Di Fulvio, Luca «Les enfants de Venise» (2017)

Di Fulvio, Luca «Les enfants de Venise» (2017)

Auteur : Luca Di Fulvio – né le 13 mai 1957 à Rome et mort le 31 mai 2023 – est un homme de théâtre et un écrivain italien, auteur de roman policier, de fantastique et de littérature d’enfance et de jeunesse. Il est devenu l’un des nouveaux phénomènes littéraires à suivre avec la sortie de « Le gang des rêves » (« La gang dei sogni », 2008) publié en France en juin 2016 chez Slatkine & Cie et premier tome d’une forme de trilogie. Plébiscité par les libraires et les lecteurs, le livre, qui raconte le New York des années 20 par les yeux d’un jeune Italien, s’est lentement mais sûrement transformé en best-seller. Suivra, un an plus tard, « Les enfants de Venise » (La ragazza che toccava il cielo, 2013) puis « Le soleil des rebelles » (Il bambino che trovò il sole di notte 2015), « Les prisonniers de la liberté » (la figlia della libertà 2018) RL2019, « Mamma Roma » (La ballata della città eterna 2020) (RL2021), « Le paradis caché » (RL2023)

En 2020 il publie son premier roman jeunesse «Les aventuriers de l’autre monde» (I ragazzi dell’altro mare)

Ed. Slatkine – 11.5.2017 – 800 pages Pocket – 5.4.2018- 987 pages

Après l’immense succès du Gang des rêves, Luca di Fulvio signe ici un nouveau roman historique qui nous plonge dans l’Italie du XVIe siècle

La trilogie : L’incroyable génie de Luca Di Fulvio tient à ce qu’il emprisonne son lecteur. On lit un petit millier de page en deux nuits, et on se rend compte en refermant le livre qu’on s’est fait attraper, par une intrigue menée tambours battants. Dans Le Gang des rêves, nous étions tous Christmas, projetés dans un New York cinématographique où les enfants se jouaient comme ils le pouvaient de la violence des hommes. Avec Les Enfants de Venise, nous avons fui avec Mercurio dans la mystérieuse Venise des balbutiements de la Renaissance. Le Soleil des rebelles jette le lecteur dans la légende immémoriale d’un temps oublié, d’une région inconnue, entre lacs et forêts, ou tout relève du conte. Les époques et les histoires de ces romans-torrents n’ont rien à voir. Pourtant, elles disent le même monde : l’amour, la loyauté et l’amitié contre l’argent, la haine de l’autre, les violences faites aux femmes et aux enfants. C’est à New York en 1920, à Venise en 1515, en Bohème en 1407. C’est hier comme aujourd’hui.

Résumé : Venise, 1515. Peu de villes auront connu autant d’injustices, de dangers, de misère et de vices. De liberté, aussi. Liberté pour Mercurio, petit voleur des rues, as du déguisement, pour qui le pavé romain est devenu trop brûlant. Liberté pour Giuditta, jeune et belle Juive, dont la religion semble ici tolérée – mais pour combien de temps ? Rien ne les vouait à s’aimer. Pourtant… Entre inquisiteurs et courtisanes, palais, coupe-gorge et canaux putrides, les amants de Venise feront mentir le destin…

Mon avis : Deuxième tome de cette trilogie que j’ai beaucoup aimé également. Bienvenue dans la Venise du XVIème siècle. Une fois encore l’immigration juive est au centre du roman, le racisme, l’envie d’y croire, l’envie de réussir, de s’en sortir, et bien sûr… l’amour. Comme dans son roman précédent l’auteur façonne ses personnages en leur faisant comprendre qu’ils ont en eux les armes pour s’élever, pour améliorer leur propre condition, mais pas au détriment des autres.
Mais pas que… il y a aussi la rivalité entre Rome la religieuse et Venise l’indépendante. Et j’ai beaucoup aimé la trame historique du roman.
Les personnages sont attachants. Il y a Mercurio, l’orphelin romain des bas-fonds qui rêve de retrouver sa mère et d’être aimé. Il y a les deux juifs, Isacco da Negroponte et sa fille Giuditta. Tous vont faire route vers Venise pour recommencer leur vie sur de nouvelles bases, en espérant laisser le passé derrière eux. Negroponte est de fait l’ile d’Eubée  qui fut sous domination vénitienne pendant une période (après la IVème croisade) . En fait de nouveau départ Giuditta et son père vont se retrouver enfermés dans le ghetto et ne vont pas trouver la liberté qu’ils espéraient au terme de leur périple. Giuditta qui supporte mieux que les autres cette privation de liberté en ayant recours à l’imagination, en chevauchant les étoiles… Tant Mercurio que Isacco sont des escrocs, mais pas pour les mêmes raisons.
Alors je vous abandonne à Venise en compagnie de Mercurio, de Giuditta et Isacco et d’une série de personnages secondaires extrêmement bien campés. Et si comme moi la Venise du Cinquecento vous intéresse … (attention pas question de la Venise des peintres) …

Extraits :

Une antique légende parlait d’une sainte, martyrisée par les barbares, qu’un médecin charitable aurait soignée ; il avait rendu sa mort plus douce et recueilli ses dernières volontés. La sainte voulait que ses restes soient rapportés dans sa patrie et y reçoivent une sépulture digne de ce nom. Mais pour éviter que le scorbut ne tue les marins auxquels sa dépouille mortelle serait confiée, elle avait murmuré avant son trépas à l’oreille du médecin la composition d’un mélange d’herbes miraculeuses. Les marins qui la porteraient sur eux, quelle que soit leur religion, seraient protégés de la maladie. La légende avait oublié le nom de la sainte mais pas celui du médecin, Qalonimus, et l’amulette avait pris son nom.

