Appanah, Nathacha «Les rochers de Poudre d’Or» (2003)

Appanah, Nathacha «Les rochers de Poudre d’Or» (2003)

Auteur : Ayant le créole mauricien comme langue maternelle, Nathacha Devi Pathareddy Appanah, dont la famille descend d’« engagés » indiens immigrés à Maurice, écrit en français. Elle travaille d’abord à l’île Maurice comme journaliste pour Le Mauricien et Week-End Scope. Elle s’installe en 1998 en France, où elle poursuit sa carrière de journaliste dans la presse écrite et en radio. Ses articles sont publiés dans Géo Magazine, Air France Magazine, Viva Magazine et elle fait des reportages pour la Radio suisse romande, RFI, France Culture. Son premier roman, Les Rochers de Poudre d’Or, publié en 2003 aux Éditions Gallimard raconte l’épopée des travailleurs indiens venus remplacer les esclaves dans les champs de canne à sucre à l’île Maurice. Son deuxième roman Blue Bay Palace (Gallimard, 2004) donne à voir la schizophrénie d’une île Maurice entre l’image de la carte postale et une société très marquée par les classes, les castes et les préjugés. Dans La Noce d’Anna, publié en 2005 aux éditions Gallimard, la narratrice, tout en vivant la journée du mariage de sa fille, Anna, s’interroge sur la transmission entre mère et fille. Le Dernier Frère, publié en 2007, aux éditions de l’Olivier, raconte l’histoire de Raj, un garçon mauricien et de David, un jeune juif qui se retrouve enfermé à la prison de Beau-Bassin pendant la Seconde Guerre mondiale. Le Dernier Frère a reçu plusieurs prix littéraires dont le prix du roman Fnac 2007, le prix des lecteurs de L’Express 2008, le prix de la Fondation France-Israël. Il a été traduit dans plus de quinze langues. En 2015, parution de En attendant demain (Gallimard 2105) Paru en 2016, son roman Tropique de la violence est issu de l’expérience de son séjour à Mayotte où elle découvre une jeunesse à la dérive (source Wikipedia). Et toujours en 2016, «Petit éloge des fantômes» , 7 petites nouvelles.

Collection Continents Noirs, Gallimard -176 pages
Résumé : Avril 1892, Inde, colonie britannique. Des profondeurs du sous-continent, ils sont poussés vers l’océan. Un exilé volontaire et nostalgique sur les traces de son frère, un paysan meurtri par la misère et la domination des propriétaires terriens, une fascinante veuve au sang royal fuyant le bûcher, un candide joueur de cartes espérant trouver l’eldorado de l’autre côté de «l’Eau noire»… Ils rejoignent une centaine d’autres Indiens entassés dans les cales de l’Atlas pour les vertiges mortels d’une traversée de plusieurs semaines vers une île qu’on leur promet merveilleuse et fertile. Tout bas, on leur raconte que sous les rochers de ce pays mystérieux et clément, sommeille l’or. Ils ne savent pas qu’ils vont remplacer les esclaves des champs et passer de la soute à la soue, entre le bleu du ciel et le vert de la canne à sucre.
Juin 1892, île Maurice, colonie britannique. Le drapeau est anglais, mais ce sont les Français, installés ici depuis deux siècles, qui font marcher…
Avril 1892, Inde, colonie britannique. Des profondeurs du sous-continent, ils sont poussés vers l’océan. Un exilé volontaire et nostalgique sur les traces de son frère, un paysan meurtri par la misère et la domination des propriétaires terriens, une fascinante veuve au sang royal fuyant le bûcher, un candide joueur de cartes espérant trouver l’eldorado de l’autre côté de « l’Eau noire»… Ils rejoignent une centaine d’autres Indiens entassés dans les cales de l’Atlas pour les vertiges mortels d’une traversée de plusieurs semaines vers une île qu’on leur promet merveilleuse et fertile. Tout bas, on leur raconte que sous les rochers de ce pays mystérieux et clément, sommeille l’or. Ils ne savent pas qu’ils vont remplacer les esclaves des champs et passer de la soute à la soue, entre le bleu du ciel et le vert de la canne à sucre.
Juin 1892, île Maurice, colonie britannique. Le drapeau est anglais, mais ce sont les Français, installés ici depuis deux siècles, qui font marcher les affaires. Ce matin-là, ce sont eux qui attendent les Indiens de l’Atlas. Les destinées vont se nouer entre rêves et douleurs, haines et désirs, dans le village de Poudre d’Or aux rochers défiant le ciel et la terre et les songes des hommes.
Le journal de bord du médecin ivre, la rencontre des Noirs libérés de l’esclavage et des Indiens déportés resteront des moments inoubliables de ce roman historique fondé sur des faits avérés, tant l’auteur a le don de faire voir et d’émouvoir.
Prix RFO 2003
Mon avis : Quand je vois un livre d’Appanah, maintenant je m’empresse de le lire. Et quand on lit ce premier roman, on comprend la suite… Dès le premier roman elle subjugue. Elle nous parle de son ile, d’un pan de l’histoire que nous ne connaissons pas et nous dépeint des personnages attachants et crédibles.
Plusieurs personnages quittent l’Inde pour des jours meilleurs… Ils croient aux promesses des recruteurs qui sévissent en Inde pour amener de la main d’œuvre à Maurice. Non ce n’est pas de l’esclavage (il y a des contrats de 5 ans) mais cela y ressemble fortement. Ils sont engagés en remplacement des anciens esclaves africains et sont traités de la même façon… Certains fuient l’Inde, d’autres embarquent de leur plein gré… Cette partie du roman nous permet de faire connaissance avec les personnages et nous les rend de suite attachants.
La romancière va ensuite nous dépeindre la traversée en bateau… le cauchemar absolu. D’un côté les indiens, de l’autre les « blancs » ; certains sont compréhensifs (comme le capitaine) mais d’autres sont des monstres racistes et colonialistes, comme le médecin de bord brutal, méprisant, alcoolique.
Enfin nous touchons terre à Maurice : direction le village de Poudre d’Or… pour les hommes la découverte du travail dans les champs de cannes à sucre et pour les femmes qui ont fait la traversée le travail domestique. Et on ne passe pas sous silence le comportement des Blancs et des Noirs envers les Indiens…
Mais aucun personnage, aussi exécrable soit-il n’est totalement condamné par la romancière ; ils ont tous une (petite) part d’humanité ou de souffrance qui pointe sous leur brutalité… La fin du récit n’étant pas fermée, j’aime à croire qu’il y aura un peu de ciel bleu qui succèdera à la noirceur… ailleurs que dans le ciel étoilé…

Extraits :

Ici, depuis des siècles, dans les familles de sang royal, les femmes montaient sur le bûcher avec leur mari. C’était une tradition comme une autre. De toute façon, que ferait une femme sans son mari ? Qui voudrait d’une veuve quand les jeunes filles vierges ne manquaient pas ? Surtout, qui prendrait le risque d’accueillir une femme qui porte tellement le mauvais œil qu’elle finit veuve ?

Je n’ai apporté qu’un seul livre, le même à chacun de mes voyages : La Tempête de Shakespeare. Sur un bateau, en direction des îles, en compagnie de fous, il n’y a rien de plus, comment dire, approprié.
Je le lis et le relis à chaque voyage et je ne cesse d’y découvrir de nouvelles choses. Comme si pendant qu’il était clos, le livre respirait et muait.

Le capitaine m’a dit que, pour les Indiens, traverser l’océan équivalait à perdre sa caste et à renaître sous la forme d’insectes. Selon lui, des histoires circulent sur les Indiens engloutis par l’océan, brûlés ou enlevés par des âmes maléfiques qui croupissent sous l’eau !

Leur ombre est un poison sombre qui se glisse sous ma porte, dans la serrure, dans la moindre craquelure où, le jour, danse la lumière.

Ce bateau est hanté par les morts.
Ils se promènent là où ils sont interdits.

Ils auraient pu crier, pleurer, se révolter, mais non, ils n’étaient pas comme cela, ces Indiens-là. Ils se disaient que demain, ils verraient leur terre promise.
… Demain…

Ne pensaient-ils pas que le destin aurait de toute façon le dessus sur tout ? Alors, à quoi bon lutter ?

Le vent prenait son élan là-bas à l’horizon, s’enroulait, s’empiffrait d’embruns, volait de la force aux vagues et se lançait avec acharnement dans le port.

Malgré la bataille de 1810 où les Français avaient dû céder l’île de France aux Anglais, les établissements sucriers étaient toujours aux mains des vaincus. Après l’abolition de l’esclavage, les Anglais leur avaient fourni une main-d’œuvre indienne peu chère et docile. Les Français étaient là depuis deux générations parfois et l’administration anglaise s’en arrangeait bien. L’important, c’était qu’il n’y eût pas de conflit majeur entre les communautés et que l’Union Jack flotte tous les jours sur le port. Pour eux, Maurice n’était qu’une colonie placée stratégiquement entre l’Afrique, l’Inde et pas très loin de l’île Bourbon, qu’ils lorgnaient en vain. Jamais ils n’avaient voulu en faire une petite Angleterre.

Il n’avait rien connu d’autre, il ne pouvait pas dire qu’il avait été malheureux. Il ne pouvait pas non plus dire qu’il avait été heureux – d’ailleurs, il n’arrivait pas à se faire une idée juste de ce que voulait dire ce mot.

derrière la carapace de sept ans de labeur et de désillusion, il y avait encore deux jeunes hommes insouciants en quête de pièces d’or, quelques étoiles de leurs larmes étaient de chagrin.

Les fissures du toit de paille se dévoilaient à la lumière du jour et les rayons tombaient comme des couperets autour d’elles.

Sans racines, nous sommes un peuple sans racines mais la mer nous appartient. La lumière nous appartient…

Chacun doit suivre son chemin. Badri n’avait pas bien compris la phrase mais il pensa qu’à chaque fois qu’il trouvait son chemin, il courait pour s’enfuir.

ce plat pays où le soleil se levait sans qu’on s’en rende compte tant on était courbé sous la tâche et il se recouchait sans quequi que ce soit n’ait eu le temps de lui rendre hommage.

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