Zeh, Juli «Nouvel An» (RL2019)

Zeh, Juli «Nouvel An» (RL2019)

Autrice : Née en 1974 à Bonn, Juli Zeh a suivi une formation de juriste avant d’entamer sa carrière d’écrivain.

Ses romans : L’Aigle et l’ange (Belfond,2004) La Fille sans qualités (2007 Actes Sud, 2007 ; Babel n°912 ; prix Cévennes du meilleur roman européen 2008), L’Ultime Question (2008), Corpus delicti (2010) et Décompression (2013), Brandebourg (2017), Nouvel An (2019) ainsi que son essai Atteinte à la liberté : les dérives de l’obsession sécuritaire (2010), tous très bien accueillis à la fois par la presse et par les lecteurs.

Actes Sud – 04.09.2019 – 192 pages (traduit de l’allemand par Rose Labourie)

Résumé : Des vacances de Noël en famille sur l’île de Lanzarote – ce rêve de Henning, mari et jeune père plein de bonne volonté, risque de tourner au vinaigre. Le temps est maussade, le moral se détériore ; les crises d’angoisse qu’il redoute tant réapparaissent. Le premier janvier, il décide de s’éloigner des obligations familiales, d’un amour mêlé d’incompréhension et d’une paternité qui l’écrase. Il enfourche un médiocre vélo de location et entreprend, par défi, une ascension harassante.
C’est un homme épuisé qui arrive au sommet de la montagne, où paysage et village se révèlent. Tel un voile qui se déchire, il lui semble retrouver un lieu maudit de sa petite enfance, une expérience traumatisante dont la romancière ressuscite alors chaque instant enfoui dans sa mémoire.
Juli Zeh, à son meilleur, se livre à un travail vertigineux d’expérimentation psychique : la plongée de Henning dans l’onde obscure du refoulé nous hantera longtemps.

Mon avis :  Et c’est parti pour mon livre « de Noël ». Consigne de cette année : pas de thriller – mais ce n’est pas tout à fait une « romance édulcorée et chichiteuse… désolée, mais le feel-good gnan-gnan je ne peux juste pas…  Et en fait de Non-feel-good, j’ai été servie !

Brève description de la Famille :
– ELLE, la « dominante » dans le couple ; elle a des parents qui sont leur propre centre du monde, et qui se servent d’elle et de sa famille pour se faire valoir.
– LUI a une sœur qui est quelque peu larguée, et une mère qui a conditionné toute la vie de ses enfants en les culpabilisant, d’une certaine façon, en leur faisant ressentir qu’elle s’est toujours sacrifiée pour eux, eux, qui étaient ce qu’elle avait de plus précieux… Il a une compagne dont il se passerait bien: la « chose » ; elle est là, elle guette, elle lui empoisonne la vie… Elle se manifeste quand elle le veut, et il n’y a pas moyen de l’apprivoiser… Comment vivre avec elle ? C’est ce qu’Henning devra apprendre pour vivre et non survivre…
– 2 enfants, Bibbi et Jonas.

Après une première semaine de vacances peu enthousiasmante et une soirée de Noël qui ne l’a pas emballé (c’est le moins qu’on puisse dire) , en ce premier jour de l’année, Henning décide de faire une chose dont il a envie LUI, de prendre de bonnes résolutions, de dégager un peu de temps pour lui et enfourche son vélo de location pour escalader les pentes du volcan Atalaya . « Lanzarote, l’île aux vélos » est l’endroit idéal pour se remettre en jambes, lui qui a cessé de pédaler alors qu’il faisait du vélo régulièrement.  C’est lui qui a décidé de venir passer avec sa petite famille les vacances de Noël/Nouvel An sur cette île volcanique qui l’attire sans qu’il sache pourquoi. D’ailleurs, sait-on pourquoi on rêve d’aller à un endroit précis, alors que rien ne nous relie à cet endroit. Il y a des endroits, des personnes, qu’on a l’impression de « reconnaitre » alors que l’on ne semble pas les connaitre… Et pour lui, Lanzarote, c’est ça…
Cette jolie promenade, entreprise sur un coup de tête, par mauvais temps et sans avoir les ressources physiques nécessaires va être un cauchemar à double titre… Déjà la grimpette ! pas ce qu’on appelle une partie de plaisir, à moins que seul le dépassement de soi vous intéresse… Et puis les pensées qui vont envahir sa tête, une fois arrivé au sommet.
J’ai regretté que la grimpette soit si longue car cette première partie du livre est longuette et qu’il faudra arriver au sommet pour que le récit démarre enfin. Il aura fallu pédaler dur pour « décoller », mais une fois la descente (aux enfers) lancée, c’est un moment de lecture oppressant, angoissant, puissant, qui vous remuera et ne vous lâchera pas…
Je ne vais pas vous raconter l’histoire, le livre est court, prenant, déstabilisant. Une belle réflexion sur le couple, la famille, l’enfance, les souvenirs, le passé, les non-dits… Et au final … je vous laisse enfourcher le vélo et attaquer la nouvelle l’année avec Henning et famille…

Extraits :

les premiers souvenirs reposent en réalité sur des photos ou des récits. On peut même les créer en montrant à des adultes des photos truquées de leur vie passée. Et ils se souviennent d’événements qui n’ont jamais eu lieu.

Avec les enfants, les vacances sont une parenthèse où la vie est encore plus épuisante que d’habitude. On n’a pas une minute à soi, et on consacre toute son énergie à ériger une forteresse contre le chaos, l’ennui et la mauvaise humeur.

En règle générale, il n’aime pas les vieilles femmes, et pourtant, tôt ou tard, il partagera la vie de l’une d’elles. Il aime encore moins les vieillards, et pourtant, un jour ou l’autre, il en sera lui-même un.

“faire” sonne généralement comme une menace. Son mot préféré à lui est “fonctionner”. Après tout, dans la vie, on en revient toujours à la même question : Est-ce que les choses fonctionnent ? Et tant que c’est le cas, il n’y a rien à faire.

Parfois, les pentes paraissent plus raides de loin que de près. Une paroi rocheuse peut sembler parfaitement verticale et s’incliner à vue d’œil à mesure qu’on se rapproche.

La colère lui donne des forces. Henning pédale un peu plus facilement. C’est une colère généralisée. Pas seulement contre la route, le vent et la montagne. C’est une colère contre le monde entier, une colère semblable à un champ énergétique, à de la chaleur ou de la lumière. Henning brûle de l’intérieur.

Ce qui le dérange le plus dans le temps, c’est qu’il passe toujours trop vite ou trop lentement. Ce n’est jamais le bon rythme.

La journée redémarre comme une roue bloquée par la rouille qui aurait reçu un coup de pied.

Elle retourne à la maison, traverse la terrasse jusqu’à la grande salle, tire la lourde porte en bois derrière elle, c’est comme si la maison fermait les yeux.

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