Collette, Sandrine « On était des loups » (RL2022)
Auteur : Sandrine Collette passe un bac littéraire puis un master en philosophie et un doctorat en science politique. Elle devient chargée de cours à l’université de Nanterre, travaille à mi-temps comme consultante dans un bureau de conseil en ressources humaines et restaure des maisons en Champagne puis dans le Morvan.
Elle décide de composer une fiction et sur les conseils d’une amie, elle adresse son manuscrit aux éditions Denoël, décidées à relancer, après de longues années de silence, la collection « Sueurs froides », qui publia Boileau-Narcejac et Sébastien Japrisot. Il s’agit « Des nœuds d’acier », publié en 2013 et qui obtiendra le grand prix de littérature policière ainsi que le Prix littéraire des lycéens et apprentis de Bourgogne. Le roman raconte l’histoire d’un prisonnier libéré qui se retrouve piégé et enfermé par deux frères pour devenir leur esclave. En 2014, Sandrine Collette publie son second roman : « Un vent de cendres » (chez Denoël). Le roman commence par un tragique accident de voiture et se poursuit, des années plus tard, pendant les vendanges en Champagne. Le roman revisite le conte La Belle et la Bête. Pour la revue Lire, « les réussites successives Des nœuds d’acier et d’Un vent de cendres n’étaient donc pas un coup du hasard : Sandrine Collette est bel et bien devenue l’un des grands noms du thriller français. Une fois encore, elle montre son savoir-faire imparable dans « Six fourmis blanches »(2015). « Il reste la poussière » obtient le Prix Landerneau du polar 2016. En 2017, elle publie « Les Larmes noires sur la terre ». En 2018 elle sort « Juste après la vague ». « Animal » sort en 2019, suivi de « Et toujours les forêts » (2020), « Ces orages-là » (2021), « On était des loups » (2022)
JC.Lattès – 24.08.2022 – 208 pages
Résumé :
« En ce temps-là on était des loups et les loups étaient des hommes, ça ne faisait pas de différence on était le monde. C’est pour ça que je vis : toucher du doigt, du bord du cœur le territoire sauvage qui survit en moi et quand les loups hurlent dans la montagne, je sais que je ne suis pas seul. »
Ce soir-là, quand Liam rentre des forêts montagneuses où il est parti chasser, il devine aussitôt qu’il s’est passé quelque chose. Son petit garçon de cinq ans, Aru, ne l’attend pas devant la maison. Dans la cour, il découvre les empreintes d’un ours. A côté, sous le corps inerte de sa femme, il trouve son fils. Vivant. Au milieu de son existence qui s’effondre, Liam a une certitude. Ce monde sauvage n’est pas fait pour un enfant.
Décidé à confier son fils à d’autres que lui, il prépare un long voyage au rythme du pas des chevaux. Mais dans ces profondeurs, nul ne sait ce qui peut advenir. Encore moins un homme fou de rage et de douleur accompagné d’un enfant terrifié. Dans la lignée de Et toujours les Forêts, Sandrine Collette plonge son lecteur au sein d’une nature aussi écrasante qu’indifférente à l’humain. Au fil de ces pages sublimes, elle interroge l’instinct paternel et le prix d’une possible renaissance.
Mon avis :
Cela se confirme… Mis à part un de ses livres (« Les Larmes noires sur la terre » qui lui fut un véritable coup de cœur), ce n’est pas une autrice pour moi ! 5 déceptions pour un coup de cœur, le ratio est peu favorable et pourtant je ressens que c’est une excellente autrice. Juste pas pour moi. Une voisine l’a acheté, je le lis (C’est court) mais décidément la sauce ne prend pas ! Même si je dois dire que je suis impressionnée par la gamme d’écriture de l’autrice. Je retiens toutefois la relation humain/nature, les descriptions de la montagne, des orages, des caractères taiseux mais c’est trop dur. N’ayant aucune empathie avec les personnages, j’ai immédiatement un sentiment de rejet et je pense que l’autrice a atteint son objectif ! Mais ce qui est un exploit d’écriture ne fut pas un plaisir de lecture. Pour moi le côté « sauvage » du personnage principal a dépassé les bornes… comme c’est souvent le cas avec cette romancière. Trop c’est trop et une fois que je me blinde, les émotions ne passent plus et c’est contreproductif car au lieu de m’identifier, je fais du rejet en bloc. En cela je reconnais la maîtrise du sujet et de la façon de présenter le récit.
Pour Liam, une vie se conçoit à deux : un homme-une femme. L’enfant est de trop. C’est juste un fardeau. Et quand en plus le fardeau lui échoit à lui… Lui qui n’a visiblement pas eu d’enfance, qui ne sait pas aimer ne voit en son fils que le fardeau à charrier : de ce fait il est injuste en plus d’être méchant. Les personnages de Sandrine Collette me mettent mal à l’aise ou me révulsent. Je trouve à ses écrits un côté malsain, toxique, parfois dégradant, avilissant : voulu certes mais que je supporte de moins en moins. Et moi je ne lis pas pour qu’on me raconte toute l’horreur du monde… Je lis pour m’évader, rêver, imaginer, apprendre mais pas pour voir encore plus de noirceur… Mais comme tous les livres de cette romancière, un livre qui marque.