Vous connaissez la loi vénitienne. Les Juifs ne peuvent entrer dans Venise par le port.

un sourire rapide comme le coup de griffe d’un chat, mi-embarrassé mi-complice

Elle entendait son cœur qui battait fort. Elle avait tellement peur qu’elle n’entendait plus rien d’autre.

Vivre sans avoir personne… ça veut pas dire que t’as pas besoin de quelqu’un.

Nous les suivrons à bonne distance. Une caravane de soldats, c’est comme un balai sur un carrelage rempli de cafards, ça nettoie le passage

Personne ne sait mieux qu’un escroc lire dans le cœur des hommes. Une qualité indispensable, dans un métier aussi incertain et totalement privé de règles.

Vous ne le connaissez pas, il ne ferait pas de mal à une mouche !
— À une mouche peut-être pas, mais à un Juif si. »

Il ne cherchait pas la victoire ou la défaite comme un quelconque mercenaire, mais l’élan vers la guerre, comme tous les fanatiques.

Elle dit qu’un être humain doit toujours avoir un projet, sinon c’est comme s’il ne vivait pas vraiment.

En mer, il y a plus de superstitions que de science. J’ai entendu parler de certaines amulettes prodigieuses…

Crois-moi, prends une maison parmi ton peuple et puisque tu es médecin, prends-la grande. Ainsi tu seras un grand médecin. Nous aimons les mascarades, nous aussi.

— On dirait que tout tourne autour du Rialto.
— Parce que le Rialto est le cœur de la ville.
— Je croyais que c’était Saint-Marc.
— Saint-Marc, c’est pour les politiciens, les intrigants et les visiteurs.

On naît chien ou on naît loup. Si tu es né chien, les coups de bâton auront raison de toi. Si tu es né loup, tu mordras le bâton aussi longtemps qu’il te restera du sang dans les veines. Il fit une pause, en continuant à le fixer. Es-tu chien ou loup ? »

Un projet, ça dit qui tu es.
— Ça le dit à qui ?
— À toi, d’abord. Et à ceux que tu aimes et que par conséquent tu respectes. »

Mais si tu cherches à être spécial uniquement pour elle, tu finiras par vous tromper tous les deux. Tu ne trouveras jamais le vrai toi-même et tu lui donneras quelque chose de faux.

Tu dois vouloir quelque chose qui nourrit le cœur. Ou tu mourras à l’intérieur. »

L’enthousiasme de ce garçon était comme le vent du levant, quand il souffle de la mer.

« Tu te laisses prendre à mes habits, à mes manières raffinées… et tu me prends pour un autre. Alors que je suis exactement ce que je suis. Regarde mes yeux. C’est uniquement là que tu trouves la vérité. Ils te font peur, mes yeux ? » Il sourit. « Oui, mes yeux font peur… parce que c’est ce que je suis, et rien d’autre.

Il suffit de faire quelque chose de stupide pour casser la raideur et tout paraît différent… plus léger.

Mon enfant, il faut rougir pour une faute, pas pour un mérite

« Il n’y a pas de rêves trop grands… », commença-t-elle à dire. Sa voix était calme. « Les rêves ne se mesurent pas. Ils ne sont ni grands ni petits. »

« Ciao ? Qu’est-ce que ça veut dire ?
— Pour se saluer, la coutume est de dire schiavo vostro, “je suis votre esclave”. Dans notre langue, schiavo se dit s-ciavo. Avec le temps, des lettres se sont perdues… on ne sait pas où ! dit-il en riant.

« Je pourrais me confier à elle, elle me prendrait dans ses bras et je serais en sécurité… »

Pour les anciens Romains, le dieu Mercure était le protecteur des voleurs.

“Je suis tous ceux que je veux être”. Mais qui était-il en réalité, sous ses travestissements ?

Mais quand ils nous ont mis en cage, comme tu dis, je me suis rappelé que je pouvais toucher le ciel, chevaucher les étoiles et m’en aller quand je voulais sans que personne ne puisse m’arrêter. »

Elle s’était abandonnée à la peur, elle avait cessé de lutter, de penser, de vivre.

Malgré les douleurs de l’âge, tu ne pourrais pas trouver de meilleur équipage. La joie, c’est comme avoir le vent en poupe…

Quand tu es un crève-la-faim, ta vie tient à un coup de dés… donc oui, c’est plus sage de pas la prendre trop au sérieux.

2 Replies to “Di Fulvio, Luca «Les enfants de Venise» (2017)”

  1. J’avais vraiment été séduite par « Le Gang des Rêves ». J’attendais donc beaucoup du roman suivant et, comme malheureusement bien souvent, j’ai refermé « Les enfants de Venise » avec une pointe de déception. Certes, l’écriture est agréable et j’ai trouvé le personnage de Mercurio bien sympatique mais la trame très classique, le manque de rebondissements et l’absence de surprise donnent un roman bien long qui ne devient réellement intéressant que dans les cent dernières pages.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *