Fagan, Jenni « Ootlin » (2025) 368 pages

Fagan, Jenni « Ootlin » (2025) 368 pages

Autrice : Jenni FAGAN est née en Écosse en 1977. Elle étudie l’écriture créative à l’université de Greenwich, puis remporte une bourse pour la Royal Holloway de Londres. Elle a publié plusieurs livres de poésie, dont le dernier, The Dead Queen of Bohemia, se trouve parmi les Best Scottish Poems 2017.  En 2013, elle figure sur la liste des jeunes écrivains britanniques les plus prometteurs publiée par Granta. Elle travaille comme écrivain en résidence dans des unités de néonatologie, des prisons pour femmes, avec des aveugles, des jeunes délinquants, des femmes en danger, et à l’université d’Édimbourg. En 2016, le Sunday Herald Culture Awards la couronne écrivain de l’année. La Sauvage (The Panopticon), son premier roman, traduit en neuf langues, bientôt au cinéma, est immédiatement encensé par la critique, qui la compare à Anthony Burgess (L’Orange mécanique) et Irvine Welsh (Trainspotting). « Vive Jenni Fagan ! » dit le New York Times, et elle fait à nouveau la une pour son deuxième roman, Les Buveurs de lumière (The Sunlight Pilgrims).

Romans « La sauvage »(2013) ;« Les buveurs de lumière» (2017);« La fille du diable » (2022); « Ootlin » (2025)

Editions Metailie – Bibliothèque écossaise – 17.01.2025 – 368 pages ( traduit de l’anglais par Céline Schwaller)

Résumé:

« Ceci est une histoire qui parle d’histoires. Les histoires que les autres nous racontent sur qui nous sommes. » Les services sociaux ont voulu écrire celle de Jenni Fagan avant même qu’elle soit née. Séparée de sa mère, psychotique, dès sa naissance, elle avait déjà connu 14 maisons d’accueil et changé de nom à de nombreuses reprises à l’âge de 7 ans.

Vingt ans après avoir essayé de raconter son histoire pour la première fois, l’auteure nous livre dans Ootlin un récit d’une force inouïe : sans misérabilisme, elle se réapproprie sa vie d’enfant du système, d’abandons en adoptions aberrantes, la fuite dans la délinquance et la drogue, puis la découverte salvatrice de l’art, de la musique, des livres et du pouvoir des histoires.

Un chef-d’œuvre littéraire qui vous prend par le cœur et qui rappelle les mots de James Baldwin : « Vous pensez que votre douleur et votre cœur brisé sont sans précédent dans l’histoire du monde, mais ensuite vous lisez. »

Mon avis: ❤️❤️❤️❤️❤️

Je suis cette romancière écossaise depuis son premier ouvrage et je suis toujours touchée et/ou bouleversée par ses romans. Il s’agit là de son histoire, qui est d’une violence incroyable et qui est au-delà de l’impensable et de l’imaginable ! C’est un véritable coup de poing dans le coeur. 

Comme le dit l’autrice c’est l’histoire de la lettre d’adieu de son suicide qui s’est transformée en manuscrit.. et d’un suicide qui n’a pas eu lieu. L’adolescente est devenue femme, sauvée par les livres, les mots, les voix. Elle va rouvrir le manuscrit, faire des recherches approfondies sur son enfance, son parcours et elle va raconter l’horreur, l’indicible… 

Trois périodes : 0 à 5 ans – 5 ans à 12 ans – 12 ans à 16 ans.

Un asile psychiatrique de style victorien en Ecosse. L’autrice y séjourne r dans le ventre de sa mère, en tant que fétus de 5 mois… Elle y naitra, avec une ascendance difficile : Mère, grand-mère et arrière-grand-mère avec des problèmes d’addiction et de dépendance… Ces « parents » seront donc l’Etat et les institutions sociales écossaises… Directement séparée de sa mère à la naissance elle est emmenée où ? On ne sait pas. On sait juste qu’elle est qualifiée d’ » Ootlin » (Ootlin, en écossais, c’est une de ces personnes bizarres qui ne trouvaient jamais leur place, une pièce rapportée qui ne voulait pas rentrer dans le moule) . Elle semble avoir atterri par erreur chez des ancêtres alors que tout le monde la cherchait.. Elle aurait semble-t-il été affectée par un patrimoine génétique instable et pour ainsi dire cataloguée malade mentale à la naissance…
Dépossédées de tout – y compris de son nom et de son identité – elle sera transbahutée de famille d’accueil en  foyers, subira des injustices, fera l’objet de maltraitance enfantines et de brimades à hautes doses.
Ce qui incroyable et magnifique dans ce récit c’est que la petite fille recherchera toujours le beau, le juste, la lumière, malgré tous les mauvais traitements. Elle passera par une tentative de suicide à l’âge de douze ans.
Bien sûr pour survivre dans ces environnements durs et impitoyables, elle passera par bien des stades, et en particulier par la violence et la drogue. Cercle vicieux pour celle qui voudrait se poser, avoir une vie simple, « clean » et normale, pouvoir étudier et arrêter la drogue. Mais pas facile quand on est adoptée, désadoptée, qu’on la change de nom, de vie, de foyer, de vie à tout bout de champ. A 14 ans elle a tout connu : beuh, acide, speed, viols…
L’autrice nous raconte sa vie, son enfance, comment les mots lui ont permis de survivre, elle qui au fond d’elle même préférerait se suicider plutôt que de faire du mal à autrui.