Je vous souhaite de survivre à cette relation père-fils, à cette promenade à cheval. Et au final vous saurez si le pauvre gamin aura gagné un père ou si le père aura définitivement enterré le fait d’avoir un fils…
Extraits :
C’est important les enclos, pas tellement celui des poules encore que, mais celui des chevaux parce que les chevaux c’est toute ma vie. Si je ne les avais pas mes deux gros je pourrais boucler ma valise et filer de cet endroit car ici sans chevaux c’est comme sans arme on ne tient pas longtemps. Leur enclos j’y ai mis une batterie solaire à cause de toutes les saloperies de prédateurs qui viendraient me les écorcher la nuit et ça les protège, c’est pareil pour les chèvres même si les chèvres Ava les rentre dans la bergerie le soir elle préfère.
Bref ils avaient oublié que la nature c’est marche ou crève, ce n’est pas le soleil les petits oiseaux et des gens mignons autour.
On s’aimait comme des fous et ça a aidé pour pas mal de choses. On s’aime toujours même si on a moins à se dire, on s’est tout raconté depuis longtemps et les journées se ressemblent trop pour qu’il y ait un truc nouveau à partager.
Ce métier cette vie c’est le mieux que je pouvais décider pour moi, depuis tout petit je ne peux pas trop faire confiance aux gens ou alors il faut vraiment qu’il y ait très peu de gens.
Je n’aime pas qu’on dise que le loup hurle parce que ce n’est pas ça hurler, quand un clébard s’énerve là je veux bien. Le loup lui il chante c’est très différent, ce n’est pas gueuler pour gueuler, il y met du cœur et des intonations surtout quand ils sont plusieurs ça me donne des frissons et je n’ai qu’une envie c’est faire partie de la meute, ça vient de loin à l’intérieur de moi.
Là il faisait encore soleil et c’était un temps comme un rêve, je n’imaginais pas que le rêve ça pouvait se fracasser de cette façon.
J’ai l’impression que des heures longues comme des jours se sont écoulées et en vrai c’était l’après-midi. Le temps n’a plus le même étirement, on dirait un élastique et là on l’a tendu au maximum de ce qu’il peut supporter.
Il y a toujours quelque chose qu’on ne prévoit pas, quelque chose qui semble impossible et puis ça arrive. Ces choses impossibles c’est une suite de coïncidences qui individuellement ne représentent aucun danger pourtant mises bout à bout ça fait une chaîne et à la fin il y a une catastrophe.
Le chant des loups nous appelle parce que c’est notre chant et aussi loin qu’on puisse remonter il y a l’éclat d’un animal en nous, c’est pour ça que ça m’émeut et que des larmes viennent brûler le bas de mes yeux. Ce n’est pas du chagrin c’est une émotion profonde viscérale racinaire et ceux qui ne ressentent pas ça ils ont tout oublié, ce sont des gens déjà morts. Il n’y a pas de mots pour définir ce qui m’étreint et je me dis que c’est pour ça que je vis ici, pour toucher du doigt, du bord du cœur, le territoire sauvage qui survit en moi et à ces moments-là quand les loups hurlent dans la montagne je sais que je ne suis pas seul.
Ces jours qu’on chevauche lui et moi dans le silence c’est un silence que je n’aime pas. C’est très différent le calme quand on est seul et qu’on a une relation apaisée au monde et le calme quand on fait la gueule.
S’il perd du temps à regarder un papillon quand je l’envoie chercher de l’eau c’est qu’il est capable de poésie, cette poésie il la perdra bien assez vite tout seul, la vie s’en chargera et ce n’est pas la peine de l’engueuler. Je crois que j’accepte simplement que ce soit un gosse et ce n’est pas si facile quand soi-même on n’a pas eu d’enfance on ne sait pas ce que c’est. C’est comme un canard ou un chien orphelin élevé par un humain, s’il n’a jamais entendu cancaner ou aboyer eh bien il ne sait pas le faire. Au fond on n’est pas mieux que les bêtes il nous faut une référence.
2 Replies to “Collette, Sandrine « On était des loups » (RL2022)”
Eh bien moi, c’est l’inverse : sur quatre romans lus de Sandrine Collette, je n’ai qu’une déception avec « Ces orages-là » qui était son précédent, je crois. Tu devrais essayer, il y a une lueur d’espoir dans celui-là 🙂
Ah … comme on a un avis contraire, je devrais essayer celui que tu n’as pas aimé… Pas bête…