonome – S’il avait su qu’il allait causer la mort de quelqu’un…, Delano ne se serait jamais levé de son canapé – Si je te survis.
Un roman sur le racisme, sur les différences raciales, sur les différences ethniques, sur le langage, les désillusions, la non-intégration, la survie, le manque d’avenir, la quête d’identité, l’isolement.
Le racisme sous toutes ses formes:  non seulement noirs-blancs, mais aussi entre les latino-américains et les caribéens (jamaïcains, trinidadiens, guyanais)…
Le roman est un concentré de phrases fortes, de témoignages forts et met l’accent sur des problèmes qui ne sont pas près de s’arranger. Un vrai coup de poing.

Malheureusement je n’ai pas réussi à m’attacher aux personnages et surtout j’ai trouvé très décousu. Il faut dire que les nouvelles ne facilitent pas la fluidité du texte et j’ai perdu le fil. Après les deux premières, j’ai décroché à plusieurs reprises. 

T’es quoi, au juste ? » Nous sommes dans l’Amérique des années 80. Et la question de la couleur de peau est au centre du récit : Trelawny est-il noir ? Il est jamaïcain, « marron » en fait… Ce qui est certain c’est qu’il est repoussé par les noirs, les blancs, les hispanistes, les portoricains… Pourtant en Jamaïque il n’était pas noir, mais en Amérique il l’est devenu..
Il va même faire un test qui lui révèle qui lui révéla la composition ethnique de ses ancêtres : 59,9 % d’ascendance européenne .. mais 1% de noir et tu es estampillé noir…
L’important ce sont les racines, la colonisation, l’immigration, l’esclavage…Dans la famille, il y a deux fils: Delano – sportif (quarterback), joueur de guitare – et Trelawny – rêveur, amateur de livres, angoissé de nature, bon élève mais absolument pas manuel – inadapté dans le monde américain car trop fragile.
Les parents veulent leur inculquer la culture jamaïcaine. C’est alors que l’ouragan Gilbert déferle sur la Jamaique, puis Andrew sur les Etats-Unis.
Malgré un diplôme avec les félicitations du jury, Trelawny ne trouve pas de travail, et même pas d’entretien d’embauche. Et il va accepter n’importe quoi pour gagner un peu d’argent.
La maison que son père a construite est infestée de bestioles style millepattes, crabes, sauterelles, grenouilles, limaces engoulevents et autres joyeusetés. Il y flotte une odeur nauséabonde.
Les relations entre Trelawny et son père et entre Trelawny et son frère sont mauvaises. Il faut dire que le frère n’est pas réglo – c’est le moins qu’on puisse dire – et que l’attitude du père est hautement contestable!
De fait il n’y a que du noir, et pas de lumière dans ce récit et c’est trop dur pour moi. Froid dans le dos pendant toute la lecture. 

Un grand merci une fois encore à Francis Geffard et la collection Terres d’Amérique d’Albin-Michel. Une fois n’est pas coutume je n’ai pas été conquise, mais j’ai été très intéressée. 

Extraits:

Si tu restes immobile, personne ne te remarque – tu deviens invisible. Si personne ne te voit, personne ne peut se rendre compte que tú no entiendes, que tu n’as pas vraiment ta place.

– T’es noir, Trelawny. En Jamaïque on l’était pas, mais ici on l’est. C’est la règle de « l’unique goutte ».

La race, comme tu le sais, est une construction sociale. Elle ne peut être mesurée, car elle n’existe pas – au sens biologique.

Tu penses t’installer à New York, mais finalement tu poses tes valises à Miami parce qu’une fois t’as rendu visite à ton oncle Michael à Brooklyn en novembre, et vu comment l’automne t’a épluché les fesses de sa langue froide, t’oses même pas imaginer à quoi ressemble l’hiver. 

À l’hôpital, on te donne l’acte de naissance à signer, et tu vois qu’en dessous de l’année, 1980, dans une section appelée « Race du père », ils ont mis « Négroïde ». Tu dis à l’infirmière, « Nègre », je connais, mais ça veut dire quoi oïde ? Elle prend même pas la peine de répondre.

– Tu connais l’adage : quand on se dispute avec un con…

Cukie voulait lui demander dans quel pétrin il s’était fourré, mais il dit :

– Ça fait deux cons. Et il est toujours aussi vrai.

Cependant, lorsque je mentionne la Jamaïque devant des non-Jamaïcains, personne ne pense aux agents de la CIA, aux Premiers ministres fantoches ou à la continuité historique. Au lieu de ça, les gens se lancent dans des associations d’idées, comme s’ils participaient à une battle de rap : Bob Marley, sé oké, ganja, gens pauvres, Sandals, yé man ! Au mieux, ils pensent que notre histoire a commencé au moment où ils ont acheté leur forfait vacances tout compris.

Bien sûr, la différence entre mes parents et des exilés – en fait, la différence entre mes parents et moi – c’est que mes parents ont une mère patrie où ils peuvent retourner.

Et il y a d’autres sources de puissance, moins évidentes. Le désespoir, par exemple, dans lequel vous pouvez puiser tous deux. Mais que dire de la force de celui qui a été constamment dévalorisé ? Et de celle de l’opprimé, celle que l’on développe à force de se faire baiser par la vie ?

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