Une étude du monde des services sociaux qui fait froid dans le dos.

Et la preuve que quand on veut s’en sortir, on peut ! Une force de caractère et une foi en la vie qui dorment le respect et l’admiration ! 

Comme je viens de lire un autre roman totalement différent sur les ados en vrac et porteur d’espoir également, je tiens à recommander le livre de  Colin, Jerome « Les dragons » (RL2023)

Extraits:

Ceci est l’histoire d’une fille qui a trouvé le chemin des livres et découvert dans le monde des mots le seul endroit dans lequel elle se sentait véritablement à sa place.

« Ootlin, en écossais, c’est une de ces personnes bizarres qui ne trouvaient jamais leur place, une pièce rapportée qui ne voulait pas rentrer dans le moule ».

Je suis en train de craquer. Je lis les contes de fées comme s’il s’agissait des règles de la vie. Je lis aussi tous les livres que je peux trouver. Les histoires deviennent vraies. Elles peuvent changer notre vie du tout au tout. Je ne dis à personne que les autres mondes sont réels. Ils le sont pourtant.

Les mots sont véritablement magiques.
Ils m’emmènent dans le seul endroit où je me sens à ma place sans avoir à m’excuser.

Je n’ai pas le droit de jurer. Il paraît qu’il y a des vilains mots et des jolis mots. Ce n’est pas vrai. Il n’y a que des mots.

J’ai décidé que j’apprendrais à faire face à ce qui s’est passé dans ma vie en ne retournant jamais dans aucun des endroits où j’ai vécu auparavant. Comme ça je pourrai oublier les choses qui se sont passées là-bas. Le moi que j’étais à l’endroit précédent n’existe plus. Je peux devenir quelqu’un d’autre , un nouveau moi. 

La vérité c’est que je n’ai pas la moindre putain d’idée de qui je suis.
Je suis une chose en mouvement. 

Cher avenir, si tu lis ceci, alors un mot pour ceux qui ne sont pas morts de la part des à-bientôt et de ceux-partis-depuis-longtemps, sois beau, ce cadeau… la vie.

Les mots…sont un phare.
Ils nous permettent de légiférer, de marier, d’enterrer, d’acheter, de vendre, d’éduquer, d’opprimer, de contrôler, de célébrer, d’élever, de contrer, de défier ; les histoires que nous racontons sont le fondement de ce que nous sommes et qui nous sommes, et on ne peut les sous-estimer.

Parfois les gens sont beaux. Gentils et pleins d’espoir, généreux et bons, et ils ne font pas les choses juste par appât du gain. Je veux être une de ces personnes. Comme je l’étais quand j’étais une petite fille passionnée de contes de fées. Je ne veux pas être amère. J’ai rencontré des gens tellement amers qu’ils étaient capables de vous écorcher vif avec une phrase.

Recherchez toujours la beauté, en particulier dans les moments les plus difficiles.
Vous la trouverez parfois dans un simple perce-neige, dans le ciel, ou en voyant un vieil homme rentrer lentement chez lui avec son chien hors d’âge, sachant que son compagnon ne se laissera pas mourir avant lui parce que son maître a besoin de cet amour.
Chaque acte de bonté, d’amour ou de gentillesse compte plus que celui qui le fait ne le saura jamais.

La discrimination est un acte déshumanisant. Elle compromet profondément les droits fondamentaux de ceux qui doivent se réapproprier leur propre image face à une présence écrasante souvent établie par un programme politique qui n’a en fait rien à voir avec eux.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *